© BELGA

Les contrats entre JC Decaux et Bruxelles sous la loupe européenne

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Saisie d’un recours, la Commission européenne doit dire si JC Decaux a bénéficié de coups de pouce trop généreux de la Ville de Bruxelles et de la Région de Bruxelles-Capitale. Si aide d’Etat il y a eu, la facture pourrait être douloureuse…

Avant la fin du mois, la Commission européenne doit trancher dans le dossier ouvert par la firme Clear Channel Belgium contre la Ville de Bruxelles, d’une part, et contre la Région de Bruxelles-Capitale, d’autre part. Cette plainte, déposée en 2011, comporte deux volets.

Le volet Villo : ou l’aide accordée par les pouvoirs publics régionaux bruxellois à JC Decaux dans le cadre de la mise en place du système Villo, du nom de ces vélos en libre-service disponibles dans la capitale depuis mai 2009. En novembre 2008, à la suite d’un appel d’offres, la Région de Bruxelles-Capitale accorde à JC Decaux le droit d’exploiter le système Villo sur le territoire de Bruxelles-Ville. L’opération ne devant rien coûter à la Région, le spécialiste du mobilier urbain obtient, en contrepartie de son investissement et de sa gestion du service, le droit de placer 614 panneaux d’affichage publicitaire de 2 m² et 45 panneaux de 8 m² sur le territoire de la ville. L’entreprise est en outre exonérée, en tout ou en partie, des taxes communales et régionales généralement exigées pour ce type de panneaux. Le contrat alors conclu court jusqu’en 2026.

La défense du plaignant a calculé, sur la base de chiffres connus et publics, la hauteur des concessions faites par les pouvoirs publics à JC Decaux dans le cadre de ce contrat. En prenant en compte les revenus publicitaires générés par le système Villo, les revenus des locations de bicyclettes, le coût de fonctionnement et le total des exonérations de taxes, JC Decaux bénéficiera, à partir de 2014, c’est-à-dire en régime de croisière, d’une aide surcompensatoire de la part des pouvoirs publics de quelque 4,9 millions d’euros par an. En 2013, cette surcompensation aurait déjà atteint entre 2,6 et 4,6 millions d’euros. Selon ce calcul, au terme d’un contrat qui aura couru 17 ans et 4 mois, JC Decaux aura ainsi perçu, au total, une aide d’Etat (non autorisée) de 76 millions d’euros, dont 10 millions sur les seules exonérations de taxes.

Le volet Phantom : ou les panneaux d’affichage de JC Decaux que l’on a, du fait de leur histoire, appelés Phantom. En 1999, à la suite d’un appel d’offres organisé par la Ville, JC Decaux remporte un contrat de 15 ans pour l’installation de mobilier urbain à Bruxelles. En vertu de cette convention, le publicitaire est tenu de démonter tous les abribus, panneaux d’affichage, etc., installés sur la base des précédents contrats. Mais JC Decaux ne s’exécute pas et continue à exploiter une centaine de panneaux liés à un contrat conclu en 1984. Sans payer de taxes, droits ou loyers pour ces panneaux, comme le prévoit cette convention.

S’estimant lésée, la firme Clear Channel Belgium saisit le tribunal de commerce qui, le 13 décembre 2010, ordonne à JC Decaux de retirer les panneaux exploités illégalement. Ce que fait le groupe. Il introduit néanmoins un recours devant la Cour d’appel, qui ne s’est pas encore prononcée.

Dans son jugement de 2010, le tribunal de commerce n’a pas imposé à la Ville de Bruxelles d’exiger la récupération du manque à gagner dû au non-paiement des impôts et des loyers. La Ville est en droit de le faire mais elle n’a pas entrepris de démarches en ce sens. Selon la plainte, l’avantage financier ainsi accordé à JC Decaux s’élèverait à environ 4,2 millions d’euros en recettes publicitaires et à quelque 2,5 millions d’euros d’impôts et de loyers impayés. La Commission européenne devra notamment statuer sur le recouvrement, ou non, de ce montant de 6,7 millions d’euros.

Contactée par le Vif/L’Express, la direction de JC Decaux n’a pas donné suite à l’appel.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire