Centre d'espionnage allemand localisant des 'marconistes', opérateurs sans fil. © LA MAISON DE VERRE

Les espions belges de Churchill

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Dans un documentaire émouvant diffusé ce vendredi soir, La maison de verre, le réalisateur Tristan Bourlard raconte les coulisses de l’espionnage belge organisé depuis Londres au service de la victoire des Alliés.

18 716 agents belges ont, au péril de leur vie, espionné les Allemands et contribué à la victoire des Alliés. Dans La maison de verre, diffusé sur La Une ce 8 mai à 21 heures dans le cadre de l’émission Retour aux sources, Tristan Bourlard leur rend hommage.

Le 22 octobre 1940, le gouvernement belge ainsi qu’une centaine de parlementaires fuient vers Londres. Winston Churchill y comprend qu’il faut affaiblir le régime nazi de l’intérieur, à coups d’attentats et de guerre « asymétrique ». Effaré par la destruction de l’armée britannique à Dunkerque qui rend, du coup, l’île anglaise vulnérable, le Vieux Lion crée, dès juillet 1940, une armée secrète, le SOE, le Service secret britannique d’action. Sa mission : sélectionner un noyau d’hommes et de femmes susceptibles d’épauler, le jour venu, le débarquement, principal objectif militaire des Alliés. De son côté, le gouvernement belge ressuscite, à Londres, la Sûreté de l’Etat, calquée sur le modèle anglais et financée à coups de centaines de millions de francs belges.

On installe des centres d’entraînement destinés à accueillir des jeunes filles et des jeunes garçons patriotes venus à Londres de tous les pays européens occupés, dont quelque 20 000 réfugiés belges. Disséminés aux quatre coins de l’Angleterre, ces camps ultrasecrets sont abrités dans des manoirs et autres propriétés de riches familles anglaises, dissimulés du voisinage.

Les Belges sont choisis au sein de leur armée ou de leur communauté. La sélection des candidats est très sévère. Ils subissent, durant des heures, des doubles interrogatoires du MI6, des tests psychologiques et physiques : on ne garde que les meilleurs, ceux qui savent se taire. Les autres, les frimeurs, sont évincés. Dès que ces futurs espions intègrent les services spéciaux, ils sont formés pendant des mois : à récolter des renseignements politiques, économiques ou militaires, à coder et envoyer des informations confidentielles, à saboter… Les jeunes volontaires sont ensuite parachutés en Belgique où, passant inaperçus, ils livrent leur savoir-faire aux compatriotes « amateurs » et tentent de les organiser. Sur place, les réseaux locaux se développent surtout à partir de 1941. On y trouve tous les profils. On recrute ainsi une dame âgée qui, de sa fenêtre, surveille les faits et gestes des troupes allemandes ; un éclusier qui transmet des informations sur le trafic fluvial ; un boulanger ou encore un cordonnier. « Une visite chez un boulanger patriote qui fournit une caserne allemande permet de connaître le nombre de pains livrés par semaine et donc, de soldats présents. Le même type d’information peut être obtenu chez un tailleur », précise Tristan Bourlard.

La Belgique est un foyer d’espions et de résistants mais elle grouille de mouchards. 1942 est une année noire. Les espions sont traqués par l’ennemi. Les arrestations, les rafles et les mises à mort se multiplient. Les dénonciations aussi. En cause : le manque de professionnalisme des agents. Au total, 3 000 d’entre eux sont arrêtés, déportés ou fusillés. Pour les renseignements, il faut en tirer les leçons. Dorénavant, le secret sera la première règle. Londres impose la seconde : un cloisonnement net entre les renseignements et la résistance et la guérilla.

Malgré les périls, les agents belges et leurs importants réseaux fournissent tous les renseignements militaires possibles aux Alliés : les déplacements de troupes et de matériel, les positions des radars allemands, le trafic ferroviaire, les inventions des V1 et des V2 ainsi que l’emplacement des rampes de lancement. Le 8 mai 1945, ils basculeront dans un long silence, parfois durant septante ans.

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