La N-VA à Plopsaland © Belga

Le « plan sécurité » de la N-VA ne suscite pas l’enthousiasme

La N-VA a profité ce week-end d’un événement familial auquel ont participé quelque 13.000 curieux à Plopsaland à La Panne pour faire connaître son plan de sécurité visant à permettre l’instauration en Belgique de l’état d’urgence. Ce plan, baptisé « Niveau V », a été approuvé par le conseil de parti mais a suscité de nombreuses critiques auprès des collègues politiques.

Le plan prévoit l’organisation d’un cadre juridique pour l’état d’urgence qui serait décrété par le conseil national de sécurité en cas de niveau 4 de la menace. En cas d’état d’urgence, la détention préventive serait rendue possible moyennant un contrôle a posteriori du magistrat. Le plan sécurité de la N-VA prévoit également la création de tribunaux spécialisés en matière de terrorisme et un renforcement des prérogatives des autorités et des polices locales. Le président de la N-VA Bart De Wever assure que le plan s’inscrit dans le cadre de la Convention européenne des droits de l’Homme et de la Cour européenne des droits de l’Homme. Il ne va pas au-delà, souligne-t-il, de ce que prévoient les pays voisins. La note fait écho à la volonté du parti nationaliste de viser « un équilibre entre la nécessité de garantir la sécurité publique, et les droits et libertés dont jouissent l’ensemble des citoyens ».

« Nous espérons ne jamais devoir l’appliquer », a indiqué Bart De Wever, soulignant que la Belgique fait aujourd’hui figure d’exception alors que les Pays-Bas, la Grande-Bretagne et la France disposent d’un tel cadre. Lorsque l’ordre public et la sécurité publique seraient sérieusement menacées, le conseil national de sécurité décréterait l’état d’urgence en cas de menace de niveau 4. Une telle décision serait confirmée dans les cinq jours par le parlement. Elle serait valable pour trois mois. Durant l’état d’urgence, les autorités locales seraient compétentes pour interdire toute réunion, signifier des assignations à résidence et interdire toute action de propagande. La détention préventive serait possible en cas de menace sérieuse de la sécurité publique, moyennant un contrôle a posteriori d’un juge.

Selon la N-VA, la mise en place d’un cadre légal pour l’état d’urgence peut se faire via une simple loi. Le parti ne retient pas l’idée de pouvoir décréter en l’espèce l’état de guerre, possibilité permise par un arrêté-loi du 11 octobre 1916, les terroristes devant alors être considérés comme prisonniers de guerre et relâchés en cas de cessation des hostilités, une hypothèse jugée inacceptable par les nationalistes. La N-VA veut également que soient créés cinq tribunaux sécurisés spécialisés en terrorisme. Un juge spécial terrorisme serait également désigné auprès de la chambre du conseil et de la chambre des mises en accusation. Actuellement, le procureur fédéral est dépendant des tribunaux locaux ou des Cours d’appel du ressort où a eu lieu l’infraction, regrette la N-VA. La N-VA attend également beaucoup des nouvelles loi en cours d’examen renforçant les possibilités des services de renseignement.

Elle souhaite notamment qu’il soit fait appel à des civils infiltrant dans des affaires de terrorisme ou de grande criminalité comme le trafic d’armes. Ils devraient pouvoir collaborer à la préparation de trafics criminels. Via le renforcement des autorités locales administratives et de police, un bourgmestre pourrait directement demander certains actes d’enquête au Parquet, le personnel de secours serait contraint de dénoncer des actes de terrorisme et la police locale pourrait patrouiller dans le web opaque, et filmer et effectuer des filatures. La N-VA appelle également à une réglementation légale encadrant le secret professionnel que partagent la police, les services de secours et les services locaux et invitent à la création d’une disposition d’obligation de témoigner. Les nationalistes invitent par ailleurs à diverses modifications visant à mieux armer la police locale dans un suivi plus strict des phénomènes de radicalisation, de l’extrémisme et du terrorisme. Il est question d’imposer un suivi obligatoire aux radicalisés, de les filer via un dispositif de traçage GPS et d’autoriser la police locale à user de caméras et de matériel d’écoute pour leur suivi dans des lieux de rassemblement non publics, tels que des asbl ou des box de garages reconvertis.

