Thierry Fiorilli

Le pays aux quatre rois

Thierry Fiorilli Journaliste

La Belgique en cet été 2013 caniculaire ? Trois Régions, trois Communautés et quatre rois. On a déjà fait plus simple. Mais rarement plus passionnant.

Avec la sixième réforme de l’Etat à peine bouclée, Régions et Communautés héritent de compétences supplémentaires, qui équivalent à les rendre toujours plus maîtresses de leur sort. Avec la passation de sceptre entre Albert II et Philippe, le pays se retrouve dans une situation unique au monde et dans l’Histoire : son peuple est souverain, mais avec quatre monarques à révérer. Quatre rois. Comme au poker. Sauf qu’ici, les rois ne sont pas dans le jeu, mais autour de la table.

Il y a le roi de coeur. Albert donc. Qui ne règne plus mais reste roi. Albert qui ne devait assurer qu’une transition rapide et quasiment anecdotique mais qui, dans les faits, a assisté durant vingt ans aux transformations les plus profondes de la Belgique, à son corps défendant la plupart du temps mais en appuyant toujours les neuf gouvernements et les sept Premiers ministres qu’il a vu défiler dans l’exercice de ses fonctions. Albert, qui a laissé son trône en n’ayant de mots, élogieux, pour le dernier d’entre eux uniquement : Elio Di Rupo. L’homme qui a tout réussi, de la formation d’un exécutif à une dernière (en date) réforme de l’Etat, assurant chaque fois « le bien-être de tous ».

Il y a le roi de trèfle. Philippe. Qui arrive enfin là où sa simple naissance le destinait, qu’il le veuille ou non. Philippe, dont tout le gratin politique francophone disait, mezzo-voce mais depuis des décennies, espérer l’accession au trône la plus tardive possible. Philippe, qui, pour ce même gratin est devenu comme un étendard qu’on agite pour rallier le bon peuple et éloigner les esprits maléfiques.

Il y a le roi de carreau. Elio di Rupo. Qui exhibe son bilan gouvernemental comme on arbore des médailles sur un uniforme : budgets bouclés, réformes signées, fêtes populaires, drapeaux belges réhabilités. Une qualification des Diables rouges, cet automne, pour la Coupe du monde, au printemps prochain, et les élections de mai 2014 s’annoncent moins difficiles qu’il y a trois mois à peine. Peut-être même qu’elles permettront un Di Rupo II.

Et il y a le roi de pique. Bart De Wever. Qui a toujours la Flandre a ses pieds. Qui s’est bien gardé d’intervenir, de se montrer même, en ces jours de liesse belgicaine. Qui a passé un tour. Mais qui a toujours les meilleurs atouts dans son jeu. Et les plus grosses mises.

Bien au-delà des vivats de la foule qui se pressait à Bruxelles, le jour de la fête nationale, en l’an de grâce 2013, c’est une partie de poker menteur d’enfer qui se livre actuellement en Belgique. A trois contre un. Avec pour enjeu, l’avenir de ce qui reste du système fédéral. Ce que sera le quotidien des citoyens demain, donc. Economiquement et socialement.

Pour l’instant, avantage à Di Rupo. Mais il a peut-être abattu ses atouts un peu tôt. Dix mois avant des élections, c’est beaucoup. Et les prochains coups de De Wever devraient être rudes. On verra donc, au soir du 25 mai de l’année prochaine, quels petits drapeaux seront agités frénétiquement. Les noir-jaune-rouge, à Bruxelles, Liège, Namur et Mons ? Ou les jaunes avec lion noir, à Anvers, Gand, Bruges et Hasselt ? On verra donc qui empoche les gains, d’Elio ou de Bart. Et qui paiera la note.

Parce que, quatre rois, c’est un luxe. Ça a donc un prix.~

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