Gérald Papy

Le PS et les misères de la gauche socialiste

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le sondage printanier La Libre/RTBF ébranle le pouvoir d’un des derniers partis socialistes de l’ouest de l’Europe qui avait résisté à la crise de la social-démocratie. L’avènement du PTB à la deuxième place du palmarès en Wallonie reproduit un phénomène apparu en Grèce et ébauché en Espagne, deux pays durement frappés, eux, par les politiques d’austérité imposées par l’Europe pour remédier au déficit de la dette publique.

Il a un nom italien, sorpasso (le dépassement d’un adversaire politique direct par le vote). Mais c’est à Madrid qu’il a été le plus usité ces derniers mois quand Podemos a cru pouvoir supplanter – en vain – l’historique Parti socialiste ouvrier espagnol aux élections législatives de juin 2016. En vérité, Athènes avait été le théâtre de sa traduction la plus spectaculaire : la gauche radicale de Syriza y a phagocyté l’usé Pasok socialiste et dirige le gouvernement depuis 2015. Plus récemment, le redoutable échec du Parti travailliste néerlandais PvdA aux élections générales et son débordement par les écologistes de GroenLinks et le Parti socialiste (de gauche radicale aux Pays-Bas) en ont fourni une autre illustration, dans un pays au bilan économique pourtant enviable.

Ce dont témoigne le sorpasso, c’est que la gauche de gouvernement est en crise profonde. Pas étonnant si l’on songe qu’elle n’a pas réussi à développer une alternative crédible au libéralisme financier après la crise de 2008 et que ses expériences de pouvoir depuis – François Hollande en a été le meilleur exemple – n’ont même pas infléchi la pensée dominante libérale au sein de l’Union européenne.

Que la gauche socialiste soit écartelée entre une tendance participationniste, donc encline aux concessions, et une autre plus innovatrice, donc radicale, est loin d’être nouveau. Mais le contexte, lui, l’est. Les chocs de la crise économico-financière et de la mondialisation, l’enracinement de leurs dommages sociaux et l’impuissance des politiques à en atténuer les effets chez les plus défavorisés ont considérablement grossi les rangs des électeurs confondant gauche et droite et tentés par  » autre chose « . Là est le noeud de la tragédie qui frappe le Parti socialiste français, déchiré entre réalistes et frondeurs tout au long du mandat de François Hollande, attiré par les propositions audacieuses et utopistes de Benoît Hamon lors des primaires, débordé aujourd’hui par l’élan radical d’un Jean-Luc Mélenchon et questionné sur sa survie en cas de victoire finale d’Emmanuel Macron.

L’avenir du PS dépendra de sa capacité à répondre au défi de la révolution numérique et à ses bouleversements

Fort de la pérennité de son empathie pour les classes populaires, le PS francophone a longtemps échappé à cette menace de délitement. Ce temps béni a vécu. La participation à un gouvernement fédéral (Di Rupo Ier) contraint de prôner l’austérité, la vraie-fausse cure d’opposition (oblitérée par l’exercice des responsabilités à Bruxelles et en Wallonie) et l’impact dévastateur de l’affaire Publifin (qui, après les dossiers Agusta et carolos, a paru consacrer la victoire sans fin des parvenus) auront peut-être raison de son hégémonie dans une Belgique francophone pourtant de plus en plus ancrée à gauche.

L’avenir du PS dépendra de sa capacité à répondre au défi de la révolution numérique et à ses bouleversements sur nos vies quotidiennes.  » L’individualisation de la société a pénétré la politique. Les électeurs votent pour des personnalités plus que pour des partis devenus repoussoirs « , diagnostique Julien Vaulpré, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, dans Les Echos, à propos de la nouvelle scène politique française. Saura-t-on entendre ce conseil au Boulevard de l’Empereur ?

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