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Le monde à l’envers de Paul Magnette

François Brabant
François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

Paul Magnette publie Le monde à l’envers, un recueil de ses chroniques parues dans le quotidien flamand De Standaard. Il ausculte les clivages qui tiraillent la Belgique, nord-sud et gauche-droite. Le socialisme selon lui ? Du sérieux, des rêves et de la vertu. Décodage.

Paul Magnette publie chez Luc Pire Le monde à l’envers, un recueil de ses chroniques parues dans le quotidien flamand De Standaard. Au moment où le PS vient d’entamer un ravalement de façade idéologique, avec en point de mire les élections de 2014, on y lit, entre les lignes, que son président se situe à la confluence de plusieurs gauches.

– La gauche gestionnaire. Magnette cultive avant tout le pragmatisme. A ses yeux, la gauche n’a de sens que quand elle obtient des avancées concrètes, tangibles, c’est-à-dire quand elle est au pouvoir. Pour expliquer la puissance du PS, ses succès électoraux à répétition, Paul Magnette insiste sur la force de son implantation locale. « Plusieurs dizaines de milliers de passionnés de socialisme municipal, présents partout où plus de dix citoyens sont rassemblés », s’émerveille-t-il. Et là, on comprend le cataclysme que représente pour son parti le décret wallon sur le décumul : interdire aux bourgmestres et échevins d’être aussi députés, c’est empêcher les socialistes de valoriser au niveau régional ce qui constitue, selon leurs dires, l’un de leurs atouts majeurs.

– La gauche romantique. Les chroniques sont truffées de citations de Jean Jaurès, figure tutélaire du mouvement ouvrier en France, assassiné en 1914. « Le socialisme c’est du pain mais c’est aussi des rêves », disait Jaurès. Magnette veut lui aussi faire vibrer les coeurs. A chaque page, il tente de convaincre ses lecteurs que le socialisme comporte la promesse d’un monde meilleur. Il a intégré l’équation gagnante du dirupisme : gouverner avec pragmatisme, tout en continuant d’agiter – avec un certain culot – l’imaginaire de gauche, de Bella Ciao à L’Internationale.

– La gauche ULBiste. Avant d’entrer en politique, Magnette a été professeur à l’Université libre de Bruxelles, où l’école marxiste reste très présente, et la tradition de libre-pensée vivace. A l’instar de nombreux politiques issus du moule ULBiste, comme le libéral Hervé Hasquin, qui a été son prof, Magnette, l’anti-jésuite, ne tourne pas autour du pot. Il aime cogner. Sous sa plume, les mots « droite », « libéraux » et « conservateurs » deviennent des synonymes, et on sent bien qu’ils veulent aussi dire « affameurs ». Pédagogue, d’une clarté sans faille, le professeur n’a pas peur de simplifier pour se faire comprendre. « Quiconque a jamais croisé de près ou de loin l’un ou l’autre représentant de ce cercle fermé des gens très riches sait que la compassion n’a pas cours dans ces milieux », écrit-il, sans craindre la caricature.

– La gauche morale. « Les progressistes doivent ramener le débat économique sur le terrain moral », professe-t-il. « L’une des missions essentielles des entreprises publiques est de donner l’exemple », argumente-t-il, pour justifier sa volonté d’encadrer les salaires des managers de Belgacom et de la SNCB. « Dans le discours socialiste, il est question de devoirs plus que de droits », précise-t-il encore. Tout sauf anodin. Car ce par quoi le PS a péché, ce qui a failli causer sa perte, en 2007, à l’époque des scandales politico-financiers de Charleroi, ce sont précisément les errements moraux de plusieurs mandataires.

– La gauche verte. Comme si Paul Magnette voulait engager son parti sur la voie de l’écosocialisme, un terme auquel il se réfère parfois. « Une économie reposant sur la consommation matérielle croissante conduit à l’impasse », diagnostique-il. Comment rompre avec le productivisme ? Le politologue ne répond pas à la question. Mais on notera une évolution par rapport à Elio Di Rupo, qui n’a jamais pris la question écologique au sérieux, en tout cas pas au point d’en faire une priorité.

– La gauche universaliste. Il défend l’Europe non par fétichisme, mais parce que les défis de l’époque commandent, selon lui, l’organisation politique la plus large possible. Son credo : « Nos Etats sont devenus trop petits pour affronter les défis d’un monde globalisé. »

Mi-observateur, mi-acteur, le président du PS n’ignore pas la position unique qu’occupe son parti dans le paysage politique international. « Alors que dans toute l’Europe la gauche est en reflux, la Wallonie, telle un village gaulois, résiste ». Pour combien de temps ?

Les extraits des chroniques dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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