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Les électeurs francophones, de plus en plus volatils et mécontents

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Près de 41% des électeurs ont changé de parti lors du scrutin de 2014. Le mécontentement gronde, davantage encore en Wallonie qu’en Flandre.

Jamais, dans l’histoire, les électeurs n’ont été aussi versatiles et mécontents. C’est davantage le cas du côté francophone que du côté flamand. C’est ce qui ressort d’une étude inter-universitaire consacrée aux résultats des élections du 25 mai dernier, réalisée conjointement par la VUB, l’ULB, la KUL, l’UCL et l’université d’Anvers. Si, du côté flamand, la N-VA et le Vlaams Belang capturent les votes de prestations, il reste une marge importante en Wallonie pour une formation politique qui profiterait de la grogne citoyenne, soulignent les chercheurs. Seuls le PTB et, dans une moindre mesure, le MR attirent aujourd’hui ceux qui dénoncent l’ordre établi.

Dans un marché électoral en plein mouvement, voilà qui augure encore bien des bouleversements lors des prochains scrutins.

Un électorat de plus en plus volatil

C’est une proportion jamais vue dans l’histoire politique belge: le 25 mai dernier, pas moins de 41% des électeurs ont changé de parti.

« Il est frappant de constater que la tendance est similaire en Flandre et en Wallonie, soulignent Ruth Dassonneville (KUL) et Pierre Baudewyns (UCL). Nous pouvons en conclure que la fidélité à un parti n’est plus de ce temps. »

Seule la N-VA, au fond, tend à contredire cette tendance. Elle a conservé en 2014 les trois quarts de ses électeurs de 2010, tout en attirant des nouveaux, essentiellement conquis sur les terres du Vlaams Belang (44,4%) mais aussi de l’Open VLD (29,7%) et du CD&V (17,5%). Groen, le SP.A, le CD&V et l’Open VLD conservent respectivement 62,5%, 59,4%, 58,9% et 52,8% de leur électorat de 2010. Le Vlaams Belang, lui, est décimé: il ne conserve que 30,6% de son électorat.

Du côté francophone, c’est Ecolo qui boit la tasse: il ne conserve que 52,6% de son électorat de 2010 et ne grappille pratiquement pas de nouveaux électeurs (3,7% au CDH, c’est tout). Le PS perd des plumes et cède des voix à la gauche radicale: un électeur du PS sur dix est parti au PTB-GO! Le MR a pris 13,4% d’électeurs au CDH qui le lui rend bien en captant en échange 14,4% de libéraux. Si le MR progresse, c’est notamment parce qu’il a réussi à séduire… 22,2% de l’ancien électorat PTB.

Une certitude, selon les chercheurs: « Le temps d’un grand parti parti populaire est révolu. Ce lien moins étroit entre le parti et l’électeur signifie aussi que beaucoup d’électeurs sont structurellement disponibles sur le marché électoral. » Ce qui explique la rivalité de plus en plus grande entre les partis.

Un mécontentement grandissant

Les élections du 25 mai 2014 se sont déroulées dans un contexte particulier, après la plus longue crise politique de l’histoire du pays (les fameux 541 jours) et un gouvernement tripartite n’ayant eu qu’une demi-législature pour faire ses preuves.

La démocratie mise à mal? Premier constat: le mécontentement à l’égard du système politique est équivalent dans les deux régions. « Le constat selon lequel une des deux parties du pays serait mécontente du fonctionnement de la démocratie dans notre pays ne reçoit aucun soutien », soulignent Marc Hooghe (KULM) et Emilie van Haute (ULB).

Au contraire, même, la grogne la plus importante s’exprime au Sud du pays. Si le sentiment à l’égard du gouvernement fédéral est sensiblement le même partout (3,08/5 en Wallonie et 3,09/5 en Flandre), l’écart est significatif en ce qui concerne la confiance à l’égard des gouvernements régionaux. Les Flamands sont davantage satisfaits de leur exécutif régional (3,40/5) tandis que les Wallons expriment une plus grande défiance (3,02/5). L’Union européenne, quant à elle, est vilipendée sans surprises, là encore davantage en Wallonie qu’en Flandre.

« Il semble que l’opinion publique wallonne soit beaucoup plus mécontente que l’opinion publique flamande, constatent les chercheurs. Cela semble contre-intuitif parce qu’il existe davantage de partis protestataires en Flandre, tandis qu’ils connaissent peu de succès en Wallonie. En pratique, il existe toutefois un plus grand réservoir de mécontents en Wallonie qu’en Flandre, il semble néanmoins qu’il n’y a pas encore eu d' »entrepreneur » politique susceptible d’en profiter pour construite un grand parti protestataire. »L’avertissement aux francophones est lancé.

Des coalitions homogènes

Enfin, les cinq universités ont sondé la cohérence des coalitions sur le plan idéologique. Les choix posés dans les deux Régions sont les plus cohérents. C’est certainement le cas du côté wallon où l’attelage PS-CDH représente une cohérence idéologique de 78,6% contre 64,3% à une alliance PS-MR. Du côté flamand, un mariage à deux N-VA/CD&V eut été plus cohérent (66,7%) qu’une tripartite ajoutant l’Open VLD (45,6%), mais les circonstances politiques au fédéral en ont décidé autrement.

Les résultats de l’enquête sont repris dans « Attitudes et comportements des électeurs lors du scrutin du 25 mai 2014« , Courrier hebdomadaire du Crisp n°2225

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