Joëlle Milquet © BELGA/Jasper Jacobs

Les réactions après la démission de Joëlle Milquet

Après la démission de la ministre de l’Éducation Joëlle Milquet, inculpée pour de présumés emplois fictifs à son cabinet lorsqu’elle était à l’Intérieur, les réactions ont fusé.

Le ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Rudy Demotte, a salué lundi le travail de sa ministre de l’Education, Joëlle Milquet, qui a donné lundi matin sa démission après son inculpation pour de présumés emplois fictifs à son cabinet lorsqu’elle était ministre de l’Intérieur.

« Femme déterminée, munie d’une motivation sans faille, Joëlle Milquet aura jeté les bases de dossiers importants et emblématiques pour la culture et l’enseignement francophone. Je la remercie pour son travail et son implication. J’espère que sa décision lui permettra de se défendre dans les meilleures conditions », a indiqué M. Demotte, cité dans un communiqué. Actuellement en visite officielle au Sénégal, le ministre-président assure que d’ici au remplacement de Joëlle Milquet, son gouvernement continuera à travailler « sereinement et à mener à bien ses missions et dossiers en cours dans l’intérêt des francophones ». M. Demotte est attendu de retour à Bruxelles mercredi soir. La prestation du successeur de Mme Milquet est attendue soit jeudi, soit vendredi.

« Ce n’est pas une bonne nouvelle »

Le Conseil de l’Enseignement des Communes et des Provinces (CECP), qui regroupe notamment tous les pouvoirs organisateurs des écoles fondamentales communales et provinciales de la Fédération, a accueilli avec regret le départ de la ministre Joëlle Milquet, qui a annoncé sa démission lundi.

« C’est une annonce que l’on n’avait pas envie de recevoir », a réagi sa secrétaire générale, Fanny Constant, interrogée par Belga.

« Ce n’est pas une bonne nouvelle », pointant « la force de travail et le tempérament » de Mme Milquet, engagée de manière « constructive dans une dynamique de changement » pour l’enseignement.

« C’est un personnage de premier plan qui s’écarte. Il va falloir à présent que quelqu’un reprenne les commandes avec le même talent pour fédérer tous les acteurs », poursuit Mme Constant qui espère que son successeur aura la même conviction « à faire bouger les choses ».

« Même si nous n’étions pas d’accord sur tout, la relation avec Joëlle Milquet était excellente. Nous avions un partenaire de dialogue et un climat de confiance et d’écoute mutuelle s’était installé ».

Selon la secrétaire de la CECP, la succession de Joëlle Milquet s’annonce difficile, le secteur de l’enseignement, très complexe, étant « difficile à embrasser ». Sans compter l’ampleur des différents chantiers lancés.

« Ce costume de ministre de l’Education était en fait taillé pour Joëlle Milquet, et pas quelqu’un d’autre ».

A l’instar des autres acteurs de l’enseignement, Fanny Constant attend maintenant de connaître son successeur.

« J’espère que ce sera quelqu’un d’aussi convaincu, capable de se faire entendre et de porter un projet. J’espère que ce successeur n’aura pas une carapace trop fine pour pouvoir apporter les réformes dont l’enseignement a besoin ».

« Une occasion de revoir la composition du gouvernement de la Fédération »

L’opposition DéFI en Fédération Wallonie-Bruxelles a formulé lundi l’espoir que les « politiques essentielles » que sont l’Enseignement et la Culture ne pâtiront pas de la démission de sa ministre de tutelle, Joëlle Milquet.

Pour DéFI, ces deux matières, « soumises à certaines pressions régionalistes », sont « essentielles » pour la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le parti amarante souhaite que cette démission puisse être une « occasion de revoir la composition même du gouvernement » de la Fédération.

« Lors de la constitution du gouvernement de la FWB en juillet 2014, DéFI avait dénoncé la pléthore de ministres, les compétences éclatées et l’absence déplorable de ministre régional bruxellois. Voilà l’occasion de corriger ces points négatifs. Nous espérons que la future composition permettra de renforcer le lien avec le gouvernement régional bruxellois et de diminuer le nombre global de ministres », avance le parti.

Pour DéFI, pareille décision génèrera des « économies de fonctionnement à affecter à des politiques positives pour nos citoyens ».

Le SeGEC rend hommage à la « capacité de travail et de courage » de Joëlle Milquet

Le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SeGEC), qui chapeaute l’ensemble des écoles catholiques en Fédération Wallonie-Bruxelles, a salué la personnalité de Joëlle Milquet qui a annoncé lundi sa démission après son inculpation.

Dans un entretien avec Belga, son directeur, Etienne Michel, a rendu hommage à « la capacité de travail et de courage ainsi que les excellentes intuitions » de l’ancienne ministre de l’Education.

« C’est quelqu’un avec qui on a toujours fini par s’accorder », a ajouté M. Michel qui avait pourtant eu des mots durs, fin 2015, face au projet de la ministre de renforcer le pilotage des écoles jugées sous-performantes.

A l’inverse d’autres acteurs de l’enseignement, le directeur du SeGEC n’est pas particulièrement inquiet de ce départ pour l’avenir du Pacte pour un enseignement d’excellence, ce vaste chantier de réforme lancé par la ministre Milquet et que son successeur devrait, selon lui, poursuivre.

« Le Pacte a déjà délivré un certain nombre de résultats. Nous sommes maintenant dans la phase finale avec encore des réunions cette semaine pour se mettre d’accord sur un projet d’avis de synthèse », a-t-il confié.

