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Les grands partis se déchirent, les petits brouillent les cartes

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

La fracture gauche-droite reste forte, Ecolo reste en pointe sur l’environnement, les petits partis brouillent les cartes… Oui, vous avez encore des raisons de voter. Les enseignements de l’interrogatoire sans tabous des principaux partis francophones réalisée deux semaines durant par levif.be en témoignent. Les sept leçons de notre épreuve de vérité

Non, tous les partis ne proposent pas la même chose. Tout d’abord, ramenons le débat où il doit se situer: entre partis francophones. Si les joutes oratoires entre la N-VA de Bart De Wever et le PS de Paul Magnette sont « juteuses » ou intellectuellement intéressantes, elles ne posent pas le débat de la juste manière. Le 25 mai, les électeurs du sud de pays se retrouveront face à un bulletin de vote sur lequel on ne trouve nulle trace de la N-VA. Pour autant, la polarisation est-elle absente? Tous les partis proposent-ils les mêmes recettes comme on l’entend parfois? Non. Relisez les sept épreuves que nous avons publiées et faites-vous une opinion.

La fracture gauche-droite reste forte sur le plan socio-économique. La fête du 1er mai est traditionnellement l’occasion pour le PS et le MR de marquer leurs différences, petites phrases à la clé. En cette année préélectorale, le ton était d’autant plus rude que c’est le leadership francophone, à Bruxelles et en Wallonie, qui se joue. S’agit-il d’une pantalonnade, dans laquelle Charles Michel et Paul Magnette tentent d’exister pour vendre au fond la même soupe? Non. D’autant que le social et le fiscal sont clairement les deux priorités de la prochaine législature. Sur les dix affirmations socio-économiques que nous leur avons soumises, seules cinq réponses sont communes aux socialistes et aux libéraux. Notons, ce n’est pas sans intérêt, qu’Ecolo partage huit réponses positives avec le PS et le CDH sept (l’impôt sur les grosses fortunes en moins). L’Olivier n’est pas mort. L’unanimité est au rendez-vous quand il s’agit de s’opposer à des propositions radicales de la N-VA (singulièrement la limitation des allocations de chômage dans le temps) ou de préserver les épargnants (s’en prendre à eux serait électoralement trop risqué).

Ecolo toujours en pointe sur l’environnement, devant le CDH. Cinq affirmations environnementales, cinq réponses positives, dont la volonté intangible d’anticiper la fermeture des centrales nucléaires (seul contre tous) ou d’implanter un nombre important d’éoliennes en Wallonie: Ecolo reste le parti éclaireur en matière d’environnement. Quitte à déplaire face aux résistances liées au coût de l’énergie ou aux tentations Nimby (Never in my backyard).

La thématique verte a beau ne plus être dans l’air du temps, en dépit des signaux d’alerte réguliers sur le plan international, certaines des idées du programme écologiste font l’unanimité, comme la promesse de soutenir l’isolation de 100% des habitations d’ici dix ans. Signalons, et ce n’est pas un hasard au regard du combat pour la place de troisième parti francophone, que le CDH est celui qui partage le plus de réponses fermes en matière d’environnement avec Ecolo: quatre sur cinq.
Le plan B est définitivement mort et enterré, place à la circonscription fédérale. Vous vous souvenez de la période des 541 jours de crise, quand la Belgique était au bord de l’éclatement ? Le gouvernement Di Rupo est passé par là, il a stabilisé l’édifice. Résultat? Le plan B a disparu de la circulation et la Fédération Wallonie-Bruxelles n’est plus cet écran (de fumée) que l’on dressait face aux velléités indépendantistes flamandes. Désormais, dans les discours, place à la confiance fédérale retrouvée. Aucun parti francophone (sauf le PP) ne veut débattre d’une septième réforme de l’Etat, aucun. Par contre, tous (sauf le PP, là encore) souhaitent la création d’une circonscription fédérale permettant à des responsables politiques de se présenter devant l’ensemble des citoyens du pays. Cela étant, les partis francophones ne se penchent pas non plus sur l’espace politique francophone : aucune volonté de régionaliser l’enseignement, rejet de l’idée de découpler les ministre-présidences francophone et wallonne… Vu du sud du pays, la législature ne doit plus être consacrée à la tuyauterie, si ce n’est pour faire atterrir la sixième réforme de l’Etat – ce qui n’est déjà pas un mince défi.

Le parler vrai n’est pas au rendez-vous. Parlant de la prochaine législature, celle-ci promet du sang et des larmes vu les quelque sept milliards d’économies supplémentaires (au bas mot) qui devront être réalisées au fédéral, la dette publique qui a redépassé les 100% du PIB, le financement compliqué des nouvelles compétences régionales, l’impact du vieillissement annoncé de la population… Pour autant le sujet n’est guère à l’ordre du jour des programmes et il n’est pas vraiment question, dans les débats et interviews, des efforts à réaliser, des politiques qui devront être revues à la baisse ou de l’âge de la pension à revoir. Cela étant, MR, FDF et CDH (ainsi que le PP, plus à droite encore) ouvrent une brèche en affirmant leur volonté de revoir la norme de croissance des soins de santé. Le FDF, lui, a visiblement fait le choix d’un discours vérité en se disant favorable à une augmentation à terme de l’âge de la pension à 67 ans.

L’immigration reste un sujet difficile. Omniprésent dans les inquiétudes sourdes qui s’expriment dans le contexte d’un rejet accru des partis traditionnels, la thématique de l’immigration fait peur. Electoralement, c’est un sujet délicat. Ecolo est ainsi le seul parti avec le PTB à se déclarer favorable à une régularisation généralisée des Afghans et des Syriens dont les pays sont en proie à de douloureux conflits internes. Pour le reste, la volonté est de renforcer le parcours d’intégration francophone (c’est en cours) ou d’ouvrir légèrement la porte à l’immigration économique. Mais seuls le MR, le FDF et le PP plaident pour une charte de la laïcité à l’école, à l’instar du débat qui a eu lieu en France à ce sujet. C’est d’ailleurs en misant sur ce « sujet qui fâche » que le PP de Modrikamen espère créer la surprise.

Les petits partis brouillent les cartes. Avec son positionnement ultralibéral, ouvertement climatosceptique et contre l’immigration sans oublier son ouverture au confédéralisme (à quatre), le PP tente d’occuper un créneau non occuper à droite de la droite. Il sera opposé à plusieurs autres petits partis dont la Droite et, plus extrême encore, Wallonie d’abord et autres groupuscules dissidents du FN (qui ne se présentera pas sous ce sigle). A la gauche de la gauche, le PTB surfe sur le contexte socio-économique difficile avec un discours simpliste (à en juger par les réponses à notre épreuve de vérité, très courtes) qui entend faire payer la crise aux riches pour préserver les acquis sociaux. Là aussi, il y a embouteillage avec Vega, le MG notamment. On le sait, la montée de ces petites formations effraye les partis traditionnels. La réjouissance socialiste du retour de l’Action commune (avec l’appel d’Anne Demelenne, secrétaire générale de la FGTB à ne pas voter pour les petits partis) vaut plus qu’un long discours. Restera à voir dans quelle mesure le vote antisystème tiendra compte de telles consignes.

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