© BELGA

Libération de Michelle Martin : les réactions

Jean-Denis Lejeune et d’autres proches des victimes de Marc Dutroux ont réagi à la décision de la Cour de cassation qui a estimé, ce mardi, que la décision du tribunal d’application des peines de Mons de libérer sous conditions Michelle Martin était conforme à la loi.

Jean-Denis Lejeune : « J’ai envie d’hurler »

« Même en y étant préparé, le coup de téléphone de mon avocat m’a fait froid dans le dos. J’ai envie d’hurler. Pour moi, Michelle Martin est autant responsable de la mort de ma fille que Dutroux. Elle est plus dangereuse que lui », s’est exprimé M. Lejeune.

Pour Jean-Denis Lejeune, la réaction tardive du monde politique est à épingler. « Je trouve dommage qu’il ait fallu attendre la perspective de la libération de Mme Martin pour que les ministres daignent aller plus loin dans la réforme de la justice. Martin a profité de la législation existante pour passer entre les mailles du filet. Il ne faut pas se faire d’illusion, Marc Dutroux va également faire une demande ».

L’unique espoir de Jean-Denis Lejeune est de voir enfin Michelle Martin dire la vérité sur des faits horribles. « Son éventuelle réinsertion ne passera que par la vérité. Elle n’a plus besoin de faire un quelconque travail sur elle. Michelle Martin connaît la vérité, qu’elle se mette à table ! Mais, j’ai de sérieux doutes. Elle n’a jamais dit où les filles étaient enterrées, alors qu’elle le savait. Elle a changé plusieurs fois de versions des faits tout en se déchargeant au maximum. Pour moi, Malonne ne changera rien », ajoute M. Lejeune.

Michelle Martin: le père d’Eefje Lambrecks très déçu

Jean Lambrecks, le père d’Eefje, et sa compagne Els Schreurs se sont dit très déçus après la décision de la Cour de Cassation. Ils sont fatigués mais gardent assez de force pour continuer à se battre.

« Nous savions qu’il n’y avait plus rien à faire. La loi, telle qu’elle est aujourd’hui, a été respectée. Mais je trouve que les politiques doivent agir. Si vous êtes condamné à 30 ans de prison, vous devez accomplir l’entièreté de votre peine. La législation doit clairement être modifiée », a réagi Jean Lambrecks.

Els Schreurs a pour sa part répété qu’ils comptaient aller jusqu’au bout pour faire aboutir leur plainte déposée auprès du procureur du Roi de Bruxelles contre Michelle Martin pour insolvabilité frauduleuse. « Nous voulons que Martin soit poursuivie et nous n’abandonnerons pas ce combat. »

Rachel Vanderhoven, la mère d’Eefje Lambrecks, et son avocat Luc Savelkoul n’ont pas souhaité réagir ce mardi. Mme Vanderhoven avait décidé après le procès en assises qu’elle n’interviendrait pas sur l’application des peines et a depuis évité les médias. Une décision respectée par son avocat.

Paul Marchal : « J’en suis anéanti »

Paul Marchal, le père d’An Marchal, a fait part de sa grande déception après l’annonce de la libération conditionnelle de Michelle Martin. « J’en suis anéanti. Mon combat contre Martin est terminé mais la lutte pour le statut des victimes, elle, n’est pas encore finie. J’ai combattu pendant 17 ans. Je vais désormais laisser retomber les émotions avant de voir rationnellement ce que je peux faire. Mais durant ces 17 années, je suis sans cesse revenu au même point : tout se passe en réalité au niveau politique où les lois sont écrites et votées », a déclaré M. Marchal.

Ce dernier n’exclut pas de revenir en politique, sans toutefois disposer de plans concrets. « Je ne franchirai pas ce pas de manière aussi idéaliste que par le passé, avec mon propre parti. Si je reviens dans le monde politique, je veux m’inscrire dans un système existant », a expliqué Paul Marchal en regrettant particulièrement qu’on n’ait pas tenu compte d’où en sont les victimes.

« Il n’y a pas de discussion sur le fait que je me plie aux lois, telles qu’elles existent aujourd’hui, mais cela ne signifie pas que je suis d’accord », a-t-il ajouté.

Paul Marchal est enfin revenu sur la signature du ministre de la Justice de l’époque, Melchior Wathelet, qui avait permis que Michelle Martin et Marc Dutroux soient, par le passé, déjà libérés anticipativement sous conditions. « A peine 3 ans plus tard, ils recommençaient. Ensuite, les politiques ont décidé de confier les décisions relatives aux libérations à des tribunaux de l’application des peines. Encore un faux pas! Je ne sais pas s’il est sain de mettre ça complètement entre les mains de la justice », a conclu M. Marchal.

Me Georges-Henri Beauthier : « il faut un changement législatif »

Me Georges-Henri Beauthier, l’avocat de Jean-Denis Lejeune et de Laetitia Delhez, ne s’est pas épanché en déclarations après le prononcé de la Cour de cassation. « A mon sens, il faut un changement législatif. La loi doit être revue pour davantage de respect et d’écoute des victimes », a-t-il réagi à la sortie de l’audience.

« Je transmettrai dans les plus brefs délais la décision de la Cour à mes clients. J’imagine qu’ils seront déçus », a ajouté Me Beauthier.

Michelle Martin est donc à présent libre et aucune instance juridique belge ne peut plus contester la décision du tribunal de l’application des peines de Mons. Me Beauthier avait évoqué dans les médias il y a quelques jours la volonté d’introduire une requête devant la Cour européenne des droits de l’Homme afin d’obliger l’Etat belge à un meilleur respect du droit des victimes dans la législation de notre pays. « Nous verrons dans les prochains jours les démarches que nous pouvons encore entreprendre », a-t-il encore déclaré avant de quitter le palais de Justice de Bruxelles.

Me Thierry Moreau : « une reconnaissance de la loi pour tous »

« Cette décision de la Cour de cassation est une reconnaissance que nous vivons dans un Etat de droit où la loi est la même pour tous », a déclaré l’avocat de Michelle Martin, Me Thierry Moreau, à l’issue du prononcé de la Cour.

« Je ne considère pas cette décision comme une victoire. La loi a simplement été respectée. Et si le TAP a décidé de libérer ma cliente, c’est qu’il y a des raisons objectives à cela. Sinon, il n’aurait pas agi de la sorte », considère Me Moreau.

« J’ignore si l’ordre de libération est déjà parvenu à la prison de Berkendael (Forest). Mais assez rapidement, ma cliente devrait pouvoir se rendre auprès des soeurs Clarisses à Malonne, où elle tentera de se réinsérer dans la société et de racheter ses fautes. » L’avocat de l’ex-femme de Marc Dutroux a tenu à rappeler qu’une réinsertion ne peut se dérouler correctement sans une volonté de la société d’accueillir Michelle Martin et de l’aider à retrouver sa place dans cette société.

Quant aux menaces et aux discours haineux proférés sur internet, Me Moreau ajoute qu’il faut pouvoir faire le tri entre les paroles et les actes. Il dit espérer que les citoyens respecteront les valeurs fondamentales de notre société et les décisions prises par la Justice.

Enfin, l’avocat de Michelle Martin a répété que « sa cliente était disposée à rencontrer les différentes victimes de ses actes ».

Levif.be, avec Belga

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire