Bougies et fleurs à Maelbeek © Belga

Les spécialistes américains critiquent les services de sécurité belges qui sont des enfants

Rudi Rotthier
Rudi Rotthier Journaliste Knack.be

À en croire The Daily Beast, les spécialistes américains ne sont pas impressionnés par les services de sécurité belges. L’un d’entre eux n’hésite pas à traiter les enquêteurs belges « d’enfants » incapables de gérer efficacement la menace terroriste actuelle.

Les critiques à l’égard des services de sécurité belges dans les médias américains sont modérées ou virulentes, mais ne diffèrent pas vraiment des critiques entendues en Belgique. Le seul point positif souligné par les médias américains, c’est qu’autrefois c’était pire et qu’on assiste à un mouvement de rattrapage. Cependant, le fait qu’après les attentats de Paris des groupes liés à la Belgique aient pu se cacher, être alimentés et financés pendant quatre mois tout en restant opérationnels pour finalement frapper à mort, est critiqué partout.

Le plus dur, c’est un article du site d’informations The Daily Beast du journaliste Michael Weiss. Weiss, également commentateur sur CNN, a écrit un livre sur l’État islamique et connaît très bien les services secrets américains. Dans son article, il cite des ténors anonymes de services de renseignements américains.

L’une de ces sources anonymes déclare la chose suivante au sujet des « Belges ». « On parle avec des gens – et je vais le dire durement – qui sont des enfants. Ils ne sont pas proactifs, ils ne savent pas ce qu’il se passe. Ils sont dans une phase de négation cruelle, car il est terrifiant d’admettre qu’on perd le contrôle de son pays ». « C’est vraiment un savoir-faire de merde », poursuit-il.

La Belgique, qui compte 534 combattants partis en Syrie et qui détient le record d’Europe d’Occidentale de djihadistes par habitant, serait dépassée par la tâche. Si la situation s’est améliorée depuis les attentats de Paris, le pays n’a toujours pas d’emprise sur le réseau d’extrémistes.

« Il y a plusieurs problèmes à la fois », écrit Weiss. « Il y a une incapacité à impliquer la communauté musulmane et à éviter qu’une partie de cette communauté continue à vivre dans des ‘enclaves’ et rejette toute la collaboration avec les forces de l’ordre – ou que certains musulmans montrent plus de solidarité avec leurs amis qui se radicalisent qu’avec le pays où ils habitent. En outre, les services de renseignement n’ont pas suffisamment de personnel pour suivre toutes les traces. Sans parler des six zones de polices à Bruxelles, qui ne favorisent pas la collaboration, et l’échange parfois difficile de données avec les services étrangers. »

« Le talon d’Achille d’Europe »

D’après les sources de Weiss, on s’attendait à des représailles après l’arrestation de Salah Abdeslam. Les services américains auraient abondamment mis la Belgique en garde. « On a suggéré aussi », a déclaré Weiss sur CNN, « que l’annonce qu’Abdeslam participerait à l’enquête pouvait constituer un signal pour les autres membres de son groupe. Un signal délibéré et convenu, ou simplement le signe que ses anciens complices devaient se dépêcher ».

Aussi les attaques de mardi ont-elles été accueillies par certaines spécialistes à Washington avec « frustration résignée ». « On a fait ce qu’on a pu », a déclaré une source à Weiss.

« La Belgique augmente le nombre de personnes affectées aux renseignements et au maintien de l’ordre », explique Adam Schiff, le plus haut démocrate de la commission de renseignements de la Chambre des représentants des États-Unis, « mais elle doit rattraper un retard, et on en voit les conséquences ». Selon les spécialistes américains, le problème se pose dans toute l’Europe.

Weiss cite l’expert en jihad français Gilles Kepel: « les jihadistes pensent que l’Europe est le talon d’Achille de l’Occident, et que la Belgique est le talon d’Achille d’Europe. » The Daily Beast cite plusieurs exemples : l’attentat au musée juif de Bruxelles, les armes utilisées par Amedy Coulibaly lors des attentats de janvier 2015 à Paris, l’attentat manqué sur le Thalys pour Paris où l’auteur est monté à Bruxelles, la contribution belge importante aux attentats de Paris en novembre. La Belgique a joué un rôle dans ces quatre attentats ou tentatives d’attentats.

25 enquêteurs par suspect

Aux États-Unis, on estime qu’il faut 20 à 25 personnes par suspect. Selon The Daily Beast, Coulibaly avait 20 téléphones sur lui. Il fallait tous les suivre. La Belgique engage beaucoup moins de personnel. Et même quand elle recrute, les nouvelles personnes doivent d’abord suivre une formation.

Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats de Paris, était impliqué dans quatre attentats et a pu s’échapper trois fois. Il était lié à la préparation de l’attentat contre le musée juif, la cellule démantelée à Verviers (tout de même un bon point pour les services de sécurité belges), l’attentat manqué contre le Thalys et les attentats de Paris.

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