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« Les enfants dont le père reste à la maison obtiennent de meilleurs résultats à l’école »

Le Vif

La proposition de la présidente de l’Open VLD Gwendolyn Rutten, qui souhaite que les parents puissent se partager les 15 semaines de congé de maternité, suscite le mécontentement. Laissez les mères tranquilles, et donnez plus de jours de congé aux pères, disent ses opposants. Une étude révèle que c’est une bonne idée.

Dans notre pays, les pères ont droit à dix jours de congé payé après la naissance de leur enfant. Pas mal, me diriez-vous. Mais cela dépend de la perspective adoptée. Pour les Américains c’est un luxe inédit (il n’y a pas de dispositions légales), pour les Suédois, ce sont des cacahuètes (ils ont trois mois de congé de paternité payés). C’est bien pour les papas suédois. Mais c’est surtout positif pour les enfants, révèle un rapport récent de l’OCDE. Celui-ci compare des études à long terme de différents pays. Au Danemark, 90% des pères prennent plus de deux semaines de congé après la naissance de leurs enfants alors qu’aux États-Unis, deux pères sur trois se remettent à travailler dans les quinze jours. Mais ce sont les résultats d’une étude norvégienne qui sont les plus étonnants : les enfants dont le père reste à la maison obtiennent de meilleurs résultats à l’école.

Ce n’est pas étonnant, déclare le professeur en sociologie Ignace Glorieux (VUB). « Plusieurs études indiquent qu’il est bon pour les enfants d’avoir deux parents présents. Dans les années quatre-vingt, nous avons réalisé une étude qualitative sur les conséquences du chômage à la VUB. Sans chercher, nous sommes arrivés à une conclusion étonnante: les gens dont le père est absent réussissent moins bien sur le marché du travail. » Selon Glorieux, un père plus présent favoriserait surtout une société plus égale.

« Quand les enfants voient que les pères et les mères répartissent équitablement le ménage et les soins prodigués à leur progéniture, on espère qu’ils suivront cet exemple. Pour l’instant, ce n’est malheureusement pas encore le cas : les soins aux enfants et les tâches ménagères sont mal répartis. Quand les pères font quelque chose pour leurs enfants, ce sont généralement les tâches agréables : raconter une histoire, jouer, aller à la piscine… alors que les mères vont chercher les enfants à l’école, cuisinent, leur donnent leur bain. Ce sont des tâches nécessaires, qu’il faut accomplir tous les jours et que tout le monde trouve évidentes. Si papa rentre trop tard pour l’histoire, personne ne dira rien. Mais s’il emmène ses enfants une fois dans un parc d’attractions, on en parle pendant des semaines. »

Hommes à la sortie de l’école

Une extension du congé de paternité exerce effectivement une influence positive sur la répartition des rôles, révèle encore le rapport de l’OCDE. Les pères qui prennent congé après la naissance de leurs enfants changent plus de langes, leur donnent plus souvent à manger, les habillent, leur donnent leur bain et jouent avec eux. Mais dix jours de congé paternité, comme en Belgique, c’est trop peu, estime Glorieux. Pour cette raison, il plaide en faveur de mesures comme en Suède, où les parents peuvent partager leurs seize mois (!) de congé de paternité entre eux, à condition de rester chacun au moins deux mois chez eux. « Un jour, nous avons demandé à des mères, des pères et des enfants de tenir un journal de bord à propos de leur emploi du temps. Qu’est-ce qu’on a constaté ? Que les pères se chargent des soins uniquement quand leur femme est absente. Laissez les pères donc plus longtemps seuls chez eux, et automatiquement ils feront plus. C’est le cas à Stockholm par exemple. Il y a beaucoup d’hommes à la sortie de l’école, alors que chez nous il n’y a que des femmes, à l’exception de quelques grands-pères. »

Un détail: même dans les pays où le congé de paternité est largement en vigueur, les hommes ne le prennent pas toujours, parce que tous les employeurs n’en sont pas ravis. « Je me rappelle d’une conférence avec des hommes à ce sujet », raconte Glorieux. « L’un d’entre eux avait convenu avec sa femme qu’il irait travailler à temps partiel après la naissance de leur premier enfant. Quand il l’a annoncé à son boss, celui-ci l’a traité de fou. Et quand l’homme est rentré chez lui le soir, sa femme lui a dit qu’elle irait travailler à temps partiel. Leurs boss s’étaient téléphoné pour régler la question. »

Mais la pression sociale est trop importante, dit Glorieux. « Nous continuons à associer les hommes à leur rôle de soutien financier, alors que les femmes sont beaucoup plus poussées dans un rôle maternel. Si nous voulons changer cela, l’Etat doit contraindre les pères à prendre quelques mois de congé de paternité. Tout le monde y gagne : les enfants, les femmes et les hommes, même si ces derniers doivent encore s’habituer. »

Stefanie Van Den Broeck

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