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Les magistrats et avocats fermement opposés à trois projets de réforme de la Justice

Le Vif

Une centaine de magistrats et avocats ont retardé les audiences d’une demi-heure mercredi matin pour manifester leur opposition, sur les marches du Palais de Justice de Bruxelles, à trois projets de loi relatifs à la mobilité des magistrats, l’aide juridique et la gestion autonome de l’organisation judiciaire.

Rassemblés à l’appel de l’Association syndicale des magistrats (ASM) et de l’Ordre des Barreaux francophones et germanophone de Belgique (OBGF), ils dénonçaient « des mesures insuffisantes et illégales sur de nombreux aspects ». D’autres actions du même type ont eu lieu en Wallonie à l’initiative de différents barreaux.

« Nous sommes très favorables aux réformes de la Justice mais certainement pas de cette manière », s’indigne le porte-parole de l’ASM, Hervé Louveaux. « Ces projets de loi menacent de porter gravement atteinte au service public de la justice, indépendante et accessible à tous », réagit-il.

Concernant la mobilité des magistrats dans le cadre de la réforme des arrondissements judiciaires (qui passent de 27 à 12), le projet de loi actuel « présente un danger de violation des principes d’indépendance des magistrats et de l’impartialité des tribunaux », tranche M. Louveaux. « N’importe quel membre du ministère public à l’intérieur du ressort pourrait être déplacé sans son consentement et sans l’avis conforme du procureur du Roi concerné. Nous craignons par conséquent qu’il y ait des déplacements autoritaires et non concertés sur des dossiers délicats afin d’écarter des magistrats », explique-t-il.

Les avocats contestent quant à eux l’instauration d’un ticket modérateur exigeant de tout justiciable qu’il paye un montant minimum pour avoir accès à la Justice, ce qui mettrait fin à la gratuité totale de l’aide juridique. De cette façon, la ministre de la Justice entend stopper l’augmentation exponentielle du budget prévu à la défense des plus démunis et à garantir une aide juridique de qualité. Mais, « le projet gouvernemental ferait subir à l’aide juridique un bond de 20 ans en arrière », argue l’administrateur de l’OBFG, Jean-Marc Picard. « L’aide juridique est un droit fondamental qui permet précisément aux personnes économiquement plus faibles de se défendre dans la dignité. Aujourd’hui, il concerne quelque 20% de la population ».

Selon le Conseil d’Etat, qui vient de rendre un avis, ce projet de réforme ne doit pas priver d’un accès à la justice les personnes les plus démunies impliquées dans une affaire pénale. La ministre devrait donc revoir sa copie.

Enfin, l’avant-projet de loi relatif à l’introduction d’une gestion autonome pour l’organisation judiciaire par le biais d’une « enveloppe négociée sans complaisance » a également créé l’émoi. Les magistrats, dont la mission est de diriger les enquêtes, craignent de se voir entraver dans leurs tâches dû à un manque de moyens.

Les magistrats et avocats demandent au gouvernement et parlementaires « de geler ces projets de loi et de refuser d’adopter dans la précipitation des textes portant sur des matières aussi fondamentales ».

Ils ont également adressé un préavis de grève à la ministre Turtelboom, qu’ils mettront en oeuvre à la rentrée judiciaire, en septembre, faute de propositions satisfaisantes.

Les avocats et magistrats flamands n’ont pas participé aux actions de protestation, mais partagent les inquiétudes de l’OBGF et de l’ASM. Ils ont, pour leur part, déjà interpellé la ministre Turtelboom afin qu’elle modifie ses projets de loi.

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