Jacqueline et Isabelle Galant © Denis Vasilov/BelgaImage pour Le Vif/L'Express et Belga

Les soeurs Galant : fusionnelles jusqu’où?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Jacqueline Galant a-t-elle fait pression sur l’employeur d’un échevin d’Isabelle, sa soeur et bourgmestre renversée à Lens. Difficile de croire le contraire… Mais pourquoi la bourgmestre de Jurbise, également ministre MR, a-t-elle franchi la limite ? Il y a bien sûr l’esprit de famille. On parle aussi d’un agenda politique caché de fusion entre les deux communes. Fantasme ? Reportage.

Le lundi 20 avril restera dans la mémoire des Lensois comme un jour historique. Cent cinquante citoyens du cru qui élèvent un peu la voix pour scander « Lensois, pas d’accord ! » en plein conseil communal, cela s’apparente à un climat insurrectionnel pour cette commune rase et paisible de 4 300 âmes, au nord de Mons, où les fermes familiales fondent comme neige au soleil et où il ne reste plus qu’un seul boulanger. Il faut dire que le déchirement de la majorité en place avait quelque chose de shakespearien : désamour, trahison, rancoeurs, luttes pouvoir, meurtres (politiques)… La bourgmestre, Isabelle Galant, venait purement et simplement de se faire éjecter par son prédécesseur et éphémère coalisé, l’incontrôlable Ghislain Moyart qui a fait fi des huées de la foule, trop content de retrouver son trône, à 67 ans. Avant les dernières élections, il l’avait occupé pendant douze ans.

Ce putsch, perpétré via une motion de méfiance permise par le code de la démocratie locale, est un coup dur pour la désormais ex-première dame de Lens. D’autant que la famille Galant est habituée aux histoires à succès. Conservateur catholique, Jacques, le père, ancien meunier, a tenu les rênes de Jurbise, la commune voisine, pendant dix-sept ans. Sa fille Jacqueline, aussi impulsive qu’ambitieuse, lui a succédé au mayorat en 2000 pour ne plus le quitter, préférant l’étiquette libérale à celle des sociaux-chrétiens. Elle a aussi doublé sa carrière locale d’une ascension fulgurante au fédéral, puisqu’elle est, depuis 2014, ministre de la Mobilité dans le gouvernement Michel. Et voilà qu’il y a deux ans, avec le groupe libéral-chrétien MDC, Isabelle, sa soeur aînée dont elle est très proche, parvenait à déboulonner Moyart, l' »ancien », le rusé, de son fauteuil de bourgmestre. La dynastie élargissait son rayonnement.

C’est dire si le renversement du 20 avril a coupé le souffle des Galant. Tout le clan s’est senti meurtri. Lors du fameux conseil communal, le mari d’Isabelle, ses enfants et Jacqueline étaient présents pour faire bloc. « La famille est toujours là pour les coups durs, sourit l’évincée, derrière son bureau des contributions de Mons où elle a déjà repris un plein temps. Si mon père était encore de ce monde, il serait venu. » L’après-midi du vendredi 18, Jacqueline se trouvait déjà aux côtés de sa soeur, à la maison communale, lorsque Ghislain Moyart et ses compagnons du parti Lens-et-vous ont apporté la motion. « Elle a déboulé comme une furie », se souvient Laurence Lelong, cheffe de file des socialistes lensois qui ont rejoint la nouvelle majorité. Et puis, il y a surtout ce fameux coup de téléphone, le lundi, quelques heures avant le conseil communal.

A 15h19, ce jour-là, Grégory Savoie, patron d’un bureau de géomètres à Jurbise, tranquillement installé à l’orée du bois de Baudour, reçoit un appel de Jacqueline. Aucun doute, c’est bien le numéro de gsm de la ministre qui est apparu à l’écran. Savoie est l’employeur de Bruno Beltrame, échevin à Lens, un des putschistes complices de Moyart. Visiblement, Galant appelait pour faire pression sur Beltrame. Vu la position des uns et des autres, difficile d’interpréter autrement un tel coup de fil juste avant le conseil communal houleux. Beltrame a porté plainte auprès du parquet de Mons.

Jacqueline Galant n’a pas répondu à notre appel. Dans un communiqué, elle soutient qu’il « n’y a pas eu la moindre intimidation » de sa part.

L’enquête dans Le Vif/L’Express de cette semaine. Avec :

– l’appel de la ministre aux hautes instances PS

– l’agenda caché entre les soeurs Galant

– Ghislain Moyart, un homme assoiffé de pouvoir ?

– Isabelle, l’indécise

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire