Carte blanche

Lettre ouverte à Liesbeth Homans et Zuhal Demir

Mesdames, vous êtes toutes deux en charge de l’égalité des chances. Et nous pouvons dire qu’il y a du travail. La Belgique caracole en tête des pays OCDE qui discriminent le plus à l’emploi et notre système éducatif est l’un des plus reproductifs des inégalités sociales.

Les chiffres ne mentent pas. En Belgique, on est loin, très loin de l’égalité des chances.

Alors, quel est votre plan d’action? Vos idées innovantes pour changer tout ça? Rien. Vous ne mettez rien en place pour offrir à chacun et chacune des opportunités égales. Au contraire, vous avez décidé – la NVA a décidé – de s’attaquer à Unia, le centre fédéral de l’égalité des chances.

Il y a deux jours, Madame Homans s’est plaint d’une soi-disant discrimination commise par UNIA en disant:

« Si une femme blonde avec des yeux bleus introduit une plainte pour avoir été traitée de prostituée nazie, les chances qu’elle soit entendue sont nulles. Alors que si une femme voilée dépose une plainte parce qu’elle est insultée, elle a 100% de chances d’être entendue »

Et Zuhal Demir de renchérir en prétendant:

« Les citoyens ont le sentiment que l’organe est trop moralisateur. Aussi, Unia se ridiculise en n’ouvrant des procédures de recrutement que pour des femmes. »

Selon vous, le problème vient de UNIA ? Ou du manque d’attention au grave problème de discrimination que subissent les « blondes »? Ou du fait que les femmes sont trop privilégiées à l’emploi?

Eh bien Mesdames, il faut réviser vos attributions et le sens de la mission qui vous a été confiée.

Commençons par revoir les définitions de votre mission légale.

L’égalité des chances est une vision de l’égalité qui cherche à faire en sorte que les individus disposent des mêmes chances, des mêmes opportunités de développement social, indépendamment de leur origine sociale ou ethnique, de leur sexe, des moyens financiers de leurs parents, de leur lieu de naissance, de leur conviction religieuse, d’un éventuel handicap…

La loi belge contre la discrimination définit précisément les critères de discrimination. Il est interdit de discriminer une personne en raison de sa prétendue race, de son handicap, de son orientation sexuelle, de ses convictions religieuses, etc…

Si toutes les victimes qui s’estiment discriminées peuvent porter plainte, on peut faire aisément l’hypothèse qu’au vu notamment des statistiques concernant les victimes de discrimination et d’actes racistes, la femme « blonde » aura moins de raisons et d’arguments juridiques (sachant qu’il existe un institut fédéral pour l »égalité des femmes et des hommes vers lequel il lui est également possible de se tourner !) pour porter plainte que la femme voilée. L’argument de la jeune femme « blonde » ou « blanche » dont le sort n’émeut guère les institutions luttant contre le racisme n’est pas neuf, il était déjà utilisé par Marine Le Pen en 2012 pour justifier sa proposition de stopper le financement public de SOS racisme[1]. La grossière stratégie lepeniste de mobilisation de l’électorat majoritaire contre les minorités en faisant croire que les seconds sont structurellement privilégiés par rapport aux premiers, à laquelle vous semblez désormais souscrire, est abjecte et irresponsable.

De surcroît, nous tenons à rectifier vos propos, Madame Homans, si la plainte introduite par une femme voilée a des chances d’être entendue – bien en deçà des 100% nous pouvons en témoigner- elle a par contre très peu de chances d’obtenir gain de cause.

Les plaintes pour racisme sont quasi systématiquement classées sans suite par le Parquet et très peu de signalements pour discriminations liées aux convictions religieuses n’aboutissent à une sanction.

Quant aux femmes, faut-il rappeler à madame Demir que le risque de pauvreté touche les femmes plus que les hommes? Que l’emploi est la seule manière de lutter efficacement contre ce risque? Qu’engager une femme à une fonction en vue de lutter pour l’égalité homme-femme n’a rien de discriminatoire?

Pourrait-on qualifier de discriminatoire l’engagement d’un homosexuel au poste de responsable de la lutte contre l’homophobie? Les hétéros vont-ils porter plainte pour discrimination ? C’est absurde.

Vous ne vous attaquez pas « aux vrais problèmes » relatifs à l’égalité des chances, pourtant nombreux. Votre méconnaissance du sujet est affligeante. Mais peut-être n’êtes-vous pas là pour lutter pour l’égalité, mais uniquement pour démanteler encore un peu plus l’état fédéral au profit du projet séparatiste de la NVA?

Pour conclure, il y a effectivement des choses à faire pour améliorer le fonctionnement d’UNIA. Ainsi ne pourrait-t-on pas imaginer qu’un administrateur comme Mathias Storme qui a dit que « le droit de discriminer était une liberté fondamentale » soit remplacé par une personne qui veut s’attaquer « aux vrais problèmes » de discrimination qui demeurent.

Selma Benkhelifa – Administratrice du MRAX

Carlos Crespo – Président du MRAX

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