Thierry Fiorilli

Les vertus du saut d’index et d’une cotisation de crise

Thierry Fiorilli Journaliste

En attendant que le Commission européenne se décide enfin à ne plus acculer les Etats-membres à réduire leur déficit, tout de suite, mais à leur permettre de retrouver l’équilibre à différents rythmes – puisqu’on voit que ceux ayant pris des mesures, drastiques, d’austérité, d’un coup, continuent de s’enfoncer tant et plus – le gouvernement belge poursuit son conclave budgétaire, pour trouver 4 milliards d’économie.

C’est peu dire qu’il pédale, le gouvernement. Preuve que l’unanimité s’obtient toujours au forceps en démocratie, surtout au sein d’une coalition qui va de gauche à droite et qui rassemble des fibres socio-économiques et culturelles aussi opposées que celles de la Flandre, de Bruxelles et de la Wallonie. Preuve aussi que l’accélération de la crise et la campagne électorale pour les communales d’octobre (ses résultats aussi, évidemment) ont laissé une équipe totalement impréparée s’attaquer à un défi pourtant prévisible, annoncé et gigantesque. Preuve enfin que Di Rupo Ier est confronté à son véritable premier dilemme : après les mesures de saupoudrage (chaque parti de la majorité a sa petite victoire dans l’ensemble des décisions), il faut maintenant trancher net. Gauche et droite s’affrontent donc, dans un duel aussi légitime que crucial. Duel symbolisé par deux mesures possibles : le saut d’index (pas tabou pour les libéraux et les sociaux-démocrates) et la cotisation de crise (proposée par le PS). Avec, planant au-dessus, la hausse de la TVA (dont les libéraux flamands ne veulent pas).

Dans les deux cas, qu’on ne s’y trompe pas : ce sont les plus nantis, les privilégiés, qui devraient être davantage touchés. Et par les temps qui courent, c’est assez délicat d’estimer que ce serait injuste ou indécent. Samedi, sur la Première, au Grand Oral, Philippe Maystadt, qui en connaît un bout en matière budgétaire et qui ne peut pas être suspecté d’être idéologiquement borné, suggérait quelque chose qui semble être le bon sens : « Le principe de l’indexation est important pour maintenir le pouvoir d’achat de la population. Qu’il y ait un mécanisme de liaison entre l’évolution salariale et l’évolution des prix à la consommation est tout à fait défendable. Ceci dit, certaines modalités peuvent être discutées. Ainsi, pourquoi s’accrocher à ce mécanisme qui fait que lorsqu’on donne 2%, on donne beaucoup plus à celui qui gagne 10.000 euros qu’à celui qui en gagne 1.000. Le système actuel accroît les inégalités. Donc, qu’on réfléchisse à des formules qui, tout en maintenant le principe de l’indexation des salaires, qui me paraît essentiel, modulent ces effets pervers. » On peut penser pareil pour un éventuel saut d’index. Modulé. Le graphique ci-dessus montre bien les répercussions (graves) d’un saut d’index généralisé.

La cotisation de crise temporaire soutenue par le PS, elle, propose un pourcentage additionnel ajouté aux impôts. L’un, de 1,17%, prélevé sur 99% des contribuables. L’autre, de 2,34% prélevé sur les revenus les plus hauts.

Exploiter ces pistes-là, en n’appliquant pas le même régime à tout le monde, puisque les revenus ne sont pas égalitaires, aurait au moins le mérite de démontrer qu’un gouvernement, tout de coalition soit-il, prend ses responsabilités en garantissant un minimum de bien-être aux citoyens. Et ferait mentir ceux qui estiment qu’aujourd’hui, en cas de crise, les gouvernants, à la recherche de solution, incarnent ce dicton japonais : « Si votre seul outil est un marteau, tout ressemble à un clou. »

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