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Le Roi et la Flandre, un couple tumultueux

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

La Flandre, dans sa majorité silencieuse, n’a strictement rien contre la monarchie. Elle ne veut aucun mal à la famille royale, pourvu qu’elle se tienne à carreau. Mais… il y a un mais. Il s’appelle Philippe, nouveau roi appelé à régner.

A 53 ans, l’homme qui s’échauffait depuis plus de trente ans et qui est désormais Roi des Belges, n’inspire toujours au nord du pays qu’une confiance très limitée. S’il faut en croire le millier de sondés par la chaîne de télévision de VTM, à peine une moitié de Flamands se disent aujourd’hui sereins face à l’intronisation du fils aîné d’Albert II. On peut y voir une suite dans les idées : en mars 2012, un autre sondage pointait le scepticisme croissant des néerlandophones devant la capacité de l’héritier du trône à faire le grand saut, le moment venu : 46 % de convaincus, contre 75 % huit ans plus tôt. Un fragile bénéfice du doute.

Cruel. D’emblée, Yves Desmet, rédacteur en chef du Morgen, suggère au nouveau Roi un premier gros chantier : « Philippe a un long travail à faire pour conquérir le coeur des Flamands. » Le hic, c’est que ce coeur est déjà fort pris. Et que la concurrence s’annonce féroce. La Flandre a déjà un roi. Il règne sur la N-VA et domine pour l’instant le paysage politique au nord du pays. Il défend une toute autre chapelle que la monarchie en passe d’être incarnée par Philippe de Belgique. Bart De Wever le républicain est bien décidé à ne pas se laisser déposséder de sa couronne. Il en a les moyens, l’habileté. Et la légitimité des urnes que n’a pas le roi.

Philippe dans l’oeil du cyclone communautaire. Avant même d’accéder au trône, sa situation paraissait délicate, sinon désespérée, à lire Herman Van Goethem, historien à l’université d’Anvers. Le prince Philippe était alors « le puissant catalyseur d’un anti-royalisme croissant en Flandre fortement lié à une distanciation toujours plus prononcée vis-à-vis de la Belgique, et d’un sentiment monarchique grandissant en Wallonie, couplé à une angoisse croissante face à la séparation du pays », écrivait en 2008 le spécialiste de la monarchie (1).

C’était avant que Philippe ne se reprenne ou ne soit repris en main. L’historien anversois entrevoit aujourd’hui une réelle fenêtre d’opportunité pour le prochain souverain, « s’il est épaulé par le chef de cabinet hors pair que sera Frans Van Daele ».

Tout n’incite pas à désespérer. Ainsi cette main tendue remarquée en direction du Palais, venue de Flandre. De son ministre-président en personne, Kris Peeters (CD&V). Qui souhaite, lui aussi, avoir son audience hebdomadaire avec le prochain roi. Ni plus ni moins que le Premier ministre fédéral.

Etonnant Kris Peeters. Qui se met à ramer à contre-courant de la monarchie protocolaire ardemment souhaitée en Flandre. A moins que ce ne soit pour mieux l’aspirer dans la logique confédérale. Cadeau empoisonné. Le premier du nouveau règne.

Par Pierre Havaux

(1) De monarchie en het einde van België, par Herman Van Goethem, éd. Lannoo

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