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Le PS commencerait à souffrir de la crise

Les francophones ont cru que le temps perdu à négocier en rond aurait raison de la N-VA et de son intransigeance. Mauvaise surprise : c’est le PS qui commencerait à souffrir de la longueur de la crise. Impasse politique, rififis en interne et vent de contestation sociale se conjuguent.

Rien de définitif ni encore de franchement alarmant. Mais tout de même les premiers signes d’un essoufflement. Suffisamment tangibles pour ne pas être pris à la légère. Le temps du doute s’installe au PS : les socialistes, grands vainqueurs francophones du scrutin de juin 2010, perdent de leur assurance en même temps que quelques plumes, s’il faut en croire les sondages. A prendre avec les précautions d’usage. Mais le dernier en date, le baromètre de La Libre Belgique et de RTL-TVI, a crédité le PS d’un recul significatif par rapport à son succès électoral en Wallonie et à Bruxelles.

Un vent contraire se mettrait à souffler du côté du Boulevard de l’Empereur, le siège du parti : peu de bonnes nouvelles à se mettre sous la dent, à communiquer aux militants et/ou aux électeurs. Il y a la toile de fond : cette impasse politique, interminable. Tous les autres partis l’ont assez dit et répété : il appartient aux deux gagnants incontestés des élections de lui trouver une issue. Depuis près de dix mois, pleins feux sur la N-VA dans le nord du pays, le PS au Sud. Pour un bilan nul.

Il est donc logique qu’un échec persistant soit imputable, au premier chef, aux principaux acteurs de cette mauvaise pièce. Encore que là, la N-VA déjoue toutes les théories. Et vogue donc la galère : le PS tient pourtant son rang dans un gouvernement en affaires courantes. Le régime ne lui est pas a priori défavorable : « Il a plutôt permis d’épargner la population », relève Jean Faniel, politologue au Crisp. « Ce n’est pas tellement l’absence d’un nouveau gouvernement qui pèse pour le PS. Mais plutôt le fait qu’on lui tienne rigueur de ne pouvoir améliorer le quotidien socio-économique. »

L’accord interprofessionnel (AIP), avalisé par Leterme II, ne fait pas que du bien aux couleurs socialistes. Tensions sociales, fortes divergences de vues avec la FGTB qui a recalé l’AIP : le PS, rempart contre la crise économique et la rigueur budgétaire qui se profile, en prend pour son grade. Mauvais pour l’image du parti. Autant que peuvent l’être ces foyers de tensions qui ont replacé certains camarades sous un jour peu flatteur : rififi autour du maïorat d’Ans qui échappe à « Papa » Daerden, bisbrouilles à Mons autour de la désignation avortée de l’ex-ministre Didier Donfut à la tête de l’immobilière sociale Toit et Moi, raffut à Andenne autour de la conduite de son bourgmestre Claude Eerdekens ; sans parler des déchirements de la majorité communale à Charleroi qui n’ont pas grandi le PS local de Paul Magnette. Pris isolément, des incidents limités. C’est leur accumulation qui devient fâcheuse. Si elle devait arriver aux oreilles de l’électeur subitement convoqué aux urnes…

« Tout peut être instrumentalisé dans une campagne électorale », rappelle Jean Faniel. Seule consolation : le coup de mou du PS épargnerait le chef, Di Rupo. Qui resterait le chouchou des Wallons et des Bruxellois.

Dans le nord du pays, Bart De Wever ne connaît pas son bonheur. La N-VA gère le blocage comme un chef. A croire que ses militants et ses électeurs en redemandent, tant les nationalistes flamands cartonnent toujours plus dans les sondages. La performance exaspère, désespère les francophones. Du temps qui passe en pure perte, ils avaient cru faire un allié pour user la N-VA. Pronostics déjoués : le niveau fédéral touche le fond, et la N-VA qui monte, qui monte. « Un paradoxe flamand », se désole le ministre PS Paul Magnette. Dave Sinardet, politologue à l’université d’Anvers, le décode : « Pour la N-VA, une absence de résultats peut aussi être considérée comme un résultat. Ne pas avoir d’accord plutôt qu’un mauvais accord reste un discours convaincant. » C’est là un fameux os sur lequel sont tombés les francophones.

PIERRE HAVAUX

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