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Les soldats belges interdits de Jour-J

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Tenus dans l’ignorance du jour et du lieu du débarquement, maintenus à l’écart des plages de Normandie, le 6 juin 1944 : ministres et soldats belges, sur pied de guerre en Angleterre, enragent et protestent. Les Anglo-Saxons ont leurs raisons.

Les Belges ne voulaient pas manquer ce rendez-vous avec l’Histoire. Ils n’y sont pourtant pas conviés. Les Anglo-Saxons ont décidé de se passer de leurs services, le jour où ils débarqueront sur la façade atlantique du continent, en un lieu tenu jalousement secret. Hors de portée des oreilles indiscrètes des ministres belges installés à Londres. Ceux-là seront aussi surpris d’apprendre, le 6 juin au matin, que la Normandie est le point de chute des forces de débarquement alliées.

Le gouvernement belge n’est pas complètement sourd et aveugle. Il se doutait bien qu’il y avait anguille sous roche. Six jours avant le Jour J, le Premier ministre, Hubert Pierlot, informe ses collègues réunis en conseil des ministres du « discours qui devra être prononcé par lui, à l’intention des Belges en pays occupé, le jour du débarquement des armées alliées. »

L’assaut est dans l’air du temps. Mais les grandes manoeuvres restent enveloppées dans un épais brouillard. Le black-out irrite les autorités belges. Elles le jugent vexant, même si elles ne sont pas les seules à le subir. « L’énervement perceptible du gouvernement belge exilé à Londres au cours du printemps 1944 s’explique également par la mise à l’écart des militaires et autorités politiques des petits alliés des décisions et des actions en vue du débarquement allié », relève Thierry Grosbois, biographe d’Hubert Pierlot.

Anglais et Américains ont un argument imparable à opposer aux curieux. Qu’ils soient néerlandais, luxembourgeois, belges ou tchécoslovaques, les petits Poucets de la cause alliée n’ont pas à être dans la confidence d’un débarquement auquel ils ne seront de toute façon pas admis. Pierlot et ses ministres en sont marris. Ils se désespèrent de ne pas avoir pu imposer l’engagement des forces militaires belges disponibles en Angleterre. Les troupes piaffent, le gouvernement trépigne. Il faisait d’une participation belge au débarquement un élément de sa stratégie politique : « Pierlot est soucieux d’assurer le prestige des soldats belges exilés de retour au pays, et ce face à la Résistance armée de l’intérieur », observe Thierry Grosbois. La perspective que l’assaut allié se produise dans le Nord-Pas de Calais, proche du littoral belge, décuple l’envie du monde politique de s’offrir une visibilité par soldats interposés.

Mais le contingent belge montre ses limites. « L’effort de guerre belge, important d’un point de vue politique, pour tenter de restaurer le rang de la Belgique dans le camp allié, reste purement symbolique, faute d’effectifs suffisants. » C’est bien l’avis du War Office britannique. Début mai 1944, le commandement anglais a réaffirmé sa position à un Pierlot revenu à la charge : « Les troupes belges se battront. Il a toujours été entendu qu’elles ne participeraient pas à des opérations de débarquement proprement dites, mais qu’elles iront au feu après, aussitôt qu’il y aura moyen. »

Dans Le Vif/L’Express de cette semaine, le dossier. Avec :

– Le témoignage de l’officier-canonnier Daniel Geluyckens, qui était à bord d’un destroyer anglais. – Trois mois de sueur, de sang et de larmes attendent les Belges avant l’heure de la délivrance. – Le Débarquement plonge le pays dans une spirale de violence et de terreur. – Des résistants parfois imprudents. – Les confessions d’un ancien collabo.

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