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Le Roi, symbole de la solidarité nationale

Michel Delwiche
Michel Delwiche Journaliste

Le roi est sur le terrain, quand il y a des drames et des catastrophes ? C’est son métier : il y représente la nation tout entière.

Le Roi, en Belgique, exerce « une fonction symbolique et représentative », qui est « le signe de l’unité de la nation : partout où est le Roi, la nation est présente », explique André Molitor, qui fut entre autres, de 1961 à 1977, chef de cabinet du roi Baudouin, dans La Fonction royale en Belgique (au CRISP). C’est cela, poursuit-il, qui donne de l’importance aux actes qu’il accomplit pour manifester de l’intérêt ou de l’empathie avec les victimes d’un deuil ou d’une catastrophe. Les règnes de Baudouin et Albert n’ont pas manqué de ces exemples où le monarque, passant outre au protocole, conversera avec les gens de la rue. Ainsi à Esneux en février 1984. L’Ourthe est sortie de son lit, et Baudouin s’entretient avec les sinistrés. Parmi ceux-ci, Madame Lambinon, frigorifiée, à qui le souverain donne son manteau. Elle l’a conservé… LES TRAGÉDIES INDUSTRIELLES Le 30 juillet 2004, l’explosion d’une conduite de gaz naturel tue 24 personnes, dont un policier et des pompiers, et fait de nombreux blessés graves sur le zoning de Ghislenghien. Un engin de chantier avait touché le gazoduc. Le jour même, le prince Laurent et le Premier ministre Guy Verhofstadt se rendent sur place. Albert II revient de Suède le lendemain. Il s’entretient avec les services de secours, avec les proches et les familles des victimes, puis se rend à la caserne des pompiers d’Ath qui ont perdu cinq hommes, dont leur commandant. Le Roi reviendra sur cette catastrophe en ouverture de son discours de Noël, cette année-là, avec une pensée pour les familles touchées et pour les sauveteurs : « En nous souvenant du policier et des pompiers qui ont succombé là-bas, nous voulons rendre un hommage particulier à tous les pompiers et policiers de notre pays. Comme ceux de la région d’Ath, ils sont toujours prêts à se dévouer, même au péril de leur vie, pour la protection de leurs concitoyens. » En décembre 2011, il commencera de même son discours de Noël en s’adressant aux proches des victimes de la Place Saint-Lambert à Liège, où un homme isolé avait tiré dans la foule et lancé des grenades, faisant 5 morts et 125 blessés, avant de mettre fin à ses jours.

A Jupille, la nuit du 3 février 1961, un remblai dévale la vallée, écrase tout, ensevelit des maisons, tuant 11 personnes, quatre femmes et sept enfants. Minée par de fortes pluies, une partie du crassier s’est effondrée. Ces déchets provenaient de la centrale électrique de Bressoux-Droixhe. Les scories (cendres) de la combustion du charbon avaient été accumulées sans trop de précautions au cours des années, jusqu’à former une sorte de terril de 500 000 m3. Les sauveteurs ont travaillé sans arrêt pour tenter de sauver les victimes ensevelies, mais ils n’ont trouvé que des morts. Baudouin et Fabiola, deux semaines à peine après leur mariage, ont immédiatement accouru et ont visité le poste de premier secours. Les services de sécurité ont voulu éloigner le couple royal, la situation n’étant pas totalement sécurisée, mais la Reine répondit : « Le Roi et moi ne partiront que lorsqu’il n’y aura plus de danger ! »

LES CATASTROPHES MINIÈRES La Belgique a été marquée par bien d’autres catastrophes industrielles, dont bien sûr dans les charbonnages. Le 13 janvier 1953 à Colfontaine, à 1 000 mètres sous terre, un coup de grisou souffle le chantier et tue 21 mineurs. Trois autres décèdent de leurs blessures. Le jeune roi Baudouin rend visite aux blessés à l’hôpital de Warcquignies. L’année suivante, le prince Albert rend hommage aux sept victimes du grisou au puits Nord du Rieu du Coeur à Quaregnon. En 1956, le roi Baudouin vient à son tour à Quaregnon, où l’explosion du gaz a encore tué huit hommes, au même endroit.

