© Image Globe / VIRGINIE LEFOUR

Les bons coups d’Elio Di Rupo

365 jours de crise, 365 de com’. Depuis la chute du gouvernement Leterme, le 26 avril 2010, Elio Di Rupo, le président du PS a gravi un long chemin de croix. Et réalisé quelques coups médiatiques. Passage en revue.

EN ANGLAIS DANS LE TEXTE (16 JUIN 2010)

Conférence de presse commune avec Poul Nyrup Rasmussen, le président du Parti socialiste européen. Face à la presse internationale, Elio Di Rupo alterne entre français, anglais (de cuisine) et néerlandais (scolaire). « Je suis convaincu que nous serons capables d’atteindre un compromis raisonnable », déclare-t-il. Mettant en avant son doctorat en chimie, le président du PS commente les propos de Bart De Wever sur « l’évaporation de la Belgique ». Dans un raisonnement digne de l’alchimie politique, il conclut à l’émergence d’une « Belgique à l’état pur ».

PRÉFORMATION, SUITE ET FIN (3 SEPTEMBRE 2010)

Huit semaines après avoir été nommé préformateur, Elio Di Rupo jette l’éponge. Et se pose en homme d’Etat. « C’est avec tristesse que j’ai constaté que deux partis n’ont pas pu accepter les dernières propositions. » Son intervention est diffusée in extenso, et en direct, par les journaux télévisés. S’y mêlent la déception, la colère, l’amertume et un ton vindicatif bien dosé. Un discours grave censé le crédibiliser par rapport à une future fonction de Premier ministre.

« JE VAIS VOUS PARLER DE MOI, JE LE FAIS RAREMENT » (24 SEPTEMBRE 2010)

Pour la sortie d’un ouvrage célébrant les 125 ans du Parti socialiste, Elio Di Rupo a choisi un lieu éminemment dirupien : la Maison du peuple, à Saint-Gilles. Un café branché, comme son nom ne l’indique pas. Pendant que les clients tapotent sur leur Mac, l’air faussement nonchalant, le président du PS salue les journalistes présents, quitte à surjouer la convivialité. « A vous voir, je suis ravi de constater que ce livre présente un intérêt majeur pour les médias. »

Assis derrière une table recouverte d’un drap rouge, une tasse en porcelaine blanche à portée de main, Di Rupo va détailler pendant une heure son credo politique de toujours : « Le souci de la modernisation, du changement, est un défi permanent chez nous. Mais les valeurs, elles, restent. » A un moment, il s’interrompt : « Je peux enlever mon veston ? Parce qu’il fait une chaleur, ici… »

Puis, fidèle à lui-même, l’homme se fait conteur : « Je m’excuse de vous parler comme ça, je le fais rarement, mais je suis un exemple de ce que la valeur d’égalité peut apporter. Si les autorités, et elles étaient socialistes à Morlanwelz, à Chapelle-lez-Herlaimont, n’avaient pas veillé au progrès pour tous, jamais je n’aurais pu aller à l’école, à l’université. Papa est mort, j’avais 1 an. C’était une famille extrêmement pauvre. Sans le socialisme, je ne serais pas devant vous aujourd’hui. »

UN SPOT DE 50 MINUTES SUR RTL (9 NOVEMBRE 2010)

Pendant cinquante minutes, Di Rupo a les honneurs du Grand Direct, sur RTL-TVI. « Le dialogue est rétabli avec M. De Wever », annonce-t-il. Grande nouvelle. Le lendemain, La Dernière Heure résume l’impression générale : « Sur la forme, la prestation du président socialiste fut un sans-faute. Sur le fond, en revanche, on reste sur notre faim. »

BILLE EN TÊTE CONTRE LA PRESSE DU NORD (22 DÉCEMBRE 2010)

Dans les journaux du groupe Sud-Presse, le président du PS s’en prend au « militantisme autonomiste » des journalistes flamands. Alors que, dit-il, « dans le sud du pays, les journalistes ont une attitude professionnelle qui leur permet de distinguer le vrai du faux ».

APPEL À L’UNION NATIONALE (27 JANVIER 2011)

Di Rupo présente ses voeux à l’Arsenal, un ancien bâtiment industriel d’Etterbeek, reconverti en salle groovy and fashion. Pour sortir de « la plus grave crise politique de notre histoire commune », il appelle à la formation d’un gouvernement d’union nationale qui rassemblerait N-VA, CD&V, SP.A, Open VLD, Groen !, PS, MR, CDH et Ecolo. « Un énième morceau de théâtre », dira la N-VA.

