Olivier Mouton

Le Roi Michel ? Pas si vite…

Olivier Mouton Journaliste

C’est le roi de Belgique. Le nouveau « numero uno », comme on surnommait à l’époque Guy Verhofstadt. En quelques heures, mardi et mercredi, le Premier ministre, Charles Michel (MR), a remporté un double jackpot.

Pensez donc… Un accord budgétaire fédéral a été trouvé, accompagné de mesures soutenant l’activité socio-économique : cela prouve que la suédoise tourne toujours. Juste avant, son fidèle président Olivier Chastel a conclu un accord de majorité avec le CDH en Wallonie, pour un gouvernement dirigé par son ami très proche, Willy Borsus : exit le PS, après trente ans de pouvoir ininterrompu ! Michel réalise son rêve et peut faire la fête à Tomorrowland, l’âme en paix. On parle plus que jamais d’un Michel 2 après les élections de 2019. N’en jetez plus…

Braves citoyens, ne vous laissez pas endormir, dans la torpeur de l’été. Gardez l’esprit critique. Oui, Michel et les siens imposent leur marque bleue sur le pays. Doués en communication, ils profitent de toutes les opportunités . Mais les lendemains pourraient être douloureux. A plusieurs titres.

Tout d’abord, le gouvernement fédéral confirme un renoncement majeur par rapport à ses promesses de 2014 : le retour à l’équilibre budgétaire en 2018 est définitivement abandonné. Depuis le début, les libéraux (et la N-VA) ont fait le pari que la création d’activités permettrait de redresser la Belgique, de combler le gouffre budgétaire et de sauver la sécurité sociale. Il y a certes des signes encourageants, mais la deuxième partie de l’équation – concernant le budget et la Sécu – n’est pas encore au rendez-vous. Ivan Van de Cloot, économiste de l’Institut Itinera, dénonce même une « procrastination pathologique » dans le chef de l’équipe Michel. Ajoutons que si les mesures annoncées mercredi débloquent une majorité grippée, elles sont loin d’être une révolution majeure : on reste dans une culture du compromis où chaque partenaire engrange de petites avancées.

Oui, mais, direz-vous, l’arrivée au pouvoir du MR en Wallonie va donner un souffle nouveau au sud du pays en y prolongeant l’action du fédéral. C’est bon pour tout le monde, y compris pour la Flandre. C’est vrai. Mais prudence, là encore. Le gouvernement Borsus, trop sobre dans sa composition, promet une série de ruptures. Mais il dispose d’une majorité trop étriquée et il ne lui reste que deux petites années pour faire ses preuves dans un contexte miné : les affaires francophones ont creusé un profond fossé avec le citoyen et la situation budgétaire wallonne, avec la responsabilisation imposée par la sixième réforme de l’Etat, est très préoccupante. Ajoutez à cela le chaos de majorités asymétriques – le PS reste, jusqu’à preuve du contraire, au pouvoir en Région bruxelloise et en Fédération Wallonie-Bruxelles- ainsi que la vague PTB annoncée par les sondages : vous comprendrez que le cadeau fait par le CDH au MR est empoisonné.

Charles Michel jubile, oui. Il brille par son art de la négociation et son opportunisme. Mais au fond de lui, il sait que les pièges restent nombreux d’ici 2019. Si elle échoue, la révolution bleue pourrait se solder par une solide gueule de bois : fracture électorale accrue du pays en 2019, blocages, retour du communautaire, dérapage budgétaire, rage sociale au sud, victoire du PTB, désintérêt citoyen… Avec le recul, on présentera alors le sacre actuel du MR comme une victoire à la Pyrrhus.

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