© Didier Lebrun/Photo News

Le mystère van Yp’ : enquête sur l’éminence grise d’Albert II

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Jacques van Ypersele est chef de cabinet du roi depuis trente ans. Un record. Mais qui est cet homme discret et influent ? Cette semaine, Le Vif/L’Express dévoile l’homme derrière le mythe.

La scène se déroule à Laeken.

La reine : « Combien de temps qu’il tient la chandelle ? Trente ans, quarante ans ? Si ça trouve, il était déjà là en 1830 !

Le roi : Une belle longévité au service de la dynastie, c’est honorable.

La reine : Je suis sûre qu’il dort dans un cercueil.

Le roi : Tu ne l’aimes pas, tu ne l’as jamais apprécié à son juste talent.

La reine : On ne fait pas écrire ses discours par des gens coupés de la réalité.

Le roi : Tu es jalouse, voilà ! »

Non, Le Vif/L’Express n’a pas caché des micros au Palais ! Ce dialogue est extrait de Feu la Belgique de Monsieur, un divertissement impertinent signé Jean-Marie Piemme et joué jusqu’au 30 mars au Théâtre (royal !) du Parc, à Bruxelles. Le personnage dont parlent le roi et la reine, qui « tient la chandelle depuis trente ans » et serait « coupé de la réalité », c’est bien sûr Jacques van Ypersele de Strihou, le chef de cabinet du roi. Le texte de Piemme reflète avec humour les légendes qui courent depuis des lustres sur le premier collaborateur d’Albert II.

Cela fait tout juste trente ans que van Ypersele assume cette fonction. Homme de confiance du roi Baudouin pendant une décennie, il poursuit la tâche depuis vingt ans auprès de son frère. Un record. Tous ceux qui pensaient que le bras droit du sixième roi des Belges prendrait sa retraite lors de son 65è anniversaire, fin 2001, se sont trompés. Le 5 décembre dernier, « van Yp' », comme beaucoup le surnomment – y compris au Palais -, est entré dans sa 77e année. Seul le souverain a l’autorité de démettre son chef de cabinet, mais rien n’indique que la question soit d’actualité.
« Albert II tient beaucoup à être entouré d’habitués en qui il a toute confiance, confie l’un des conseillers du roi. Je ne le vois pas se séparer, en cours de route, de son principal collaborateur ni changer d’équipage. Même s’il paraît fatigué, même si la reine Paola a récemment confié à un admirateur que  » le roi devient vieux », aucune transition ne se prépare. Il faudra attendre le prochain règne pour voir une nouvelle génération de conseillers débarquer au Palais. » Le roi a choisi lui-même son cabinet. Il n’en sera sans doute plus de même quand son fils Philippe montera sur le trône. La composition de l’entourage du souverain pourrait alors dépendre du politique.

D’ici-là, van Ypersele reste à la barre. Mais trente ans au même poste, c’est long. Trop long ? Des voix, dans le monde politique, ont estimé que cela va à l’encontre du principe démocratique de l’alternance. De même, face à ce catholique pratiquant, proche du CD&V et du CDH, des ténors socialistes et libéraux ont laissé entendre naguère qu’il convenait de changer les équilibres philosophiques au Palais. Peine perdue : ils n’ont pas obtenu le tête du grand vizir.

Temps orageux à la Cour

Car van Ypersele apparaît, aujourd’hui encore, comme un précieux conseiller du souverain. Réputé travailleur et consciencieux, il fréquente de longue date ceux qui comptent dans le monde politique, économique et financier et aurait, plus d’une fois, tiré la famille royale de l’embarras. Toutefois, depuis plusieurs mois, le temps est à l’orage à la Cour. La famille royale multiplie les maladresses, peine à faire face aux révélations médiatiques, réagit avec retard ou en ordre dispersé.

Les couacs à répétition sont-ils les signes d’une ambiance de fin de règne ? Ils mettent à tout le moins en évidence les tensions entre « clans » au sein de la monarchie. Des voix déplorent le non renouvellement de l’entourage d’Albert II, qui serait dépassé par les événements et peu soucieux de repenser son mode de fonctionnement. « La plupart des proches du roi sont âgés, admet un membre du cabinet royal. Cela ne donne certes pas une image de grand dynamisme. »

Même si, selon Bruno Nève de Mévergnies, porte-parole du Palais, « une abdication n’est pas à l’ordre du jour », le roi semble décidé à lever le pied. Raison de plus pour s’interroger sur le rôle et l’influence de son fidèle chef de cabinet. A bientôt 77 ans, van Yp’ estime-t-il que sa charge devient lourde ? « Je ne l’ai jamais entendu se plaindre, confie son ami Jan Grauls, ex-ambassadeur de Belgique à New York. Grand travailleur et homme de devoir, il est fidèle au poste. »

Olivier Rogeau et Ettore Rizza

Le dossier complet dans Le Vif/L’Express du 8 mars 2013.

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