LA NOTE D’ELIO (1er FÉVRIER 2011)

Devant les grilles du château de Laeken, les photographes surprennent Elio Di Rupo, assis à l’avant de sa voiture, avec sur les genoux un texte intitulé « Message au roi ». « Ma conviction est que tôt ou tard il faudra mettre tous les partis démocratiques autour de la table tant la réforme voulue par le nord est déterminante pour l’avenir du pays », peut-on lire sur la feuille. Le président socialiste a également griffonné « attitude inacceptable », à côté du sigle CD&V. Distraction ? Maladresse ? Connaissant le perfectionnisme du président socialiste, on l’imagine mal s’être laissé piéger comme un bleu par les photographes.

À LA PLOUF (18 MARS 2011)


Pas de noeud papillon, mais un court maillot rouge pour Elio Di Rupo, qui inaugure, en fin d’après-midi, la nouvelle piscine du Grand Large à Mons. L’événement a lieu quelques jours après un nouvel ultimatum de la N-VA, soutenant qu’on ne peut pas tout faire en affaires courantes et remettant un coup de pression sur les négociations fédérales. La baignade ressemble à une réponse du berger Di Rupo à la bergère De Wever : « Cause toujours, il n’y a pas le feu au lac. Et je te le prouve, je prends le temps de nager avec le citoyen montois. »

VISITE GUIDEE A MONS (5 AVRIL 2011)

Trois mois après avoir dénoncé le « militantisme autonomiste » de la presse flamande, Elio Di Rupo invite sur ses terres une dizaine de journalistes néerlandophones (VRT, Het Belang van Limburg, Gazet van Antwerpen, Het Nieuwsblad…). But de cette opération-séduction : montrer que la Wallonie et ses habitants ne sont pas conformes aux clichés qui ont cours au nord du pays. Le rendez-vous est fixé dès l’aube. « Ce sont des heures pour les poules et les coqs, ça. On voulait vous montrer qu’on commençait à travailler tôt », s’exclame Elio Di Rupo, qui n’a pas mis de noeud-papillon, histoire de surligner le côté convivial de cette journée. La visite guidée débute au zoning Garocentre, à la Louvière. A bord d’un bus du TEC affrété pour l’occasion, la petite troupe visitera ensuite le Microsoft Innovation Center, puis la Grand-Place de Mons. Et comme un petit coup de pub est toujours bon à prendre, Di Rupo a aussi invité une poignée de journalistes francophones (RTL, Sud-Presse, La Dernière Heure) à se joindre à l’escouade.

POLITIQUE SHOW À LIÈGE (7 AVRIL 2011)

Le tour des fédérations qu’a entamé Elio Di Rupo fait étape à Liège. La salle de 300 places réservée au palais des Congrès est comble. Le président a annoncé qu’il serait là à 19 h 05. Il tient parole : il arrive à 19 h 05. Le public compte des syndicalistes, des professeurs d’université, des étudiants, des retraités, et une poignée d’élus – Willy Demeyer, Michel et Frédéric Daerden, Véronique De Keyser.

Di Rupo est soumis à un feu roulant de questions sur le nucléaire, la Libye, le voile, le prix du gaz, Bruxelles-Hal-Vilvorde. Il construit sa conférence en fonction de celles-ci, sans exposé préalable. En 2 heures 20, il répondra à 16 personnes, soit un peu moins de neuf minutes par question-réponse. Cela sans aucune note, sans même ouvrir la farde qu’il a emmenée avec lui. « Une prestation éblouissante, tant sur le fond que sur la forme, rapporte le bourgmestre de Liège, Willy Demeyer. L’une des plus impressionnantes auxquelles j’ai assisté en presque trente ans d’affiliation au PS. J’étais soufflé, comme toutes les personnes présentes. Et pourtant, j’en ai déjà vu, dans ma vie de militant. »

Vulgariser les enjeux, sans passer par le filtre des médias : ce souci du dialogue direct avec les militants est une vieille habitude chez Di Rupo. Il s’inscrit aussi dans la tradition socialiste. Autrefois, les Maisons du peuple étaient abonnées au Moniteur, pour permettre aux ouvriers de décortiquer ensemble les lois votées au Parlement par « leurs » députés.

François Brabant

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