« Les gens pauvres ont aussi le droit d’avoir des animaux de compagnie »

Vous n’avez pas d’argent? Alors, vous n’avez pas le droit de prendre de chat, estimait dans un message posté sur Facebook, le ministre wallon du Bien-être animal Carlo di Antonio.

Une smart TV, le dernier iPhone, une paire de baskets hors de prix, des animaux de compagnie bien soignés. Ce sont là toutes des choses que les personnes défavorisées ne peuvent pas se permettre. « Et alors ? », me diriez-vous. « Pour survivre, il suffit qu’ils mangent, aient des vêtements chauds et un toit, non ? »

« Les pauvres ne doivent pas se plaindre »

Les pauvres ne doivent pas trop se plaindre, c’était la teneur d’un commentaire publié la semaine dernière par le ministre wallon du Bien-être animal Carlo Di Antonio (CDH). Depuis le 1er novembre, tous les chats wallons doivent être stérilisés et pucés, et cela coûte évidemment de l’argent. « Croyez-vous que tous les propriétaires de chats peuvent soigner leurs chats ? », s’était plainte une femme sur Facebook. « Je pense qu’il ne faut pas avoir de chat si on ne dispose pas des moyens nécessaires pour s’en occuper », a rétorqué le ministre.

Il n’est pas le seul à partager cet avis, loin de là. Si vous ne pouvez pas vous permettre quelque chose, ne l’achetez pas tout simplement. Du moins pas si vous êtes pauvre. Nous, on achète un home cinéma à crédit, on prend un emprunt pour installer une nouvelle cuisine, on va dans des hôtels luxueux, et on cède à notre fils qui veut une veste beaucoup trop chère.

Mais on attend plus de bon sens de la part de personnes qui ont du mal à joindre les deux bouts. Ils sont censés faire leurs courses à l’Aldi, acheter leurs fournitures scolaires auprès d’une filiale d’Action, passer leurs vacances sur leur balcon et surtout ne pas acheter de télévision ou de smartphone onéreux. Et certainement s’ils vivent d’une indemnité, car nous considérons cela un peu comme notre argent.

Les gens pauvres ont aussi le droit d’avoir des animaux de compagnie

Mais ce n’est pas ça. C’est leur argent. Ce sont les moyens qu’ils reçoivent de l’État pour pouvoir vivre, et à moins que leurs dettes soient si élevées qu’ils ont perdu le droit de gérer leurs finances, ils ont le droit de le dépenser comme bon leur semble. À leur guise. Cela signifie qu’ils ont le droit d’acheter des objets dont ils ne semblent pas vraiment avoir besoin à crédit. Et que ce n’est pas à nous de décider que s’ils veulent de la pâte à tartiner, ils doivent acheter un produit blanc, et non du Nutella.

Vivre, ce n’est pas seulement survivre

Vivre ce n’est pas seulement survivre. Les gens qui vivent dans la pauvreté ont aussi le droit de se détendre, de profiter de quelque chose, de se sentir bien et d’être fiers. Même si pour eux, c’est nettement moins évident que pour les gens qui disposent d’un beau revenu et qui peuvent se permettre un grand cercle d’amis, des sorties en famille originales et de temps en temps une journée welness.

Si inviter des amis ou passer une soirée au café met le budget à mal et que vous ne pouvez pas vous permettre d’envoyer vos enfants dans un club de sport, ce n’est peut-être pas une mauvaise idée d’acheter une grande télévision devant laquelle toute la famille peut s’installer.

Et si vous vous sentez toujours inférieur aux gens qui passent dans la rue parce que vos vêtements sont d’occasion et vos chaussures usées, je peux m’imaginer qu’on aspire à quelque chose dont on peut vraiment être fier. Un iPhone par exemple, ou ces baskets à 120 euros. Dans ces décisions impulsives, le fatalisme joue également un rôle. Si vous n’arrivez jamais à épargner un euro et si vous avez constamment des soucis d’argent, pourquoi ne pas acheter ce robot de cuisine en promotion ? Il n’y aura plus de grande différence. Tout comme je peux comprendre qu’une mère qui doit refuser toutes sortes de choses à ses enfants -nouveaux vêtements, fournitures scolaires branchées, Lego – capitule parfois quand ils demandent un chaton. Même si elle sait que les coûts de vétérinaire lui joueront des tours.

Est-ce intelligent? Bien sûr que non. Vaudrait-il mieux que les gens qui vivent dans la pauvreté dépensent leur argent uniquement en objets nécessaires et utiles? Certainement. Et c’est aussi ce qu’on doit leur conseiller. Mais on ne peut pas l’exiger. Pas même s’ils prennent un chien, trois chats et quatre enfants.

« Pourquoi ces pauvres ont-ils tant d’enfants », réagit quelqu’un au commentaire du ministre wallon. « Si vous n’avez pas les moyens, mieux vaut ne pas faire d’enfants. Ou du moins pas trop. » On peut peut-être leur interdire aussi de faire l’amour. Ils feront des économies de préservatifs et de pilule, et il n’y aura pas de bouches affamées supplémentaires. Et le problème de pauvreté sera résolu.

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Capture d’écran Facebook © DR

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