Elke Sleurs © Belga

Le taux de pauvreté belge est sous-estimé

Le seuil de pauvreté pourrait être de 1.200 euros… au lieu de 1.095 euros en Belgique, ont estimé lundi Philippe Defeyt et Anne-Catherine Guio, chercheurs à l’Institut pour un Développement durable (IDD), lors d’une conférence de presse avec le Rassemblement wallon pour la lutte contre la Pauvreté (RWLP).

Le seuil de pauvreté probable belge serait de 1.200 euros par mois au lieu de 1.095 euros, dernière actualisation de l’enquête européenne SILC (Statistiques sur les conditions de vie et revenus), « s’il était tenu compte de tous les revenus de manière correcte, propriétés y compris », ont souligné les chercheurs à l’approche de la journée mondiale de lutte contre la pauvreté, vendredi.

Le revenu disponible annuel moyen par habitant au prix de 2015 estimé par l’IDD est supérieur de 2.500 euros à celui du SILC qui sous-estime les revenus de la propriété, ont-ils indiqué, plaidant pour un croisement des indicateurs.

« Ceci impacte le seuil et le taux de pauvreté. Cela représente 1.800 euros par an pour une famille avec deux enfants. Et cela implique une baisse probable du taux de pauvreté chez les 65 ans et plus, vu que beaucoup sont propriétaires, et une hausse probable chez les moins de 65 ans. Cela change notre vision de la société et cela changerait aussi les politiques à mettre en place », précise Philippe Defeyt.

En Belgique, le taux de pauvreté se situe entre 14,2% et 16,8% de la population en 2014. « Pourquoi n’augmente-t-il pas depuis dix ans alors que la crise existe depuis cinq ans? », s’interroge Philippe Defeyt. Le seuil de pauvreté, qui représente 60% du revenu médian, est de 1.628 euros pour un couple et 2.279 euros pour une famille comprenant deux enfants. Un autre indicateur est la situation de privation matérielle.

Un autre indicateur est la situation de privation matérielle, où au moins trois des neufs indicateurs de privation (impossibilité de régler le loyer ou les factures, de chauffer son domicile, de faire face à des dépenses imprévues, etc.) s’appliquent à la personne. « Ces chiffres sont hallucinants, ils sont du niveau de la Lituanie et de la Lettonie, avec 28% des enfants qui ne vont pas en vacances et environ un tiers qui n’ont pas 1.000 euros d’avance sur leur compte », souligne Anne-Catherine Guio.

Concernant les enfants, le taux de pauvreté est de 19%, contre 15% pour la privation matérielle. Chez les personnes âgées, la privation est de 6% contre un taux de pauvreté de 16%. « La pauvreté touche à tous les droits et domaines de la vie. Saucissonner les différents indicateurs n’a pas de sens. La question est de savoir ce qui permet de vivre décemment », ajoute la chercheuse.

Philippe Defeyt et Anne-Catherine Guio se posent des questions quant aux concepts employés et aux statistiques concernant l’échantillon et la bonne captation des revenus. Ils soutiennent la volonté de Statistics Belgium (ancien Institut national des Statistiques) d’intégrer de multiples sources et dénoncent les « coupes budgétaires réalisées dans les statistiques sociales, empêchant de voir la manière dont la crise touche les gens et les gens les plus pauvres avec précision ».

Pour Christine Mahy, secrétaire générale du RWLP, il faut mêler études et sentiments des personnes. « Le gouvernement wallon, dans son plan wallon de lutte contre la pauvreté, a décidé de se baser sur des éléments de déprivation matérielle. C’est une porte d’entrée. On doit s’en réjouir. Mais il est possible d’aller encore un pas plus loin », a-t-elle souligné.

Au niveau fédéral, Christine Mahy regrette qu’il n’y ait pas encore, « à l’avant-veille de la journée mondiale », de plan fédéral de lutte contre la pauvreté sur la table de la part de la secrétaire d’État à la Lutte contre la pauvreté Elke Sleurs « alors que c’est sa matière principale ».

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