Thierry Fiorilli

Le maître reprend la main

Thierry Fiorilli Journaliste

Au bout, c’est toujours l’électeur qui tranche. Mais en attendant, les gros bras défilent dans l’arène. Et deux d’entre eux éclipsent les autres : Elio Di Rupo et Bart De Wever.

Depuis 2010, on répète que le second dicte tous les agendas, y compris celui du gouvernement fédéral, où il ne siège pas. C’est lui qui a la main. C’est lui qui va gagner, le 25 mai prochain. En Flandre. Mais avec une telle ampleur, une telle puissance, que tous les autres niveaux de pouvoir encaisseront la secousse et n’auront d’autres choix que de s’adapter à ses volontés. Il a usé et abusé de cette tactique, de cette posture. Les précisions, hier, « du confédéralisme voulu par la N-VA » s’inscrivent dans cet ordre des choses.

Sauf que depuis quatre ou cinq mois, le vent a tourné. Le champion semble essoufflé, son challenger apparaît le plus affûté et, pour passer de l’image des jeux du cirque à celle de l’épreuve d’endurance, la physionomie de la course a changé : c’est au tour de Di Rupo d’imprimer le rythme. C’est lui qu’on voit partout : avec les Diables Rouges en Croatie, devant les étudiants à Gand, Liège et Louvain-la-Neuve, au coeur de la foule et dansant la samba à Bruxelles pour la Fête nationale, face caméra pour annoncer la réforme de l’Etat, la réforme des dotations royales et 22 milliards d’économie réalisés en même pas deux ans, à Ostende, en Chine, à Vaux-sur-Sûre, à New York, avec Angela Merkel, avec les familles des victimes du crash d’avion à Gelbressée, à Mons parmi les siens, bientôt à Estaimpuis pour l’inauguration de la cave à vin de Gérard Depardieu…

Un extraordinaire one-man-show qui frise l’overdose. De ceux auxquels De Wever nous avait habitués avant de prendre le mayorat d’Anvers, début de cette année. De passer le plus clair de son temps à rétablir l’ordre au sein de son équipe et affronter des médias flamands désormais désenvoûtés. Et de courir derrière les résultats et l’omniprésence du chef de gouvernement, autour duquel les autres partis flamands font de plus en plus bloc.

A sept mois des élections, celui qui était l’Incontournable affiche donc une mine toujours plus tendue. Qui contraste avec celle de plus en plus sereine de son rival francophone. Un rival capable de manipuler ses propres alliés, leur dissimulant durant trois mois la décision du Roi d’abdiquer mais les pressant de réformer tout ce qui peut se réformer durant ce laps de temps, pour finalement s’ériger en seul organisateur de la passation de pouvoir entre Albert II et son propre fils et s’avérer l’unique grand bénéficiaire d’un épisode, historique, qui aurait pu se révéler beaucoup plus délicat à gérer si tous les partis de la majorité, autour de la table des négociations, avaient été informés des enjeux, des délais et du butin à convoiter.

Même si le PS perd Bruxelles, même si le contrôle sur Liège laisse à désirer, les événements de ces derniers mois et leurs coulisses démontrent que celui qui est et Premier ministre et président en titre du toujours premier parti de Wallonie reste l’homme le plus puissant du pays. Que le Palais sert bel et bien ses intérêts. Que ses partenaires ne sont que des pions. Et que son adversaire majeur découvre sans doute meilleur que lui, en termes de communication, de stratégie et de flair.

Bref, c’est aujourd’hui Elio Di Rupo qui dicte l’agenda, y compris celui de la N-VA, malgré ses gesticulations de cette semaine. C’est lui qui a la main. C’est lui le maître du jeu. A nouveau. Machiavel souriant. Avant que, dans un peu plus de deux cents jours, l’électeur tranche. En âme et conscience.




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