Christine Laurent

Les francophones sont lancés dans un pitoyable sauve-qui-peut

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Les partis francophones cherchent à gagner le leadership au sud du pays. Et s’échangent d’acides et violents propos. Mais ont-ils déjà oublié pour quoi et par qui le précédent gouvernement est tombé?

Par Christine LAURENT

Pulvérisé, le Front des francophones! Il aura suffi de quelques heures à peine pour que la belle entente de façade se lézarde. Règlements de comptes, petites phrases assassines, attaques ad hominem, scènes de ménage, affrontement des clans, propos douteux, rien ne nous est épargné, tous les coups sont permis.

« La campagne électorale, c’est l’heure de vérité. Il faut rappeler ce qui s’est passé », revendiquait, dans les colonnes de La Libre Belgique, Charles Michel lundi dernier. Au point d’en perdre la raison? De nous imposer une véritable cacophonie de joutes oratoires, de surenchères qui volent bas, très bas? Intransigeance, arrogance, on croyait nos responsables politiques plus matures. Et qu’entend-on? Le PS et le CDH qui pilonnent Maingain, Louis Michel qui tire à boulets rouges sur Milquet. Touché! Aussitôt, la présidente du parti humaniste de répliquer avec une nouvelle salve contre le MR.

Bref, tous lancés dans une course effrénée pour le leadership dans le sud du pays. Un sauve-qui-peut pitoyable et pathétique. Surtout quand les échanges acides et violents se déroulent sous les rires gras et l’oeil goguenard de Jean-Marie Dedecker, comme ce fut le cas sur le plateau de la RTBF dimanche dernier. Avec en prime Jean-Marc Nollet qui, sous prétexte de ramener un peu de calme, ajoute son grain de sel. Juste ce qu’il faut pour élargir la plaie. Belle image pour la Flandre, belle image pour les électeurs déjà démobilisés, impuissants et profondément désolés.

Ont-ils oublié, tous, que c’est Alexander De Croo qui a ouvert la boîte de Pandore? Et que si le gouvernement est à terre, c’est bien du côté de l’Open VLD qu’il faut regarder? Certes, la réalité est complexe. On ne transforme pas, sans mal et sans tensions, un pays centralisé en un pays fédéral, voire confédéral. Pour preuve, les nombreuses crises absorbées difficilement jusqu’ici. Zigzags inattendus, mauvaises négociations, visions erronées, engagements flous, toutes les familles politiques ont participé au carrousel infernal en commettant de nombreuses erreurs. Sous la pression, sous le poids des fractures multiples, du nationalisme flamand galopant. Tous responsables du cafouillis institutionnel dans lequel nous sommes enlisés. Mais pourquoi remuer le passé? Chercher des coupables dans le vain et faux espoir de grappiller quelques voix ici ou là?

Enfermés dans un cénacle étroit de plus en plus isolé des citoyens, nos élus perdent de vue notre réalité. Les électeurs ne demandent pas de miracle, mais bien des programmes clairs qui corrigent les dérapages du passé et donnent envie de repartir. Un souffle nouveau. Chômage, retraites, faillites, crise, sécurité sociale, les craintes sont nombreuses. Et les attentes de solutions, tangibles.

Aujourd’hui, ne s’agit-il pas d’élire un Parlement et indirectement un gouvernement susceptibles de réussir l’inévitable réforme de l’Etat? Des personnes capables de garder leur sang-froid devant les provocations si souvent grotesques d’un Bart De Wever et de ses acolytes? Capables, aussi, de mener une campagne sur le fond, avec des propositions concrètes, un discours responsable et pas des slogans éculés. Une campagne qui laisse penser, également, et c’est important, que tous les jeux sont ouverts et que l’électeur ne va pas être floué parce qu’en coulisses, déjà, on bricole l’une ou l’autre coalition. Comme pouvait le laisser sous-entendre Di Rupo le 1er mai avec un appel à l’union des progressistes « pour arrêter un massacre social ».

« C’est l’électeur qui décide », affirment-ils tous. Oui, mais un électeur à qui l’on aura redonné une vraie envie de voter plutôt que de s’abstenir tant il est écoeuré par les querelles stériles et les petits arrangements entre amis. En quarante jours, tout est possible, le pire comme le meilleur. Le citoyen, lui, attend le meilleur, c’est sûr.

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