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Les clés du dernier discours d’Albert II

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Un salut à la mémoire de son frère Baudouin, un appel à la cohésion de la Belgique et… un petit mot d’encouragement tout au plus pour Philippe et Mathilde. Voilà ce que l’on retiendra du dernier discours d’Albert II.

Ite missa est, la messe est dite. Albert II a prononcé son dernier discours royal la veille de céder son trône à son fils Philippe. Lors de sa prestation de serment, le 9 août 1993, Albert avait tenu à assurer, d’entrée de jeu, que les valeurs incarnées par son frère, le roi Baudouin, guideraient l’exercice de ses fonctions. Vingt ans plus tard, son speech de sortie de scène commence une fois encore par un salut à la mémoire de Baudouin, « qui a su allier un grand sens de l’Etat et du devoir, avec une réelle bonté, une grande simplicité et un souci pour les plus faibles de notre société. »

Sur le plan politique, Albert évoquait, dans son discours de 1993, l’achèvement de la réforme constitutionnelle, qui faisait de la Belgique un état fédéral. Il appelait les responsables politiques à travailler dans un esprit de solidarité, de bonne volonté et de tolérance. Cette fois, il mentionne également l’accord sur la réforme de l’Etat, mais il rend surtout un hommage appuyé aux politiques qui ont fait preuve d’un « sens de l’intérêt général » lors des récents accords budgétaires pour 2013 et 2014. Il cite aussi le compromis trouvé sur le statut ouvrier-employé et les solutions dégagées pour l’approvisionnement du pays en électricité.

Trois voeux avant d’abdiquer Le roi revenait, il y a vingt ans, sur le défi de l’emploi, de la promotion des exportations et de la construction d’une Europe fédérale. Mais surtout, il stigmatisait l’égoïsme individuel et collectif et appelait à plus de solidarité et de protection des plus faibles. Un message repris dans la plupart de ses discours par la suite. Aujourd’hui, il forme trois voeux à propos de thèmes qui lui tiennent à coeur : il souhaite que la Belgique, devenue un Etat fédéral « où les entités jouissent d’une très large autonomie », « garde sa cohésion » ; il veut aussi que l’on continue à « croire fermement dans l’Europe » et que la Belgique soit un moteur de cette construction européenne ; il insiste enfin sur le fait de rester ouverts, même en période de crise, à l’Afrique centrale, « qui traverse tellement d’épreuves ».

Albert indique encore que Paola et lui continueront, « dans la discrétion », à s’intéresser à ce qui se passe en Belgique. Et Philippe, son fils aîné et successeur ? Quelle place le chef de l’Etat lui a-t-il réservé dans son dernier discours de roi ? Deux petites phrases seulement lui sont consacrées, pour demander aux Belges d’entourer le futur roi et sa femme, « un excellent couple au service de notre pays » et qui jouit « de toute ma confiance ». Rien de très neuf : lors de son discours d’abdication, le 3 juillet, Albert avait déjà constaté : « le prince Philippe est bien préparé pour me succéder et jouit, avec la princesse Mathilde, de toute ma confiance. »

Et Delphine ? Ceux qui espéraient encore, l’occasion de ce dernier discours d’Albert en tant que roi, une forme de reconnaissance par le souverain de Delphine, sa fille illégitime supposée, voire une simple allusion à ce passé familial remonté brutalement à la surface voici quelques semaines, ont dû se résoudre à l’évidence : à bientôt 80 ans, Albert a tiré un trait sur les années Sybille de Sélys Longchamps. Il s’est depuis longtemps réconcilié avec Paola et ne veut à aucun prix regarder dans le rétroviseur, même si cette attitude doit laisser une ombre sur son règne.

Pour autant, demain, Albert aura abdiqué, et son nouveau statut de citoyen ordinaire ne le protégera plus dans la procédure judiciaire engagée suite à l’action intentée par Delphine Boël (pour rappel, elle réclame des tests ADN afin d’en finir avec le flou qui plane sur sa filiation avec le chef de l’Etat). La stratégie des avocats de la famille royale, fondée sur l’inviolabilité du roi, est mise à néant. Il leur faut reconsidérer leur argumentaire avant le 3 septembre prochain, date de la prochaine audience du tribunal de 1ère instance de Bruxelles.

Olivier Rogeau

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