Mais cette même année 1956, le 8 août, un gigantesque incendie au charbonnage du Bois-du-Cazier, à Marcinelle, piège les mineurs dans le fond. Le bilan est effroyable : 262 morts, de 12 nationalités différentes, dont 136 Italiens. Des immigrés attirés dans notre pays pour descendre dans la mine, et participer à la bataille du charbon décrétée par Achille Van Acker. En soirée, Baudouin, accompagné du Premier ministre Van Acker, se rend sur place. Il y revient trois jours plus tard pour y rencontrer les familles. Son père Léopold vient également à Marcinelle. Cette catastrophe signe la fin de l’accord d’Etat à Etat, signé à Rome en 1946, et qui a fait venir en Belgique des dizaines de milliers de travailleurs italiens : 50 000 travailleurs contre 3 millions de tonnes de charbon ! La Belgique va désormais devoir se tourner vers d’autres pays, l’Espagne, la Grèce, le Maroc, la Turquie. La mine tuera encore, sept fois, le 8 mars 1984 à Eisden, en Campine. Dont des Turcs. En 2006, cinquante ans après la catastrophe, Albert et la Paola découvrent le site du Bois-du-Cazier, devenu lieu de mémoire.

LES ACCIDENTS FERROVIAIRES Le 15 février 2010, Albert II interrompt ses vacances en Provence pour rentrer d’urgence au pays. Le matin même, deux trains sont entrés en collision à Buizingen (Hal). En pleine heure de pointe, ils transportaient des centaines de passagers. Le chauffeur de l’un des convois, selon l’enquête, aurait ignoré un feu rouge peu visible. Le roi, accompagné du Premier ministre Yves Leterme, arrive sur place peu après 17 heures. Enjambant les rails, il s’approche près de l’enchevêtrement de ferrailles où des sauveteurs tentent encore de sortir des victimes. Mais le bilan est très lourd : 18 morts et 120 blessés.

Cette catastrophe intervient neuf ans après un autre accident ferroviaire, qui avait fait huit morts le 27 mars 2001 à Pécrot, en Brabant wallon. Albert II s’était également rendu sur place, accompagné de la reine. Il avait beaucoup questionné, demandant comment un tel accident était possible. Les deux trains circulaient en effet sur la même voie, en sens opposés. L’un des convois, qui roulait à vide, avait déjà brûlé un feu rouge, mais la SNCB avait été incapable de contacter le machiniste. La leçon n’a manifestement pas servi.

Le règne du roi Baudouin avait lui-aussi été marqué par de graves accidents ferroviaires. En décembre 1955, un déraillement fait 19 tués à Wilsele (Louvain). Le train ramenait en Allemagne 700 supporters qui revenaient du match Allemagne-URSS de Wembley. A Luttre (Pont-à-Celles), le 15 août 1974, le train Charleroi-Anvers déraille sur le pont enjambant le canal. Un des wagons s’embrase, un autre dévale le talus. Bilan : 18 morts. Le 5 octobre 1991, le train touristique Li Trimbleu dévale la pente et déraille. Sept touristes y trouvent la mort. La reine Fabiola salue leurs dépouilles le lendemain à la chapelle ardente de Dalhem.

LES SINISTRES AÉRIENS Le 15 février 1961, le Boeing 707 de la Sabena effectuant le vol 548 de New York à Bruxelles s’apprête à atterrir sur l’aéroport belge. A son bord se trouve l’équipe américaine de patinage artistique, 18 patineurs et 16 accompagnants, en route pour les championnats du monde à Prague, en Tchécoslovaquie, ainsi que 29 autres passagers et 11 membres d’équipage. L’appareil attend qu’un petit avion dégage la piste, remonte légèrement, puis tombe verticalement dans un champ du hameau de Berg, et s’enflamme. Les 74 personnes à bord décèdent. Un agriculteur au travail est tué par une pièce du Boeing, tandis qu’on autre devra être amputé. Le roi Baudouin et la reine Fabiola se rendent sur les lieux, et visitent les familles des agriculteurs.

