Gérald Papy

Le martyre des chrétiens d’Orient

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’ATTENTAT QUI A COÛTÉ LA VIE À 21 FIDÈLES de l’église des Saints d’Alexandrie dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier est venu s’ajouter à la litanie des violences et des intimidations qui ont frappé ces dernières années ceux que l’on appelle communément les chrétiens d’Orient, qu’ils soient coptes, assyro-chaldéens, maronites…

Deux mois plus tôt, c’est la cathédrale Notre-Dame du Perpétuel Secours de Bagdad qui avait été le théâtre d’une prise d’otages par des extrémistes islamistes ; 46 civils et 7 soldats avaient été tués. L’Etat islamique d’Irak, un groupuscule se réclamant du réseau Al-Qaeda, avait alors désigné les chrétiens comme des « cibles légitimes » et avait clairement annoncé une extension de sa campagne à l’Egypte. Pis, au début du mois de décembre, un site Internet islamiste avait désigné des églises coptes d’Egypte, dont celle d’Alexandrie, comme des objectifs pour les terroristes.

Comment qualifier autrement que par la non-assistance à population en danger l’attitude du gouvernement égyptien qui, malgré ces avertissements, n’a pas renforcé en conséquence les mesures de sécurité autour des lieux de culte chrétiens la nuit de la Saint-Sylvestre ? L’appel du président Moubarak à l’unité entre musulmans et coptes apparaît bien opportuniste et factice dès lors que toutes les analyses de l’évolution du pays le plus peuplé du monde arabo-musulman démontrent le contraire : une islamisation croissante de la société aux dépens des minorités religieuses comme gage de l’arrêt de la violence contre le pouvoir. Ce pacte honteux qu’expérimentent depuis quelques années des Etats « alliés de l’Occident » comme l’Egypte ou l’Algérie.

Les chrétiens d’Orient ne sont pas les laissés-pour-compte des seuls régimes dictatoriaux dont ils se sont longtemps accommodés faute de mieux, comme le démontre la dégradation de leur sort en Irak depuis la chute de Saddam Hussein. L’Occident reste encore très frileux à défendre leur cause. Auteur du livre Ces chrétiens qu’on assassine (2009), René Guitton explique cette posture par la culpabilité occidentale vis-à-vis de la colonisation et de la Shoah, mais aussi par la genèse du mouvement de défense des droits de l’homme. Celui-ci s’est forgé dans la lutte pour la protection des minorités religieuses et ethniques en Europe et en Amérique, schéma dans lequel les juifs, les musulmans, les Noirs s’inscrivaient, alors que « l’Occident, de plus en plus déchristianisé, peinait à imaginer que les chrétiens puissent être persécutés pour leur foi parce qu’être chrétien apparaissait comme être du côté du pouvoir ». Trop lentement, cette perception commence à changer. La défense des minorités chrétiennes, dont le sort est méconnu, est un combat pour les droits de l’homme, c’est une évidence. Car, comme le proclamait le spécialiste du droit des minorités d’origine syrienne Joseph Yacoub, « tuer un chrétien en Irak parce qu’il est chrétien, alors qu’il a autant de légitimité qu’un musulman à y vivre, c’est tuer une part de notre humanité ».

GÉRALD PAPY

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire