Thierry Fiorilli

Le PS et le cauchemar de l’après-pouvoir

Thierry Fiorilli Journaliste

« L’adhésion à ce gouvernement est supérieure au poids électoral actuel du MR. Pas mal pour un kamikaze… » L’édito de Thierry Fiorilli.

« Etre ancien ministre, c’est monter à l’arrière d’une voiture et s’apercevoir qu’elle ne démarre pas. » François Goulard, ex-ministre français délégué à la Recherche, dans le gouvernement Villepin, de 2005 à 2007, a choisi l’humour amer pour définir la vie après le pouvoir. Et encore, il a eu de la chance, à l’en croire: il y avait une voiture dans laquelle monter. En Belgique, au niveau fédéral, ce n’est pas le cas pour le PS. Après avoir (co)piloté le pays pendant plus de vingt-cinq ans, sans interruption, il est depuis quatre mois condamné à la bande d’arrêt d’urgence. Sans véhicule. A regarder passer en trombe le MR, la N-VA, le CD&V et l’Open VLD. Aucun d’entre eux n’entendant s’arrêter pour l’embarquer.

Pour l’instant, en tout cas. Mais quelle durée au juste, cet « instant »? C’est la question qui taraude les socialistes francophones. Convaincu jusqu’à la fin juillet de l’année dernière qu’il siègerait comme d’habitude dans l’attelage fédéral, quelle que soit sa forme, et à une place évidemment de choix qui plus est, le parti ne s’est toujours pas remis d’en avoir été écarté en deux temps trois mouvements. D’abord incrédule, ensuite offensé, puis furibond, le voilà comme assommé. Même plus au centre du ring, mais dans un coin, voire même carrément en dehors, affalé aux pieds des spectateurs-citoyens. C’est que, depuis la décision de Charles Michel « d’y aller tout seul » avec ses trois partenaires flamands, de droite et de centre-droit, un mauvais karma semble s’être abattu sur le PS: coups de sang, propos déplacés, communication douteuse, tentatives guère reluisantes de se dédouaner de toutes les décisions douloureuses auxquelles il s’était rallié sans rechigner lorsqu’il dirigeait les opérations. Tout ça, dans un contexte qui lui est clairement défavorable avec le déplacement du socio-économique vers le sécuritaire et la résurgence spectaculaire de discours et de convictions prônant une droitisation accrue de toute la société. Au bout du compte, c’est peu dire que voilà un parti en difficulté. Personne ne peut garantir qu’il entame sa seconde longue traversée du désert (la première remontant aux sept années de disette entre 1981 et 1988), d’autant que les ouailles d’Elio Di Rupo président toujours aux destinées des Régions wallonne et bruxelloise. Mais il est évident que l’axe de gravité de la politique francophone, que Didier Reynders voulait tant voir se déplacer depuis si longtemps, est bel et bien en pleine fluctuation. Et dans une direction qui n’annonce rien de bon pour le Parti socialiste.

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Logiquement donc, c’est encore le MR qui semble réaliser la bonne affaire. L’entourage de Charles Michel l’admet d’ailleurs sans ambages, dans Le Vif/L’Express: « Notre inquiétude initiale, c’était que le MR soit fragilisé en tant que seul parti francophone de la coalition. Or, les incidents impliquant les partis flamands montrent que nous ne sommes pas un problème, mais la solution. La synthèse des quatre partis, c’est notre programme à 80%. Nous ne devons pas avaler de couleuvres comme Elio Di Rupo sous la législature précédente, avec la réforme des allocations de chômage. L’adhésion à ce gouvernement est supérieure au poids électoral actuel du MR. » Pas mal pour un kamikaze…

Le prochain véritable verdict (les élections fédérales et régionales) ne tombera, en principe, que dans quatre ans. Soit une éternité. Donc, la coalition actuelle n’est à l’abri de rien. Mais elle n’a pas grand-chose, pour l’instant, à redouter de son principal opposant. Dont une large partie des troupes découvre combien peut devenir cauchemardesque la vie après le pouvoir.

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