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Les guerres fratricides des socialistes liégeois

Thierry Fiorilli
Thierry Fiorilli Journaliste

Dans Histoire secrète du PS liégeois, François Brabant, journaliste au Vif/L’Express, retrace un demi-siècle de déchirements au sein de la plus importante fédération du premier parti francophone du pays. Un livre brillant, mené comme un thriller, et fruit d’une enquête minutieuse.

La mécanique du pouvoir. La violence du combat politique. Les tactiques politiciennes. « Voilà le sujet du livre. Avant Liège, avant le PS », répète François Brabant. C’est pour cela que son Histoire secrète du PS liégeois, tout fraîchement publiée, est rédigée comme un thriller implacable. Pas du tout comme un essai, le genre habituel du livre politique. « Les socialistes de la province de Liège pourront estimer que c’est injuste. Parce que les luttes fratricides, les querelles d’ego, les ambitions personnelles, les trahisons et les bassesses, c’est le propre de la politique. Partout. Et depuis toujours : le chef-d’oeuvre en matière de science politique reste Le Prince, de Machiavel, et il date de 1515… Mais, appliquées au PS de Liège, toutes ces vérités-là, ces réalités-là prennent une ampleur toute particulière. »

Ainsi, selon le journaliste du Vif/L’Express, 33 ans, dont vingt-deux en terre liégeoise, « il y a une dramaturgie propre au PS liégeois de ce dernier quart de siècle. Pour trois raisons. La première : c’est dans ses rangs que sévissait André Cools, le seul homme politique assassiné en Belgique, quarante-et-un ans après Julien Lahaut. La deuxième : c’est de la mort de Cools, en 1991, que découle le plus gros scandale de l’histoire politique belge, l’affaire Agusta-Dassault. La troisième : le casting hors normes de ce parti ! Cools, Mathot, Daerden, Van der Biest, Laurette Onkelinx… Les autres acteurs politiques de ces trente dernières années ne leur arrivent pas à la cheville, en termes de personnalité. »

Le récit de François Brabant, né d’une enquête réalisée pour Le Vif/L’Express en 2013, retrace donc les déchirements intra muros de ces monstres sacrés du premier parti francophone de Belgique : la toute-puissance de Cools, le désaveu qu’il essuie en 1988 de la part de ses troupes, sa haine avec tant de camarades, dont Jean-Claude Van Cauwenberghe, la chute des trois Guy (Spitaels, Mathot, Coëme), l’ascension fulgurante et la descente aux enfers d’Alain Van der Biest, l’émergence puis l’exil de Laurette, l’itinéraire baroque et byzantin à la fois de papa Daerden, le rôle des autres seigneurs locaux (Dehousse, Demeyer, Marcourt, Labille, Moreau…), le destin des uns s’écrasant sur les stratégies des autres… Un Game of Thrones à l’échelle liégeoise. Avec la quête du trône embrasant jusqu’au PS national, donc avec des conséquences sur la gouvernance wallonne et, en partie, fédérale de ce dernier quart de siècle.

François Brabant assume « le regard subjectif jeté sur ces événements. Mais le contenu est le fruit d’une véritable enquête journalistique ». Près de cent interlocuteurs, rencontrés au moins une fois, sur un an et demi. Des heures et des heures de confidences recueillies auprès des survivants, autant pour retrouver celles laissées jadis par ceux qui ont aujourd’hui disparu. « L’écriture  »romancée » permettait d’intégrer plus facilement le  »off ». Ce n’est pas un livre d’histoire, je le répète. C’est une lecture que je propose sur un chapitre particulièrement tourmenté de l’histoire récente. Et sur l’immense solitude du pouvoir. »

Quelles leçons en tire-t-il ? « D’abord, que les deux personnages les plus structurants de la politique liégeoise de ces trente dernières années sont Willy Demeyer, actuel bourgmestre de Liège et président de la Fédération liégeoise du PS, et Michel Daerden. Demeyer plus que Daerden même. Ensuite, que, sur l’échelle de Richter de la violence politique, Liège est située très haut. Enfin, que les appétits de pouvoir individuels n’éclipsent pas l’authenticité de l’idéal socialiste. » Son livre l’illustre remarquablement.

Histoire secrète du PS liégeois. Cools, Mathot, Onkelinx, Daerden et les autres, par François Brabant, Editions Jourdan, 372 p.

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