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Le salut du Sénat passera par son affirmation institutionnelle

Mal aimé, le Sénat ne parviendra à justifier sa raison d’être qu’en démontrant sa capacité de susciter une réelle réflexion, portée par les représentants des entités fédérées qui le composent, sur l' »état de la Fédération » et la nécessité de la réformer, écrit le professeur de droit public de l’Université d’Anvers Jan Velaers dans une édition mise à jour retraçant l’histoire de la Haute assemblée.

« Si le Sénat parvenait à remplir avec succès son rôle institutionnel, cela permettrait peut-être de faire droit au caractère dynamique du système fédéral et d’éviter que l’on s’engouffre systématiquement dans des impasses qui paralysent les institutions de notre pays », analyse-t-il. Mais il avertit: « un échec du Sénat dans sa mission première emporterait immanquablement la réouverture du débat sur le système bicaméral ».

L’ouvrage poursuit le travail d’un précédent écrit, publié après la réforme de l’Etat de 1993. Celle-ci avait recentré le Sénat sur des missions de réflexion après le travail qui avait permis l’éclosion de la loi dépénalisant partiellement l’interruption volontaire de grossesse.

Et le Sénat a su remplir ce rôle, en initiant divers chantiers, dans le domaine bioéthique notamment, singulièrement celui qui permit à la Belgique d’être le deuxième pays au monde à légaliser l’euthanasie. La commission d’enquête parlementaire sur le génocide rwandais et la mort des dix paras belges déboucha sur un rapport de mille pages largement salué.

Mais le temps passant, le Sénat tenta de renouer avec les années fastes de 1918 à 1970, lorsqu’il fut un réel contre-pouvoir. Or, cette volonté de retrouver la capacité de légiférer et d’interroger le gouvernement sur lequel il avait perdu le contrôle irrita les autres cercles politiques, provoquant sa transformation en 2014 en une assemblée non permanente, relais au fédéral des griefs des entités fédérées. « En définitive, la faible efficacité législative du Sénat entre 1995 et 2014 ne révèle pas l’indolence ou la négligence de ce dernier. Elle témoigne des nombreuses difficultés qu’éprouve le monde politique belge à se libérer du schéma de la décision en urgence, à adoucir l’intransigeance des clivages », écrit Anne-Emmanuelle Bourgaux, professeur de droit public de l’ULB.

Pour la présidente du Sénat Christine Defraigne (MR), qui signe la préface du livre publié aux éditions Racine, « les sénateurs devront sortir davantage des sentiers battus et du schéma classique ‘majorité-opposition' ». S’il parvient à remplir ce rôle avec succès, le Sénat « pourra devenir le ciment des communautés de ce pays et l’assemblée qui donnera corps à l’évolution future du modèle belge ». Ce n’est pas gagné quand on connaît l’ambition du plus grand parti du pays, la N-VA, à vouloir la suppression du Sénat. Dans sa préface, le vice-président de l’assemblée Karl Van Louwe (N-VA) invite, citant Churchill, à « ne pas confronter le passé au présent, au risque de perdre l’avenir ».

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