A la fin du concert d'Ariana Grande, c'est l'horreur : l'explosion provoquée par le kamikaze fauche la vie de 22 personnes, dont de très jeunes filles. © OLI SCARFF/BELGAIMAGE

Les jeunes se sentent-ils la cible d’attaque terroriste ?

Stagiaire Le Vif

Ces dernières années la réalité du terrorisme est arrivée chez nous. L’attentat de Manchester a rappelé que les jeunes aussi sont des cibles. Source d’inquiétude pour les parents, le sujet des attentats est aussi présent dans les cours d’école.

L’attentat de la semaine dernière a eu lieu à la sortie du concert d’Ariana Grande, une jeune chanteuse américaine, tout droit sortie de l’univers Disney.Son public d’adolescente a été la cible de cet attentat terroriste. La France, la Belgique, l’Allemagne… les attentats sont au coeur de l’actualité des dernières années. Et lorsque la peur s’installe, elle peut aussi se transmettre. Les enfants et adolescents grandissent dans ce contexte. Alors, comment en parler avec eux ? Comment les protéger sans les enfermer ? Nous avons rencontré le Docteur Mouna Al Husni Al Keilani, pédopsychiatre – chef de clinique adjoint à l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola.

La jeune génération se sent « menacée » ?

Pour la pédopsychiatre, il est très difficile de faire des généralités sur le sujet, car chacun réagit de manière différente. Les attentats peuvent créer un climat anxiogène, autant chez les adultes que chez les enfants. Les parents ont donc un rôle important à jouer dans ce contexte.

En effet, pour les plus jeunes, la perception des événements dépend d’abord de ce qu’ils entendent chez eux. « Il faut rester prudent, sans pour autant priver ses enfants de tout. », explique le Docteur. « Vivre c’est dangereux, (…), mais c’est tout le problème des attentats : comment arriver à garder une sensation de sécurité dans ce contexte ? »

Elle fait le parallèle entre l’angoisse liée aux attentats et le traumatisme belge de l’affaire de Marc Dutroux. Pour les parents, ce sont des contextes extrêmement compliqués, car très angoissants. Elle a pu observer des parents traumatisés, qui, après l’affaire Dutroux, ne laissaient plus sortir leurs enfants seuls, ou prendre le train sans eux. Tous ces évènements ont forcément un impact sur les jeunes, cependant, sans « recul historique », on ne peut pas se prononcer sur l’ampleur de ce dernier.

Mais selon le Docteur Mouna Al Husni Al Keilani, les jeunes, perçoivent ces attaques différemment, car, contrairement aux adultes, eux grandissent avec.

« Pour notre génération qui jusqu’ici n’avait pas vécu de guerre, on nous enlève quelque chose. Avec le terrorisme, on perd en insouciance et en sécurité. Mais pour les jeunes, ça sera différent, eux s’adapteront. L’être humain est créatif, les jeunes trouveront toujours des moyens de continuer à vivre et à prendre du plaisir, mais ça sera peut-être autrement. Ca été les cas historiquement lors d’autres périodes comme pendant la 1re et la 2e guerre mondiale. »

Comment en parler avec les jeunes.

Si les enfants souhaitent en parler, il est important de pouvoir le faire avec eux de manière adaptée en fonction de leur âge. Expliquer que les actes violents sont interdits et sanctionnés et qu’il ne faut pas recourir à la violence paraît indispensable. Il est important de leur rappeler que les adultes, parents ou professeurs, sont là pour les protéger. Il faut aussi les éloigner des médias, car les enfants sont très sensibles à la violence des images.

D’autre part, il faut laisser aux jeunes la liberté de pouvoir en parler et échanger des idées entre eux. Ce qui est important, c’est d’éviter les amalgames, car les enfants ne nuancent pas de la même manière que les adultes. Pour eux, il y a les bons d’un côté et les méchants de l’autre.

Par ailleurs, il ne faut pas forcer les jeunes à parler du sujet des attentats s’ils ne le souhaitent pas. L’adulte a besoin de parler pour gérer son trop plein d’émotions, mais il est important de ne pas transférer son angoisse aux enfants.Cependant, les enfants n’ont pas toujours la capacité d’exprimer avec des mots ce qu’ils ressentent, il faudra alors être attentif aux changements de comportement de l’enfant (angoisse, plaintes somatiques comme des maux de ventre ou de tête, trouble du sommeil…) qui peuvent être des signes de souffrance qu’il faut prendre en compte.

Le sujet du terrorisme se pose aussi à l’école

« Il arrive que dans certaines familles, les parents fassent le choix de ne pas en parler du tout avec leurs enfants. Dans ce cas-là, c’est très difficile parce que, les enfants répètent seulement ce que leurs camarades ont dit pendant la récré. On tente d’expliquer, mais avec 25 enfants ce n’est pas toujours facile », explique une institutrice de primaire.

Depuis les attentats de Paris, les professeurs entendent régulièrement leurs élèves parler d’attentats ou de terrorisme. Par exemple, cet enseignant qui travaille dans le Brabant Wallon raconte: « J’enseigne depuis 12 ans, mais avant Charlie Hebdo, le sujet des attentats n’était pas souvent abordé en classe. Les enfants parlaient de guerre, comme de quelque chose de lointain qu’ils voyaient à la TV, mais maintenant, certains me disent que leurs parents ne prennent plus le métro parce que c’est trop dangereux. ».

La pédopsychiatre de l’Hôpital des Enfants, explique qu’en tant que parent ou en tant que professeur, c’est très difficile d’aborder ce sujet lorsqu’on est seul. Il est donc important de s’entourer au maximum, d’échanger, pour tenter de communiquer le mieux possible avec les plus jeunes. Elle conseille aux professeurs d’en parler entre eux ou même avec les parents d’élèves pour déterminer comment aborder au mieux le sujet dans les classes.La présence du terrorisme est un sujet récent chez nous, c’est là toute la difficulté : apprendre à en parler et vivre avec, sans tomber dans le déni ou la paranoïa.

On sait que ces évènements auront des conséquences sur les enfants et les adolescents d’aujourd’hui, mais il est impossible, selon les spécialistes, de se prononcer sur l’ampleur et les conséquences de cet impact. Seul le « recul historique » nous le dira.

Océane Cordier

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