Ecole des Sept Bonniers à Forest © Google street view

Les parents d’élèves d’une école de Forest attaquent la Commune en justice

Le Vif

Un collectif de 63 parents d’élèves a annoncé ce 20 mars avoir introduit une plainte contre X pour « non-assistance à personne en danger » à l’encontre des autorités communales de Forest.

Selon les parents, les autorités communales ont laissé partir un car d’enfants en classes vertes à Palogne (région de Huy), alors qu’on leur avait signalé un abus sur un enfant lors d’un premier voyage similaire la semaine précédente. Les parents d’élèves n’ont découvert le pot aux roses que trois mois après à la faveur d’un mail anonyme. Le Bourgmestre de Forest Marc-Jean Ghyssels affirme que le fait de moeurs – bien qu’il soit attesté par SOS Enfants, selon les parents de la victime – « est une rumeur » et qu’il n’avait donc pas à communiquer quoi que ce soit aux parents d’élèves.

Les représentants des parents d’élèves de l’école des Sept Bonniers à Forest ont tenu une conférence de presse le 20 novembre en fin d’après-midi pour annoncer leur action en justice, suite à la « gestion catastrophique » d’une crise d’un mois et demi avec les autorités communales. « Si une action est entamée, c’est parce qu’à un moment nous nous trouvons acculés, face à une situation où aucune mesure n’est mise en place, aucune réponse n’est donnée, aucune communication n’est prévue. »

Leur action en justice vise tout d’abord à faire la lumière sur la prise de décision qui a permis de laisser partir le second autocar. C’est « un des outils à notre disposition pour obtenir de la transparence et que toute la lumière soit faite à partir de quelqu’un d’indépendant en la personne du juge d’instruction, » car « on nous présente une chaîne de communication différente à chaque fois qu’on parle à la presse, » en référence aux différentes versions du Bourgmestre dès le 6 février, dont la dernière en date dans notre article d’hier matin. Les parents ont insisté sur le fait que leur démarche ne cherchait pas à s’immiscer dans l’instruction en cours sur le fait de moeurs. « Quand la décision de faire partir l’autocar a été prise le 13 novembre, il n’était pas question d’enquête ni de connaître des éléments, mais d’un risque. Il était question d’application d’un principe de précaution à ce moment-là, » expliquent-ils.

Les parents d’élèves dénoncent également l’absence de mesures d’accompagnement des enfants à l’école des Sept Bonniers, depuis le voyage à Palogne et jusqu’à aujourd’hui. Avant que l’affaire fût révélée par un courriel anonyme le 5 février, ils reprochent au Pouvoir Organisateur de ne pas les avoir informés et qu’ils n’ont donc pas pu écouter leurs enfants et les accompagner : « pendant trois mois, les enfants ont vécu au rythme de légendes et d’histoire horribles dans la cour de récréation parce que justement, leurs parents n’étaient pas en mesure de leur venir en aide parce qu’on n’expliquait rien », a déclaré l’avocat du collectif de parents Me Olivier Stein. « Le peu qui a été fait sur décision du Pouvoir Organisateur (voir notre interview du Bourgmestre) ne l’a visiblement pas été par des personnes formées pour cela, » nous a confié une parente d’élève, psychologue de profession.

Depuis la réunion houleuse du 6 février, deux réunions de médiation ont eu lieu sous la présidence du Délégué Général aux Droits de l’Enfance Bernard de Vos, mais elles n’ont semble-t-il pas débouché sur grand-chose. « Il n’y a rien eu avant qu’on soit informés de cette affaire. Rien n’a évolué depuis. Cette médiation n’aura abouti à rien malgré toute notre bonne volonté. Quel gâchis d’en être arrivé là. Aujourd’hui, entre colère, déception et incompréhension face au manque de communication, à l’inertie et même aux actions contre-productives du Pouvoir Organisateur, nous devons faire ce triste constat : c’est la fin du seul dispositif qui pouvait encore maintenir le contact entre le Pouvoir Organisateur et les parents dans l’intérêt de nos enfants, » nous a communiqué le comité de l’association des parents d’élèves en référence à la fin de la médiation.

Indélicatesses

Ce qui a, semble-t-il, mis le feu aux poudres, est une lettre du bureau d’avocats Uyttendaele, Gérard & Kennes, contractés par la Commune pour se porter partie civile dans l’instruction en cours, transmise par le Bourgmestre aux parents le 13 mars via le cartable des enfants. Le courrier des avocats de la Commune fait en effet référence à l’absence de fondement de la plainte des parents de la victime présumée, dans une phrase qui « n’a aucun sens et permet de ne rien dire tout en laissant penser qu’on a dit quelque chose », selon Me Olivier Stein. « À partir du moment où il y a une médiation et qu’on reçoit un courrier d’avocat avec menaces par voie de presse, ce n’est pas nous qui rompons la médiation, mais la Commune, » ont déclaré les représentants des parents. Dans une lettre au Bourgmestre, le médiateur Bernard de Vos a d’ailleurs remis sa démission du processus de médiation : « je reste pantois devant le contenu de ce courrier », explique-t-il, ajoutant qu’il « ne souhaite pas cautionner de telles légèretés, d’autant qu’elles constituent, à mes yeux, de nouvelles indélicatesses et de nouvelles erreurs de communication ».

Autre pomme de discorde, le Bourgmestre a accusé le mouvement des parents d’avoir des visées d’exploitation politique. Les parents lui ont répondu lors de leur conférence de presse que leur action « n’a aucune visée politique » et qu’ils ne « sont pas instrumentalisés. » « Nous estimons que les enfants doivent être protégés et nous pouvons réfléchir à ça tout seuls, sans appartenir à aucun parti politique. Nous avons d’ailleurs fait le tour de l’ensemble des groupes politiques présents au Conseil Communal et ils ne nous ont pas semblé très proactifs en la matière, » ont ajouté les représentants des parents.

Les représentants des parents ressentent « une absence totale d’empathie » de la part des autorités communales et du Bourgmestre en particulier. Ils fustigent « ce dialogue qui n’en est pas un, l’intimidation, le côté insultant de la manière dont on est traités et la déconsidération de nos enfants ». Ils estiment que si la Commune avait voulu instaurer un véritable dialogue avec les parents, ils auraient « eu d’autres signaux que des lettres et des pressions exercées sur les parents mécontents. » « Dans la presse, le Bourgmestre dit très clairement qu’il prépare des poursuites à l’encontre de tous les parents mécontents, et qu’ils n’ont qu’à changer d’école. Nous ne changerons pas d’école, car le problème se situe au niveau du Pouvoir Organisateur ».

Ils ont toutefois insisté sur leur confiance en l’équipe pédagogique de l’école : « à partir du moment où on lâche son enfant à l’entrée de l’école, on a entièrement confiance en l’équipe pédagogique qui est derrière. Cette plainte ne remet pas en question l’équipe pédagogique de l’école et ceux qui encadrent nos enfants au quotidien. Ils n’étaient pas au courant non plus, ils sont dans le même bateau que nous. »

« Notre démarche était constructive, » concluent-ils, « la balle est dans le camp de la Commune pour renouer le dialogue, nous avons déjà tendu beaucoup de fois la main. » La situation semble dans l’impasse, alors que la ministre de l’éducation de la Fédération Wallonie-Bruxelles a déjà été interpellée par le collectif des parents, sans réponse pour l’instant.

Hughes Belin

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