Souvent accusée d'agir sans concertation et de façon brutale, Elke Sleurs, secrétaire d'Etat (N-VA) en charge, notamment, des musées royaux a, cette fois, consulté le terrain. © DIDIER LEBRUN/PHOTO NEWS

LES SURPRISES DE LA RÉFORME

A trois mois de la fin de leur mandat, les directeurs des musées royaux et autres établissements scientifiques fédéraux s’interrogent sur leur avenir. Et ressuscitent le projet de créer quatre structures regroupant leurs institutions.

Très fâchée, Elke Sleurs. Selon nos sources, la secrétaire d’Etat N-VA en charge des musées royaux et autres établissements scientifiques fédéraux (ESF) n’a pas apprécié les fuites sur la dernière mouture de son projet de réforme de ces institutions. En cours de finalisation, ce plan a été modifié à la suite d’une réunion qui s’est tenue le 10 janvier à son cabinet. Les directeurs généraux des ESF, qui avaient sollicité cette rencontre, ont plaidé, avec succès, pour la création de quatre  » clusters « , au lieu des deux prévus jusqu’ici dans le projet. Autonomes par rapport à l’Etat, ces entités regrouperont chacune plusieurs établissements scientifiques. Objectif : faciliter les synergies et les économies d’échelle. Les clusters seront dotés de la personnalité juridique, d’un conseil d’administration et d’organes de gestion. Le projet devrait être présenté ce 20 janvier et une nouvelle réunion avec les DG est prévue le 7 février.

Concrètement, un cluster  » art  » réunira les Musées royaux des beaux-arts (MRBAB, au Mont-des-Arts, à Bruxelles) et deux institutions fédérales situées au Cinquantenaire : le Musée royal d’art et d’histoire (MRAH) et l’Institut du patrimoine artistique (Irpa). Un cluster  » espace  » associera les trois établissements du plateau d’Uccle : l’Observatoire, l’Institut météorologique et l’Institut d’aéronomie spatiale. Un troisième cluster liera la Bibliothèque royale (Albertine) aux Archives de l’Etat. Enfin, le quatrième sera composé du Museum des sciences naturelles et du musée de l’Afrique centrale de Tervuren, fermé depuis trois ans, et qui doit rouvrir ses portes en octobre prochain, après rénovation.

Un retour au plan Pôles !

Quatre structures regroupant les ESF, voilà qui a un petit air de déjà-vu ! En 2011, le socialiste Philippe Mettens, alors président de la Politique scientifique (Elke Sleurs l’a évincé de Belspo en avril 2015) avait plaidé pour la mise en place de quatre  » pôles  » (art, espace, documentation et nature), dotés chacun d’une direction unique. Des groupes de travail ont planché sur ce plan Pôles et une fusion des musées du Mont-des-Arts et de celui du Cinquantenaire a même été entamée. Toutefois, en février 2014, Philippe Courard, secrétaire d’Etat PS à la Politique scientifique, a tiré un trait sur le projet. A l’époque, plusieurs directeurs d’établissements scientifiques fédéraux s’étaient opposés à la mise en place des pôles, craignant une centralisation du pouvoir et une perte d’autonomie. Curieusement, ces mêmes DG ont, aujourd’hui, repris l’idée de quatre coupoles.

Accusée par certains d’agir de façon brutale et sans concertation, Elke Sleurs a donc, cette fois, consulté le terrain et retenu la proposition de doubler le nombre des clusters. Une décision qui a filtré dès le lendemain de la réunion, notamment en direction du Vif/L’Express. D’où la colère d’Elke Sleurs, pour qui il y a rupture de confiance. Confus, certains DG auraient alors envisagé une lettre d’excuses !

Qui à la tête des clusters ?

Si, ces temps-ci, la plupart font profil bas devant leur autorité de tutelle, c’est qu’ils s’interrogent sur leur avenir, à trois mois de la fin de leur mandat. Pendant des semaines, ils ont attendu le résultat de l’évaluation de leur gestion, qui leur est parvenu tardivement ces jours-ci. Par ailleurs, certains se positionnent déjà en vue des changements prévus dans les structures de la Politique scientifique belge. Qui sera nommé à la tête des établissements fédéraux ? Qui dirigera les futurs clusters ? Une certitude : rien n’oblige le pouvoir fédéral à renouveler, pour la seconde fois, le mandat d’un directeur général nommé en 2005. Quant aux directeurs nommés plus récemment (en 2011 et 2015), ils l’ont été ad interim et peuvent donc être, eux aussi, aisément remplacés.

Le printemps prochain sera le moment clé pour un renouvellement des structures et des hommes qui les ont dirigées. Du changement qui ne sera pas sans conséquences sur les quelque 4 000 personnes qui travaillent dans les dix établissements scientifiques fédéraux. Chaque cluster aura sa propre dotation, équivalente à ce que recevait l’ensemble des ESF qui le composent. Les recettes éventuelles qu’un établissement tire de ses activités ne lui reviendront plus directement et alimenteront la caisse commune du cluster dont il fait partie.

Des économies, vraiment ?

 » Cela signifie qu’un musée comme celui des beaux-arts, dont les recettes sont nettement plus élevées que celles d’autres ESF, deviendra une sorte de vache à lait dans son cluster, estime l’une de nos sources. Ajoutée aux économies drastiques imposées par le gouvernement, la réforme d’Elke Sleurs menace d’asphyxier certains établissements, qui peinent déjà à lancer de nouveaux projets.  » Les partisans du plan Sleurs répliquent que les clusters visent précisément à faire des économies d’échelle. On peut toutefois se demander si économies substantielles il y aura. Car Belspo, la structure qui fournissait un appui logistique aux établissements scientifiques fédéraux, est en cours de démantèlement. Près de la moitié de ses effectifs émigre vers l’Agence spatiale interfédérale, en cours de formation. Chaque cluster sera-t-il en mesure de se doter de ses propres services du personnel, de comptabilité, d’encadrement juridique et de traduction. Le défi conditionne la réussite du plan.

PAR OLIVIER ROGEAU

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