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Le mécanisme du « DAR » wallon recalé, des permis annulés ?

La Cour constitutionnelle a invalidé jeudi le mécanisme du décret wallon d’autorisation régionale (DAR) et les ratifications portant sur plusieurs permis (aéroports de Liège Bierset et de Charleroi Bruxelles-Sud, etc), qui restent toutefois effectifs. Cette décision devrait avoir pour effet de relancer toute une série de recours au Conseil d’Etat contre lesquels le « DAR » avait servi de bouclier ces quatre dernières années pour d’importants projets d’infrastructure wallons.

Le DAR permet depuis 2008 au parlement wallon de ratifier une série de permis pour des projets jugés d’importance régionale, leur évitant ainsi des recours intempestifs au Conseil d’Etat. Ce décret porté sous la précédente législature par le ministre André Antoine (cdH) fait depuis l’objet d’une longue bataille juridique de la part de ses opposants, notamment des riverains d’aéroports wallons et plusieurs associations. Ecolo, alors dans l’opposition, avait lui aussi combattu le décret, vu comme une manoeuvre pour contourner le Conseil d’État jugé trop sourcilleux par certains.

En janvier 2011, certains projets en ont donc été retirés du DAR au terme d’une polémique politique qui a agité la majorité Olivier pendant quelques mois. Un arrêt de la Cour européenne de justice avait paru conforter les opposants au DAR en février dernier, mais leur interprétation devait encore passer l’épreuve de la Cour constitutionnelle. Jeudi, la Cour constitutionnelle a donc invalidé le mécanisme de ratification parlementaire du décret DAR initial et annulé les ratifications portant sur différents permis (permis d’environnement de l’aéroport de Liège Airport, permis d’urbanisme pour l’allongement de Liège-Bierset, station d’épuration de Hain à Braine-le-château, permis pour FEDEX à La Hulpe). D’autres permis pour l’aéroport de Charleroi (travaux Tintia, permis unique BSCA, permis d’environnement BSCA) et le permis unique pour la ligne RER 124 violent quant à eux la Constitution, mais ne sont pas annulés.
La Cour a relevé que le législateur ne pouvait « se limiter à ratifier purement et simplement un acte administratif préexistant, en se bornant à faire état de motifs impérieux d’intérêt général sans l’ouverture préalable d’une procédure législative au fond qui permette de respecter » les conditions d’information des conventions internationales et d’une directive européenne en la matière.

Les permis visés restent toutefois effectifs. Ils reviennent en réalité dans le circuit traditionnel du contentieux administratif, et pourront donc être contestés devant le Conseil d’État, pour autant que les délais ne soient pas dépassés. Enfin, d’autres décrets ratifiant des permis postérieurs au DAR (gare de Mons, 4e écluse de Lanaye, etc) ne sont pas affectés par l’arrêt. Ils pourraient l’être en cas de recours ultérieurs au Conseil d’Etat. Au plan politique, le DAR fait partie de l’évaluation du CWATUPE qui s’est achevée en début d’année. Au cabinet du ministre wallon de l’Aménagement du territoire Philippe Henry (Ecolo), on dit prendre acte de l’arrêt, et l’on souligne accorder la plus grande attention aux permis actuels et à venir.

Le gouvernement poursuit ses travaux dans le cadre de la réforme du CWATUPE en vue de garantir la cohérence, la praticabilité, la lisibilité, la stabilité et la sécurité juridique et de répondre aux objectifs de gestion parcimonieuse du sol, rencontrant également les défis de mobilité et de changements climatiques, fait-on savoir.

Avec Belga

C’est un jour noir pour la Wallonie, estime André Antoine, père du décret

Le vice-président cdH du gouvernement wallon, André Antoine, père du décret « DAR », a dit jeudi sa stupéfaction et sa déception après l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui a annulé le texte. « C’est un jour noir pour la Wallonie », a-t-il lancé. M. Antoine avait pris l’initiative de ce dispositif de validation par le parlement de certains permis d’intérêt régional sous la précédente législature, alors qu’il était ministre de l’Aménagement du territoire. Ecolo, alors dans l’opposition, et certains groupes de pression environnementaux avaient vivement dénoncé le dispositif qui, selon eux, consistait à contourner le Conseil d’État au profit de la Cour constitutionnelle.

« Comme légaliste, je ne peux que m’incliner même si, à l’époque, nous nous étions entourés des meilleurs juristes », a souligné le ministre. M. Antoine s’étonne toutefois de la différence de traitement que semble faire la Cour entre la Wallonie et la Flandre. Le texte wallon s’inspirait en effet d’un dispositif utilisé par la Région flamande pour d’importants travaux en faveur du port d’Anvers et dont la Cour a admis la constitutionnalité à trois reprises.

« Je suis d’une perplexité totale. Il y a là deux poids et deux mesures entre la Flandre et la Wallonie », a affirmé le ministre. Le père du « DAR » s’étonne en outre des motivations de la Cour au regard des directives européennes: elle reproche au texte de ne pas donner assez de pouvoir aux parlementaires à qui est soumis le permis sans toutefois résoudre la question des enquêtes publiques et études d’incidence auxquelles il faudrait recourir si les députés modifiaient le permis, a-t-il expliqué. « Je suis déçu pour la Wallonie. Ce décret a été voté dans le cadre du Plan Marshall pour sécuriser des infrastructures structurantes, d’intérêt économique majeur, comme les aéroports, ou de salubrité publique, comme la station d’épuration de la vallée du Hain. L’intérêt public est battu au profit d’intérêts partisans ou privés à un moment où il ne reste plus à la Wallonie que dix ans pour se redresser. Ma seule consolation, c’est que le décret a quand même permis à certains travaux de progresser voire de se terminer ».


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