Enfin, la N-VA propose toute une série d’adaptations de l’arsenal judiciaire telles que l’incrimination de l’encouragement ou l’apologie du terrorisme (le MR est également demandeur, Ndlr), la suppression de la libération conditionnelle pour les crimes terroristes, l’extension de la mise à disposition pour les actes de participation et l’encouragement à des attentats terroriste, ainsi que l’extension de la confiscation des biens mobiliers et immobiliers propriétés d’autrui servant de couverture ou véhicules de membres de la famille.

Seul le Belang applaudit franchement

Si le parti d’extrême-droite Vlaams Belang approuve les mesures du plan sécuritaire de la N-VA, validé samedi à l’unanimité par le conseil du parti nationaliste, il s’interroge cependant sur le timing choisi pour sa présentation. Filip Dewinter a estimé dimanche dans De Zevende Dag que le plan « niveau V » arrivait « bien trop tard ». Les Verts de Groen sont eux radicalement contre la mise en place d’un cadre légal à l’état d’urgence. « Le cadre actuel suffit, il faut maintenant investir suffisamment dans les services », selon le député Stefaan Van Hecke.

Pour lui, l’état d’urgence n’a aucun intérêt. « La sécurité va-t-elle augmenter quand nous proclamerons l’état d’urgence ? » En France, des milliers d’arrestations ont eu lieu, mais ce n’était au final pas plus efficace, selon le député écologiste qui plaide pour que l’argent soit prioritairement investi dans les services. « On y a fait trop d’économies. Le cadre légal actuel est suffisant, il faut plutôt investir dans les services et les gens. »

Pour l’Open VLD, le droit à la liberté supplante le reste. « S’il s’agit de protéger les libertés fondamentales, nous sommes nous aussi intransigeants dans la lutte contre le terrorisme », a affirmé dimanche la députée Carina Van Cauter, ajoutant tout de même que le parti ne voulait « pas tomber dans les dérives d’un Etat turc ». Samedi, la présidente des libéraux flamands Gwendolyn Rutten a déjà précisé que « les frontières de notre Etat de droit sont claires » et qu’il fallait s’y tenir.

Du côté du MR, le Premier ministre Charles Michel a rappelé dimanche que le « gouvernement a déjà décidé de l’état d’urgence, d’un plan d’urgence en trente mesures qui porte ses fruits ». Il s’est cependant dit ouvert à ce que son équipe puisse se pencher sur « toute proposition supplémentaire argumentée qui lui serait soumise par les ministres de la Justice et de l’Intérieur, en faveur de plus de sécurité et moyennant le respect de l’Etat de droit ». Il convient d’agir « avec une volonté sans faille, avec le souci d’adapter notre législation où cela est nécessaire, mais en préservant sans cesse l’Etat de droit et nos libertés », a souligné le président Olivier Chastel. « Nous allons poursuivre dans cette direction, refusant les amalgames dangereux », a-t-il précisé.

Pour le PS, les mesures avancées par les nationalistes flamands sont « dangereuses pour l’Etat de droit et les libertés ». Le PS estime que la N-VA agite ces idées « pour masquer son incapacité à changer les choses ». Les socialistes estiment que les arrestations policières préventives (qui feront l’objet d’un contrôle judiciaire a posteriori) sont contraires aux libertés fondamentales. Le parti rappelle en outre que la création de tribunaux anti-terrorisme « ne répond à aucun besoin de terrain ». « Rien qu’à Bruxelles, il y a en permanence cinq à six juges d’instruction qui ne traitent que du terrorisme. Deux chambres du tribunal correctionnel ne font que ça (…) Quel est dès lors l’intérêt de créer un tribunal spécifique ? »

Sans remettre en question le bien-fondé du plan sécuritaire proposé par la N-VA, qui prévoit notamment l’instauration d’un état d’urgence qui permettrait des arrestations policières préventives et la mise en place de chambres à part traitant des affaires de terrorisme au sein des tribunaux, Filip Dewinter (VB) s’interroge sur un timing « peut-être motivé par des raisons électorales ou les résultats des sondages d’opinion ».

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