Thierry Fiorilli

Les francophones, otages de la haine Michel – Magnette

Thierry Fiorilli Journaliste

« Il y a, en Belgique, une perception un peu idéalisée de ce que doit être l’Etat fédéral. On se dit qu’il doit être parfait, fonctionner sans aspérités entre les différentes entités. Toute divergence de vue est dès lors considérée comme un dysfonctionnement. » Dans l’entretien qu’il nous accorde, Christian Behrendt calme les esprits de façon plutôt pertinente.

Le constitutionnaliste ne nie pas les tensions, très vives, entre le gouvernement fédéral et l’exécutif wallon, depuis le début de la législature, il y a six mois, mais il les considère  » inéluctables », en raison de l’essence même du fédéralisme et de l' » équivalence des normes » propre au système belge : « Un décret wallon vaut une loi fédérale. » Autrement dit, à ses yeux, le duel que se livrent les deux échelons de pouvoir, à distance comme lorsqu’ils sont face à face, illustre « le test de maturité » que passerait pour l’instant notre fédéralisme.

S’agissant de la confrontation entre Charles Michel et Paul Magnette, qui s’apparente de plus en plus à une guerre de personnes, Christian Behrendt prône le calme, là aussi :  » La démocratie, c’est le conflit des idées », rappelle-t-il. D’accord. Mais on aurait tort de le réduire à une simple péripétie, finalement saine pour l’action politique, tant fédérale que régionale.

Il y a bien plus que de la divergence d’idées, d’idéologies, entre ces deux-là. Bien pire pour le fonctionnement du pays et de la Wallonie, il y a ce qui est devenu une véritable et profonde aversion réciproque.

Parce que le conflit qui oppose les deux chefs de gouvernement semble dépasser celui des idées. Notre dossier (dans le Vif de cette semaine) décodant la haine viscérale que se vouent mutuellement le Premier ministre MR et le ministre-président PS l’illustre : il y a, finalement, bien plus que de la divergence d’idées, d’idéologies même, entre ces deux-là. Il y a bien pire, pour le fonctionnement du pays et de la Wallonie. Il y a ce qui est devenu une véritable et profonde aversion réciproque. Charles Michel et Paul Magnette ne se supportent pas. Charles Michel et Paul Magnette s’insupportent l’un l’autre.

A un point tel que, pour l’instant, rien ne semble pouvoir les amener à jouer de façon totalement loyale la concertation, à laquelle ils sont pourtant tenus. Parce qu’un Comité ad hoc est institué pour que le fédéral et les trois Régions puissent y dialoguer, entre adultes, et gérer d’une certaine façon conjointement les effets de la dernière réforme de l’Etat en date – qui demande des  » ajustements » négociés, au vu des nombreux nouveaux transferts de compétences et de leurs conséquences sur la gestion de chaque entité et sur les décisions qui y sont associées.

On est actuellement très loin du compte. Chaque décision du gouvernement Michel est suspecte d’être dictée au moins en partie pour déstabiliser le gouvernement Magnette et son chef de file en particulier. Et chaque réaction du gouvernement Magnette semble guidée, au moins partiellement, par l’intention de nuire au gouvernement Michel et en priorité à son leader. Dans les deux cas, tant pis pour les Wallons. Tant pis pour tous les francophones, même : déjà otages de l’asymétrie des majorités (le MR au fédéral, le PS et le CDH en Wallonie et à Bruxelles, où les FDF viennent en sus), les voilà aussi prisonniers d’une lutte farouche entre individus.

Au vu des urgences, à tout niveau, auxquelles sont confrontés le pays et les Régions wallonne et bruxelloise, il n’est par conséquent pas déplacé de réclamer que l’intérêt commun ne passe en aucun cas après les règlements de compte personnels.

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