Trente-six ans plus tard, la reine Fabiola se rendra sur les lieux d’un autre dramatique accident d’avion. Le samedi 26 juillet 1997 en début de soirée, lors de l’Airshow sur la base aérienne d’Ostende, un pilote jordanien rate sa figure de voltige, et s’écrase sur le tarmac, devant 50 000 spectateurs. Bilan : 10 morts, dont le pilote, et 55 blessés. Le 1er août, la veuve du roi Baudouin accompagne la reine Noor de Jordanie auprès des blessés dans les cliniques de Bruges et d’Ostende. Albert II et la reine Paola avaient interrompu leurs vacances en Italie pour se recueillir devant les dépouilles mortelles dès le lendemain du drame.

LES INCENDIES DÉVASTATEURS Le 22 mai 1967, le feu prend dans les bâtiments vétustes de l’Innovation, rue Neuve à Bruxelles. En quelques minutes, les flammes ravagent les étages, et les pompiers sont impuissants à maîtriser le feu qui fera 325 morts. Un bilan incompréhensible vu avec le recul, mais à l’époque, les normes de sécurité dans les endroits publics étaient quasi inexistantes. Le roi Baudouin s’est rendu sur les décombres dans lesquels les soldats du Génie espéraient encore, mais en vain, retrouver des survivants.

Le roi Albert a constaté de même, en février 2003, le problème de règles de sécurité après l’incendie d’une tour d’appartements sociaux à la Cité des Mésanges, à Mons. Sept locataires y ont perdu la vie. Comme à l’Innovation, des personnes se sont jetées dans le vide pour échapper au feu. Le roi visite également la rue Léopold à Liège où une explosion de gaz a tué 14 personnes le 27 janvier 2010.

LE DRAME DU HEYSEL Un des pires souvenirs du roi Baudouin a dû être ce soir du 29 mai 1985, et la finale de la Coupe d’Europe de football qui opposait Liverpool et la Juventus de Turin, au stade du Heysel qui, ironie, sera rebaptisé en stade Roi Baudouin. Les hooligans s’en prennent aux tifosi. C’est la mêlée à laquelle assistent, incrédules, des centaines de milliers de téléspectateurs. L’organisation belge n’est, manifestement, pas à la hauteur, et la bousculade tragique laisse sur le terrain 39 morts, en majorité italiens. Selon José-Alain Fralon, correspondant à Bruxelles du journal Le Monde et auteur d’une biographie (Baudouin, l’homme qui ne voulait pas être roi, éditions Fayard), le monarque, averti des événements, allume la télé. Et se met à prier… « Prier ne suffisait sans doute pas pour exhorter le pays à une véritable croisade destinée à lutter contre ce mal », écrit le journaliste, qui dénonce, concernant le Heysel ou les tueurs du Brabant, « le manque de moyens, toujours, la médiocrité souvent, la corruption parfois de son administration ». LES ENFANTS DE SIERRE « Pour la reine et pour moi, les visages des enfants disparus, le courage et la dignité de leurs proches resteront longtemps encore gravés dans notre mémoire. » C’est par ces mots qu’Albert II a entamé son discours prononcé à l’occasion de la fête nationale, le 21 juillet 2012, pour rendre hommage aux victimes de l’accident de car de Sierre, dans le Valais suisse. Le 13 mars, l’autocar, qui ramenait des écoliers de classes de neige, s’est écrasé contre un mur de béton dans un tunnel, faisant 28 morts, dont 22 écoliers. Le Roi et la Reine, fait marquant, ont assisté aux funérailles des enfants.

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