Carte blanche

Les centres fermés ne rendront pas nos rues plus sûres

Le gouvernement Michel a annoncé récemment une série de mesures visant à améliorer la sécurité. Il compte notamment augmenter le nombre de centres fermés, afin de passer à une capacité de 1 066 places (contre 600 à l’heure actuelle).

Une fois de plus, nos décideurs établissent un lien artificiel entre insécurité et immigration, attisant la xénophobie, l’intolérance et les replis identitaires, au mépris des richesses avérées des rencontres interculturelles. Beaucoup, apeurés par les fantasmes de la « crise des réfugiés », y verront pourtant un signal fort de la part de nos autorités, ignorant à quelle bassesse se réduit un État de droit en légitimant le recours à ces fameux centres fermés.

D’après l’Arrêté royal du 2 août 2002, un centre fermé est un « lieu géré par l’Office des étrangers, aménagé pour l’accueil des personnes soumises à une mesure administrative de détention, de mise à la disposition du Gouvernement ou de maintien ».

Pour toute personne ayant approché de près un tel lieu, un mot vient immanquablement à l’esprit : prison. Grillages, fouilles, mesures d’ordre (allant d’un avertissement verbal jusqu’à l’isolement, en passant par le « retrait » de certains « avantages », comme « l’accès à la bibliothèque, l’espace récréatif ou à la cantine » ; « la participation à des activités culturelles, sportives ou de détente » ; « l’usage de matériel de détente » ; « la possibilité de fumer » ; « la collation », etc.).

On trouve aussi dans la loi des dispositions quant à des « mesures coercitives », telles que le recours à une « clef de bras » ou à des « menottes aux poignets et/ou aux pieds ».

Deux rappels s’imposent : 1) le principal motif de cette détention brutale est que les personnes retenues sont dépourvues d’un simple bout de papier (une autorisation de séjour sur le territoire belge) ; 2) la Belgique a été à plusieurs reprises condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir enfermé des mineurs dans ces centres – le Gouvernement Michel compte pourtant récidiver, comme il l’a annoncé au mois de novembre 2016, négligeant que la détention, même de courte durée, a des effets désastreux sur les enfants.

Pour en revenir à l’insécurité (réelle ou ressentie), peut-on décemment prétendre que les grillages des centres fermés constituent une réponse crédible à ce problème ?

Nous sommes en train de connaître une dérive qui a quelque chose de moyenâgeux, à savoir qu’elle nous ramène à une époque où la sécurité reposait principalement sur l’érection de murailles.

Une telle politique ne fait qu’accentuer les crispations actuelles – faisant fi des véritables causes du mal-être de nos sociétés, qui doit beaucoup aux inégalités sociales et économiques. Ces inégalités nuisent à la cohésion sociale et au bien-être. Elles suscitent de la compétition, des tensions, des discriminations. Enfin, ces inégalités sont un puissant levier pour les populistes de tout bord, leur permettant d’actionner sans effort leur rhétorique de division et de rejet.

Quel cynisme que ces mêmes politiques, qui creusent le gouffre des inégalités (et renforcent par là même l’insécurité), désignent ensuite des boucs émissaires par des décisions simplistes et inutiles. Car, ne nous leurrons pas, la création de nouveaux centres fermés ne rendra pas nos rues plus sûres !

En lieu et place de ces mesures tape-à-l’oeil, n’est-il pas temps de donner écho à cette interpellation du journaliste Roberto Saviano, connu pour son analyse des milieux mafieux ? Il affirmait il y a quelque temps que « le problème, ce sont les capitaux, non les êtres humains. Ce sont les capitaux qui circulent sans contrôle et compromettent la protection de l’économie licite et la stabilité sociale. C’est la guerre des pouvoirs financiers qui rend l’Europe de moins en moins sûre. » Voilà matière à réflexion pour des dirigeants qui auraient à coeur d’assurer la sécurité de leurs concitoyens.

Renato Pinto – Coordinateur régional Hainaut à l’association Vivre Ensemble Éducation

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