Joëlle Milquet était devenue ministre de l’Education à l’été 2014, soit un peu moins de deux ans d’exercice. Mais selon Etienne Michel, elle aura, au long de sa carrière politique, posé plusieurs actes significatifs en matière d’enseignement.

« En tant que présidente du PSC, c’est elle qui a négocié, alors qu’elle était dans l’opposition, les accords de la Saint-Boniface en 2001, qui ont permis le refinancement des pouvoirs organisateurs de l’enseignement à hauteur de 30%, ce qui a alors permis d’assurer la survie d’un certain nombre d’écoles fondamentales », loue Etienne Michel.

Selon son analyse, elle a aussi usé de son influence politique pour pousser à la création de nouvelles places scolaires à Bruxelles afin de faire face au boom démographique dans la capitale.

« Elle a très bien et très vite compris que la problématique des inscriptions ne se résoudrait pas seulement avec des décrets », décrypte M. Michel.

Enfin, le directeur du SeGEC lui sait gré d’être intervenue pour permettre aux fédérations des pouvoirs organisateurs d’entrer à la table des négociations sectorielles de l’enseignement, jusque là occupées par les seuls syndicats enseignants et le gouvernement.

Le gouvernement doit être le garant du travail de consultation engagé par Milquet

L’opposition écologiste en Fédération Wallonie-Bruxelles a appelé lundi la majorité PS-cdH à « prendre ses responsabilités » en poursuivant le vaste travail de consultation mené par la ministre Joëlle Milquet, tant dans l’enseignement que la culture.

Citant le Pacte pour un enseignement d’excellence et l’opération Bouger les lignes, les Verts rappellent que ces deux processus ont mobilisé (et mobilisent encore) les acteurs depuis des mois.

« Il est hors de question que tout ce travail, réalisé par des acteurs de terrain, soit gâché », insistent les députés Christos Doulkeridis et Barbara Trachte dans un communiqué. « C’est donc au gouvernement, et au cdH en particulier, d’assurer un suivi de ce travail ».

« L’enseignement, la culture et l’enfance méritent la plus grande attention et des solutions doivent être rapidement trouvées pour que ces portefeuilles soient correctement gérés », insistent-ils encore.

Sans s’exprimer sur le fond du dossier judiciaire, les Verts estiment toutefois que l’affaire qui vaut à Joëlle Milquet d’être aujourd’hui inculpée « rappelle le besoin de transparence au regard de la composition et de la gestion des cabinets ministériels ».

Une « source d’inquiétude » pour le Pacte d’excellence

Eugène Ernst, de la CSC-Enseignement, voit dans la démission surprise de la ministre de l’Education, Joëlle Milquet, une « source d’inquiétude », notamment pour la conclusion du Pacte pour enseignement d’excellence qu’elle a initié.

« Qui va manoeuvrer cet énorme paquebot maintenant? C’est une source de beaucoup d’inquiétude », a-t-il commenté lundi interrogé par Belga, pointant l’investissement important des acteurs dans ce vaste projet de réforme de l’enseignement francophone.

Outre le Pacte, Eugène Ernst redoute également d’autres effets à court terme de cet « entre deux » provoqué par le départ de la ministre.

Notamment pour la mise en oeuvre du cours de citoyenneté dès septembre prochain. « Beaucoup de profs de religions de morale attendent toujours de savoir à quelle sauce ils seront mangés à la rentrée », fait-il valoir.

Un autre dossier nécessite aussi des arbitrages urgents, à savoir la réforme de la grille horaire dans le secondaire technique et professionnel.

La précédente majorité avait décidé d’augmenter la formation générale dans ces filières aux dépens de la formation technique. L’application est prévue en septembre prochain, avec des conséquences sur la charge horaire des enseignants des cours techniques et professionnels.

« Beaucoup craignent de perdre leur emploi et (avec le départ de Joëlle Milquet) il faudra ici aussi encore patienter. La ministre s’était toutefois engagée à ne laisser personne en rade… », assure Eugène Ernst qui attend maintenant de connaître le nom du successeur de Joëlle Milquet.

Mais pour lui, « quelle que soit la personne, reprendre le dossier de l’enseignement après Joëlle Milquet ne sera pas chose aisée… ».

ELEVeS compte sur un successeur rapidement pour mener à bien les réformes entamées

L’asbl ELEVeS, qui défend la liberté pédagogique des écoles et celle des parents, invite le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles à « trouver rapidement » un successeur à Joëlle Milquet « pour mener à bien les nécessaires réformes entamées » par la ministre de l’Education qui a démissionné lundi.

L’asbl ELEVeS, acronyme d’écoles libres, efficaces, vivantes et solidaires, salue le travail accompli par Mme Milquet pour mettre en oeuvre un vaste plan de réformes dans l’enseignement, notamment via le Pacte d’Excellence.

L’asbl prie donc les instances politiques de remplacer rapidement la ministre sortante pour mener à bien les réformes entamées « fondamentales et prioritaires pour l’avenir de l’enseignement en fédération Wallonie-Bruxelles ».

Plus particulièrement, celles-ci devront « permettre à chacun d’exercer au mieux sa liberté et sa responsabilité de citoyen », recommande l’asbl, qui invite encore les mandataires « à garder l’élève au centre de toute décision ».

ELEVeS demande concrètement que tout enfant puisse aller à l’école d’en face, quel qu’ait été son choix en primaire, et puisse mettre en premier choix l’école qui lui convient vraiment, mais aussi que les enfants ne soient contraints de déménager pour disposer d’une école « où ils se sentent bien » près de chez eux. Enfin, l’asbl plaide pour que tout enfant, et sa famille, puissent discuter avec le directeur du projet d’école, et que les enfants puissent rester 6 ans dans la même école.

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