Hugues Bayet

Les Verts : la gauche unie, c’est à la carte ?

Hugues Bayet Député européen (PS)

Lors d’un débat organisé par la revue Politique, Philippe Lamberts, eurodéputé écologiste belge, s’est mis à rêver de faire  » des majorités rouge-rouge-vert là où c’était possible  » en prônant que la gauche s’unisse pour rompre avec le capitalisme notamment au niveau européen.

Philippe Lamberts a aussi indiqué combien, à la différence de l’extrême gauche, il était important d’agir là où se prennent les décisions, dans les parlements et les gouvernements, pour faire bouger les choses sans attendre le Grand Soir. Et si on passait cette louable intention à l’épreuve des faits ?

Mardi avait lieu au Parlement européen un vote important. Son objectif ? Combattre l’évasion fiscale des multinationales via notamment 4 mesures fortes :

  1. Faire en sorte que les entreprises paient leurs impôts là où elles réalisent des bénéfices.
  2. Rédiger une définition commune des paradis fiscaux.
  3. Unifier et clarifier la législation sur les brevets.
  4. Garantir un taux d’imposition juste des multinationales entre les Etats membres.

A ce titre, il est important de souligner que le Parlement a décidé de prendre ses responsabilités et de voter un texte qui va plus loin que les propositions initiales formulées par le Commissaire Moscovici.

Ce qui en fait, selon plusieurs observateurs, un des textes les plus à gauche qui ait été voté par le Parlement européen ces dernières années.

Voilà sans doute pourquoi le PPE (les conservateurs) a décidé de ne pas soutenir le texte en s’abstenant massivement. La raison de cette abstention ? Les députés PPE ont expliqué la position délicate qui est la leur. Le texte est bien trop à gauche pour qu’ils puissent le soutenir. Mais ils indiquent également que l’opinion publique ne comprendrait pas le rejet d’un texte qui lutte contre l’évasion fiscale au moment où les scandales se multiplient…

Ce rapport est donc un vrai texte progressiste, un vrai texte de gauche, qui contient des armes efficaces contre l’évasion fiscale. Les Verts ont activement participé à sa rédaction. Mais comme souvent ces derniers temps, au moment de voter, le courage disparaît pour laisser place à l’hésitation. Poutant, 95% des amendements portés conjointement par les socialistes, les verts et la gauche radicale avaient passé l’épreuve du vote en commission.

Contester sans jamais prendre ses responsabilités ? Reculer au dernier moment, juste avant de sauter ? On est très loin de la fameuse majorité « rouge-rouge-vert » rêvée… Et, in fine, une attitude qui met en difficulté une politique de gauche réclamée par de plus en plus de citoyens.

Les Verts européens ont choisi leur camp : ce n’est pas celui des citoyens, ni celui de l’intérêt général, c’est celui du coup de pub permanent

Par leur vote, les Verts préfèrent prendre le risque de faire échouer un des textes le plus à gauche qu’on ait eu l’occasion de voter au Parlement européen. Ils font, de facto, gagner une nouvelle fois la droite plutôt que d’assumer leurs responsabilités…

Les Verts européens ont choisi leur camp : ce n’est pas celui des citoyens, ni celui de l’intérêt général, c’est celui du coup de pub permanent. Je peux comprendre que passer dans les médias peut apporter une certaine satisfaction. Mais quand cette attraction pour les caméras compromet des politiques progressistes qui améliorent la vie des citoyens, il s’agit d’une faute politique.

Plus généralement, l’attitude des Verts européens devient dangereuse pour la gauche européenne et contribue, mois après mois, à renforcer le poids des conservateurs en Europe. Aujourd’hui, une alliance « rouge-rouge-vert » est loin d’avoir une majorité au Parlement européen. Il faut pouvoir faire des compromis pour faire avancer ses idées et ses propositions. C’est l’essence même de nos démocraties. Les Verts européens préfèrent s’enfermer dans leurs certitudes et adopter une posture de critique permanente qui les condamne à s’opposer à toutes les réformes ambitieuses. Au risque d’adopter une attitude qui nuit aux citoyens européens.

Il est nécessaire de faire bloc contre les conservateurs majoritaires. La situation socio-économique est tellement grave et le rapport de force tellement défavorable qu’elle exclut de s’amuser à des petits jeux politiques qui ne renforcent en rien l’émergence d’une force alternative progressiste ! Je suis las de ces attitudes qui contredisent sans cesse les beaux discours ! Prenons nos responsabilités, l’Europe mérite mieux que ça !

Il est maintenant temps que chacun joue cartes sur table, en finisse avec les manoeuvres populistes et affirme clairement sa position : voulons-nous le texte conservateur prôné par la Commission ou le texte progressiste prôné par le Parlement ?

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