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Les hôpitaux bruxellois, cibles de la Flandre

Fantasme pour les francophones, mais certitude en Flandre : le patient néerlandophone n’est pas correctement traité dans sa langue dans les hôpitaux bruxellois. Le gouvernement flamand ouvre un guichet de plaintes. Nouvel accès de fièvre communautaire sur le front bruxellois.

Sous-hommes : l’expression fait politiquement fureur en territoire bruxellois. On se l’arrache. Les francophones se collent l’étiquette sur la peau, à chaque fois que la Flandre répète sa volonté de maintenir la Région bruxelloise dans un sous-statut institutionnel. Les Flamands revendiquent à leur tour ce titre de citoyens de second rang dans leur propre capitale. Et c’est à l’hôpital qu’ils affirment en trouver la preuve irréfutable : le patient néerlandophone n’y aurait que trop rarement le droit d’être accueilli et soigné dans sa langue. Au mépris de la loi.

Est-ce grave, docteur ? Le gouvernement flamand le prétend, et depuis longtemps. Il a décidé d’alimenter son diagnostic préétabli, en ouvrant un bureau de plaintes pour motifs linguistiques dans les soins de santé bruxellois. Son promoteur, le ministre flamand de la Santé Jo Vandeurzen (CD&V) l’annonce : le dispositif est à pied d’£uvre depuis la mi-mars. Encombrement assuré sur la ligne téléphonique et le site Web ouverts à cet effet ? En 2005, l’autorité flamande avait pris la température, dans le but d’alerter le Conseil de l’Europe. L’appel à témoins, limité à seize jours, avait récolté 169 récriminations. Mais passé cet élan médiatique de mobilisation, le pouls de la grogne n’a cessé de se ralentir pour tomber au plus bas : 11 plaintes enregistrées auprès de l’administration flamande en 2005, 9 en 2006, 6 en 2007, à peine 2 par an depuis lors. En ranimant l’opération, Jo Vandeurzen est pourtant sûr de son coup : « La création de cette hotline flamande est une nécessité. » Elle le serait même dans les hôpitaux publics bruxellois du réseau IRIS, où le bilinguisme du personnel soignant est pourtant une exigence légale : « En septembre dernier, le réseau IRIS a été condamné par un tribunal pour non-respect de la législation linguistique. C’était un second jugement, après une même décision prise par le Conseil d’Etat en 2009. Mais les hôpitaux IRIS balaient ces décisions judiciaires. La persistance des plaintes et cette condamnation du réseau IRIS sont des arguments qui nous conduisent à penser que peu de choses ont changé sur le terrain », assure Vandeurzen. Ces soupçons laissent serein Etienne Wéry, le grand patron d’IRIS : « Si on enregistre plus d’une plainte de nature linguistique par an, c’est beaucoup : sur un million de contacts annuels avec des patients…. Les décisions judiciaires ne portaient que sur l’accès à des données du personnel soignant réclamé par une ASBL flamande. Nous formons sur le plan linguistique le personnel des services d’urgences et d’accueil. » Mais « sur une base volontaire », relève Vandeurzen.

L’affaire n’est pas tant une question de vie ou de mort. En se portant au chevet du patient néerlandophone à Bruxelles, le gouvernement flamand force sur la dose communautaire. « Nous voulons donner le signal clair que la Flandre s’intéresse à tout habitant néerlandophone en butte à une communication défaillante dans les soins de santé bruxellois », relève Vandeurzen. Et si le gouvernement flamand hausse le ton en solo, c’est parce que les autres niveaux de pouvoir feraient la sourde oreille : « Depuis dix ans, la Flandre a tenté de mettre la problématique à l’agenda, en concertation avec les autres Régions et l’autorité fédérale. Sans aucun résultat. » Des résultats ? Yvan Mayeur, député PS et président du CPAS de Bruxelles, les connaît : « Pur fantasme ! Riposte flamande aux discriminations, bien réelles celles-là, que subissent les francophones de la périphérie. » La coalition gouvernementale CD&V – N-VA – SP.A passe à l’acte, peu après une montée d’adrénaline de la N-VA, qui réclame le bilinguisme obligatoire pour tous les professionnels de la santé en milieu hospitalier bruxellois (médecins, dentistes, infirmiers, kinés). Région bruxelloise sous hypertension : mauvais signe.

PIERRE HAVAUX

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