Thierry Fiorilli

Let’s go

Thierry Fiorilli Journaliste

C’est l’affiche d’un film, attendu depuis quarante ans. Elle résume l’adaptation d’un livre mythique. Elle réanime aussi le fil de nos vies. L’espace d’un moment. Et c’est déjà immense.

Elle dit, en lettres et en mots, l’essentiel : « Sur la route, d’après le roman emblématique de Jack Kerouac ». Donc, c’est l’adaptation du livre culte paru en 1957, après six versions méprisées par les éditeurs, carbonisé par la critique mais au succès vertigineux (100 000 exemplaires vendus chaque année). Et en voici l’affiche.

Elle nous fait lever l’ancre. Avec son ciel infini, sans frontières, qui offre une tournée générale de promesses, de possibles, d’impensables, d’inouïs. On voit bien quelques nuages, blancs, dans le bas, parce qu’il faudra bien payer la note, un moment ou l’autre, et qu’il y aura des pièges, des rides, des mensonges, des traîtrises, des larmes et des abîmes. Mais le soleil est si exultant, et la poussière vole si haut, qu’on veut n’y déceler que ballets de sable. Et ça sent si bon, le sable. On l’utilise même pour boire le sang, pour effacer les traces, pour bâtir de l’éphémère, qu’on laisse aux caprices du vent, des vagues et des enfants.

Il y a les montagnes, là, dans le fond. Et les cactus, le long de la piste. Qui veillent au grain, chacun leur façon, chacun leur poste, dressés comme des valets, des vigies, des dogmes, des coups de semonce. On dirait qu’ils murmurent : « Vivez, vivez ! Croquez, mordez, rêvez, aimez, perdez l’haleine, quittez tout, flambez ! Vous n’en aurez que déconvenues ! » Alors on s’engouffre dans la voiture, qui dévale, vers une ville, avec, c’est évident, une mer qui fait le pied de grue, derrière. Dans l’auto, tout en rondeurs, fenêtres ouvertes, musique, plein pot. Qu’importe laquelle, du moment qu’elle éventre tympans et bitume. Et réveille la grâce qui fait se persuader que, malgré tout, le plus beau est encore devant.
Et on regarde ces trois visages. On ressent qu’ils sont fusionnels. Qu’ils ne veulent ni entraves, ni attaches, ni CDI, ni plans de relance, ni états généraux, ni renégociations d’emprunts bancaires, ni cartes de fidélité plein le portefeuille. Juste un peu de solaire, de lointain, de fulgurant. D’essentiel. D’inespéré.

On sent que ça se terminera mal. Mais le vent qui sort de l’affiche est plus fort : il chasse les ombres et désillusions qui rôdent autour de notre petite époque bien fléchée. Avec, en écho, cet échange entre les deux garçons, pendant que la fille rit, ou dort : « – Hey, Sal ! Faut y aller, et ne pas s’arrêter avant d’y être. – Et où ça, mon pote ? – Je ne sais pas. Mais faut y aller. » Deal.

THIERRY FIORILLI

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