Christine Laurent

Le (presque) fabuleux destin de « Mic-Mod »

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

C’est l’histoire d’un homme riche et célèbre, qui, avocat à la brillante carrière, a palpé dans le milieu des affaires, avant de se lancer en politique. Grave erreur?

Par Christine LAURENT

Alors victime ou coupable, Mischaël Modrikamen? De quel côté du fil ténu qui sépare innocence et règlement de comptes son dossier va-t-il basculer? A-t-il flirté avec les marges? De fait, son inculpation pour faux, usage de faux et complicité de blanchiment, dans le cadre de la faillite de la société Donaldson, fait tache. Touché, le « Robin des bois » des petits actionnaires de Fortis?

Ebranlé, oui, ébranlé. Même si, bien entendu, « Mic-Mod » (comme on le surnomme dans les couloirs du palais de justice de Bruxelles), est présumé innocent, pour le Parti populaire, qu’il a porté sur les fonts baptismaux avec Rudy Aernoudt en octobre dernier, ça commence mal, très mal.

La croisade de la « droite décomplexée » va-t-elle s’arrêter tout net? Possible. Rudy Aernoudt, d’ailleurs, ne s’y trompait pas, lui qui grimpait aux barricades dès l’annonce de l’inculpation, fustigeant, avec des accents étrangement berlusconiens, la justice et le non-respect de la séparation des pouvoirs (sic).

Le (presque) fabuleux destin de Mischaël Modrikamen. Quelques meetings et puis s’en va? Un tout nouveau parti politique, c’est fragile, ça s’effrite, ça s’effondre comme un rien. Mais l’homme n’est pas du genre à baisser les bras, bien qu’il soit emberlificoté dans une instruction judiciaire où il est question de l’origine mystérieuse de 8,7 millions d’euros qui ont transité par le compte-tiers de son cabinet. « Je maintiens avec force que je n’ai commis aucun acte délictueux de quelque nature que ce soit dans le dossier Donaldson ou autres », a-t-il affirmé.

Dont acte. Mais qu’est-ce que ce spécialiste en contentieux complexes est allé faire dans cette galère? Pourquoi s’aventurer dans le business, s’improviser homme d’affaires? Et puis les fringues, c’est drôlement compliqué. Un moment d’égarement? Pas sûr, car il en a mis de l’énergie, entre 2000 et 2008, pour « sauver Donaldson », se frottant ainsi avec un mélange des genres périlleux.

Résultat: on murmure que plusieurs clients de son cabinet affichent, aujourd’hui, une certaine perplexité, quand ils ne désertent pas discrètement. Diable! Un avocat susceptible d’être perquisitionné, aux abris! Et si le juge emportait par mégarde des dossiers sensibles susceptibles de lui mettre la puce à l’oreille dans le cadre d’autres enquêtes? Dans le business, pour vivre heureux, ne faut-il pas vivre caché?

Et puis il y a la politique dans laquelle « Mic-Mod » est entré un peu par effraction. Le puncheur élégant, intelligent, castagneur, contre l’avis de ses proches, parmi lesquels de nombreux professionnels, s’est risqué dans l’arène, là où l’on ne connaît que la foire d’empoigne, la haine attentive, les coups bas. Dur pour un novice, surtout s’il traîne derrière lui, depuis 2008, soit bien avant son entrée en politique, un dossier litigieux, pas net, et qui, à tort ou à raison, ne peut que lui exploser à la figure un jour ou l’autre. Même si, à ce jour, les adversaires politiques du « preux au combat » se tiennent cois. Pas l’ombre d’un persiflage du côté du MR, pourtant bien écorné sur sa droite par le PP, selon les derniers sondages. Même silence radio ailleurs.

C’est l’histoire d’un homme riche et célèbre… D’un brillant avocat. Mais à l’étroit dans son pré carré. Il y a ceux qui, à force de scruter la vie, oublient de la vivre. Et ceux qui la prennent à bras-le-corps, à la recherche sans cesse de nouvelles sensations. Comme Modrikamen? De fait, « Mic-Mod » ne doute de rien et surtout pas de lui. Oui, mais où planter sa nouvelle vie? Le business, la politique, ça ne s’improvise pas. Ils doivent couler dans l’ADN. Et puis, il y a les couleuvres à avaler pour tenir, résister. Donner coup pour coup.

De plus, par les temps qui courent, pour dénoncer, pointer les autres, balayer le passé, il faut être absolument ir-ré-pro-cha-ble, à l’abri du moindre soupçon. Alors oui, sa quête aventureuse pourrait peut-être s’arrêter là.

Mais, au fait, qu’est-ce qui fait courir, in fine, Mischaël Modrikamen?

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