Léopold Ier, roi méconnu et pourtant si représentatif du XIXe siècle romantique. © MADCAT STUDIO

Léopold Ier, Game of Thrones

Le Vif

Le studio liégeois Mad Cat lance une campagne de crowdgiving pour boucler son incroyable pari : un dessin animé au format d’une série télé racontant l’histoire… du premier roi des Belges !

C’est une histoire de seconds choix qui se transforme en une histoire… de premier choix. Souverain fondateur de la Belgique et de sa dynastie, Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha n’en est pas moins un des grands inconnus de l’histoire d’un pays sur le trône duquel il est monté il n’y a même pas deux cents ans. Personnalité ténébreuse et brillante, cultivée et mélancolique, aux vies politique et amoureuse tragiques, Léopold était un prince romantique, un roi pour royaume d’opérette qui manqua de disparaître après dix jours. Il finira pourtant respecté et écouté par toutes les cours d’Europe. Mais sa vie durant, il aura été un second choix : celui de sa première épouse, la princesse Charlotte de Galles, promise à Guillaume d’Orange ; celui des constituants belges qui auraient voulu couronner le duc de Nemours, mais verront Londres s’opposer au choix d’un Français. La Belgique aussi était son deuxième choix, après avoir renoncé au trône de Grèce. Et que dire de la première reine des Belges, Louise d’Orléans, qu’il n’a jamais aimée, vivant dans le souvenir de Charlotte, morte en couches en 1817, et dans les bras de sa maîtresse Arcadie ? Au bout du compte, il a rendez-vous avec l’histoire dans un pays avec lequel il ne pouvait s’entendre mais qui l’adulera : anglo-allemand chez les francophiles, protestant chez les catholiques, monarque chez des Belges bien décidés à ne laisser aucune prérogative à un roi ! Et tout cela, à peu près tout le monde l’a oublié…

C’est cette histoire de seconds choix qui se transforme en une histoire de premier choix pour ceux qui se penchent dessus que les créateurs du studio Mad Cat ont décidé de raconter… en dessin animé. Créé en 2015 par Matthieu Collard, historien de formation et metteur en scène par passion, et Cédric Vandresse, le directeur artistique, Mad Cat Studio présente la particularité d’être le seul studio belge organisé en coopérative. Et aussi le seul à travailler entièrement à la main dans un univers qui a depuis longtemps opté pour la rentabilité. Depuis 2014, son équipe se passionne pour l’histoire du premier roi des Belges.  » Ce qui est intéressant chez lui, c’est justement qu’il est… totalement méconnu alors qu’il est, tant sur les plans culturel que géopolitique, parfaitement représentatif du xixe siècle romantique, résume Matthieu Collard.

Quelques têtes connues parmi les ministres de Léopold...
Quelques têtes connues parmi les ministres de Léopold…© MADCAT STUDIO

Tout ce qu’il y a dans le film est rigoureusement exact sur le plan historique mais, vu l’absence d’images, de témoignages, on peut aussi se glisser dans les zones d’ombre pour imaginer ce qui s’y passait, comment il parlait, comment il dormait…  » Alors, les auteurs de Léopold, roi des Belges n’hésitent pas à conférer par moments des allures comiques voire franchement déjantées à leur propos en donnant par exemple les visages de Di Rupo, Reynders, Michel ou De Wever aux ministres de Léopold  » puisque personne ne connaît leur tête « . Et le résultat déjà vu à l’heure qu’il est déroute, plaît, amuse, en un mot passionne. Du reste, les animateurs ne sont pas tous des débutants : Cédric Vandresse a été chef coloriste sur Le Magasin des suicides, le film animé musical de Patrice Leconte, et Guionne Leroy a animé Buzz l’éclair dans le premier Pixar, Toy Story, mais a aussi travaillé sur Chicken Run chez Aardman ou Coraline. Mais la vieille maison qui leur sert de studio dans le quartier des Oblats, à Liège n’a, ni de près ni de loin, à voir avec les studios californiens.

Léopold est en chantier depuis quatre ans et devrait aboutir à l’hiver 2018 ; au départ, il faisait 29 minutes, à l’arrivée, il en fera 48,  » le format d’une série télé « , insistent ses auteurs. Pour faire décoller le projet, en 2014, le studio avait lancé un premier crowdfunding. Aujourd’hui, la coopérative se fixe comme objectif de lever 20 000 euros pour boucler la production, la campagne se fera cette fois par le biais de la plate-forme de crowdgiving (lire aussi l’encadré plus bas) Gingo. Le film a déjà été préacheté par Arte et, vu l’enthousiasme qu’il suscite, il y aura d’autres candidats.  » A priori, rit Cédric Vandresse, nous n’avons pas la vocation de ne parler que des rois belges, mais c’est vrai qu’un film historique sur LéopoldII, qui n’est pas la brute sanguinaire qu’on nous décrit, aurait tout son sens aussi. Même si on utilise la caricature, c’est un film didactique dont nous aimerions surtout que l’école, et donc d’une certaine façon les pouvoirs publics, s’emparent et aient envie de financer de tels projets.  » En attendant, Léopold s’apprête à vivre un joli règne auprès des amoureux de l’animation haut de gamme.

www.madcatstudio.be

Par Jean-François Lauwens.

Crowdgiving, le mécénat collaboratif

Vous connaissiez le crowdfunding ; vous connaissiez le mécénat pur et simple. Voici leur enfant légitime : le crowdgiving. Partant du constat que 56 % des potentiels donateurs estiment ne pas passer à l’acte par manque de confiance et de transparence, la banque privée Degroof Petercam a lancé la plate-forme Gingo. Gingo, c’est la première plate-forme de philanthropie collaborative en Belgique. Le crowdgiving met donc les outils de crowdfunding à disposition des fondations qui souhaitent investir dans des projets à impact social. A la différence des plates-formes de crowdfunding « commerciales » classiques, celles-ci ne se rétribuent donc pas au passage. Evidemment, chacun peut participer, dès le premier euro. Jusqu’ici, la plupart des campagnes étaient à finalité sociale (aide aux personnes malades ou handicapées, alimentation sociale etc.). Lancé le 12 septembre avec le soutien de la fondation Promethea, le bouclage de la dernière phase (20 000 euros) de Léopold, roi des Belges sera le deuxième projet culturel défendu sur Gingo. Voici quelques mois, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique (MRBAB) y ont obtenu les derniers 25 000 euros nécessaires à la restauration d’un tableau de Gauguin, le Portrait de Suzanne Bambridge, réalisé en 1891 à Tahiti et acheté par les MRBAB en 1923. Pour la petite histoire, l’arrière-petite-nièce de cette Britannique d’origine, dont la famille est toujours implantée en Polynésie, a participé à la rénovation grâce à cette plate-forme. Peut-être que le Palais en fera autant pour honorer son ancêtre…

www.gingo.community/fr et www.promethea.be

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