Thierry Fiorilli

Les privilèges du pauvre

Thierry Fiorilli Journaliste

Il n’est point de hasard en politique, car tout est rapport de force. Les ex aequo sont logiques : addiction des fraudes, neutralisation des tricheurs. L’irrationnel s’explique : multiplication des manoeuvres, entrelacs des calculs. La folie est normale : surchauffe des ambitions, incandescence des ego. Ici, l’instinct de survie le cède à l’instinct de destruction, et mourir n’est rien si l’on a tué l’autre. Ce qui se passe à l’UMP, c’est de la politique pure, à vif, sans la gangue hypocrite du jeu médiatique, sans les faux-semblants du raisonnable. Ce qui se passe à l’UMP, c’est de la politique sans fard ni vergogne, où tombent les masques et les hommes. »

L’éditorial de Christophe Barbier, cette semaine, dans L’Express, consacré évidemment au duel inouï, par sa férocité et son obstination, entre François Fillon et Jean-François Copé, appelle une arène une arène. « Tous deux savent qu’à l’issue de leur lutte celui qui restera debout ne sera pas un vainqueur, mais un survivant. Et pourtant, ils se trompent et se surestiment : il ne sera qu’un mort-vivant. Il ne pourra qu’errer à la recherche d’une légitimité impossible, d’un pardon improbable et d’un avenir introuvable. Ils ont tué l’UMP, ils ont cassé la droite, ils ont déstabilisé la démocratie. Car voici la France partagée entre une gauche fragile dans l’exercice du pouvoir et une droite discréditée dans son devoir d’alternative. »

Voilà qui nous renvoie à notre propre réalité politique, diamétralement différente. Et souvent considérée comme bien moins reluisante. Mais face au champ de ruines français, et alors que le gouvernement Di Rupo boucle doucement sa première année d’exercice, l’absence d’éclats et de vertiges qui caractérise l’action de nos gouvernants prend soudain un relief moins dévalorisant.

Parce que, finalement, que préférer ? Des guerres sans merci, entre deux grands partis, et jusqu’en leur sein, quitte à se faire hara-kiri, ou le maintien des trois grands piliers politiques de la démocratie (une droite, un centre, une gauche), censés accoucher de projets « équilibrés », dans la mesure où la plus large partie de la population doit s’y retrouver ? Une formation, et une seule, au pouvoir, avec un leader tout- puissant qui la fait marcher au pas, ou une coalition de six partis, qui avancent du coup avec lenteur mais qui ont osé monter aux affaires, eux, et qui ont déjà évacué la bombe BHV, réformé encore une fois l’Etat et affronté la situation socio-économique qu’on sait, avec la N-VA en épée de Damoclès de tous les instants ? Etaler en mondiovision sa haine de l’adversaire comme du frère d’armes ou s’écharper à huis clos ?

Hurler, mouliner des bras et sauter avec ses propres grenades parce qu’on n’y prêtait plus garde ou enfouir bien profond, en prenant le temps de creuser, la moindre petite mine détectée ?
A voir où mènent les adeptes de la méthode virile et expéditive, le choix est vite fait. Même s’il a des allures de privilège du pauvre.
En attendant 2014, bien sûr. Et ses élections capitales. Où l’instinct de survie le disputera à l’instinct de destruction. Où tomberont les masques et les hommes. Ceux d’en haut comme ceux d’en bas. Au Nord comme au Sud. Sans fard ni vergogne.

THIERRY FIORILLI

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