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Le patron du SELOR illégalement prolongé

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

Le soupçon plane. Marc Van Hemelrijck est reconduit à la tête du bureau de sélection de l’administration fédérale. Mais son supérieur hiérarchique , le francophone Jacky Leroy, a été maintenu sur la touche. Possible faux pas juridique. Il profite à la flamandisation de la Fonction publique.

Marc Van Hemelrijck est un haut fonctionnaire heureux. Et chanceux. Il réussit la passe de trois à la tête de SELOR. Merci qui ? Merci Hendrik Bogaert. Le secrétaire d’Etat CD&V à la Fonction publique endosse politiquement la confirmation de ce néerlandophone étiqueté SP.A à la tête du Bureau de Sélection de l’Administration fédérale qu’il dirige depuis 2002.

La nouvelle est officielle, elle a été coulée dans un arrêté royal daté du 2 avril dernier, est parue au Moniteur belge de ce vendredi 25 avril. Rien à redire ? Pas sûr. Une faute de procédure entacherait la légalité de l’opération.

Marc Van Hemelrijck, stipule l’arrêté, « est désigné à la fonction de management – 1, Administrateur délégué de SELOR. » Dans l’organigramme de la Fonction publique fédérale, cela signifie que le patron de SELOR a un supérieur hiérarchique, le président du Service Public Fédéral P&O (Personnel et Organisation). Et que c’est ce supérieur qui doit avoir le dernier mot en matière de désignation.

De source sûre, il apparaît que cela n’a pas été le cas. Le francophone Jacky Leroy, étiqueté PS, big boss du SPF P&O, n’a rien vu venir. Hendrik Bogaert a choisi de ne pas le mettre au parfum. II est vrai que le secrétaire d’Etat CD&V savait à quoi s’en tenir….

Marc Van Hemelrijck, candidat au renouvellement de son mandat, n’avait été gratifié par Jacky Leroy que de la mention « satisfaisant » lors de son évaluation finale, fin de l’an dernier. L’évalué avait peu apprécié cette note peu flatteuse: fin janvier, il introduisait un recours. Et rempilait alors à la tête de SELOR pour six mois maximum, jusqu’à « l’entrée en service de son successeur », selon la formule légalement consacrée.

C’est chose faite : le successeur de Van Hemelrijck, c’est… lui. Et c’est par la grâce d’Hendrik Bogaert, qui s’appuie sur le feu vert d’un comité de recours chargé de vider la contestation. Le dossier s’y est bouclé entre les seuls patrons flamands de l’administration fédérale, comme le veut la loi en pareil cas de figure. Ceux-là n’ont pas jugé utile d’entendre la version de Jacky Leroy. Ils ont préféré désavouer son appréciation en décernant à Van Hemelrijck la mention… « très bon. »

Affaire conclue. Marc Van Hemelrijck peut rempiler. Avec la bénédiction du ministre Bogaert. Impossible, assure son cabinet, d’agir autrement. Même si c’est sans l’aval, ne fût-ce que formel, du président Jacky Leroy : il a été maintenu sur la touche jusque dans la notification officielle de la prolongation de mandat.

La volonté de contourner un obstacle nommé Leroy conduirait à un faux pas. Il ouvre la voie à des contestations devant le Conseil d’Etat.

A un gros jet de pierre des élections, le coup est hardi. En prolongeant l’ère Van Hemelrijck à la tête de SELOR, c’est un néerlandophone qui garde les commandes du passage obligé, donc stratégique, pour accéder aux plus hautes fonctions de l’administration fédérale.

La flamandisation du sommet de la Fonction publique fédérale s’en porte encore mieux : on y recense huit patrons néerlandophones pour six francophones.

Car Marc Van Hemelrijck n’en reste pas là : l’administrateur délégué de SELOR fraîchement confirmé, remplace aussi à la tête du SPF P&O…. Jacky Leroy, admis à la retraite ce 1er mai. Une succession toute provisoire, en attendant la désignation d’un lauréat parmi les trois candidats qui ont franchi avec succès le cap du Selor. Il s’agit de deux néerlandophones et d’une francophone, dont les noms sont connus depuis début mars : Tom Auwers, directeur général au SPF sécurité sociale ; Kurt Van Raemdonck, manager au SPF Finances ; et Laura Szabo, directrice au SPF Intérieur.

Parité linguistique oblige mais bafouée pour l’heure, la présidence du SPF P&O doit revenir à la francophone. Mais la procédure n’en finit pas de suivre son cours. Ce qui permet un interim… flamand à la tête du SPF chargé de la politique du personnel au sein de la Fonction publique fédérale.
Cerise sur le gâteau. Période d’affaires courantes oblige, le Parlement affiche portes closes. Ce qui ruine les possibilités pour les députés de réclamer au Secrétaire d’Etat des explications sur cet acte. Juridiquement discutable.

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