LA RÉNOVATION du bâtiment est signée Rudy Ricciotti, l'architecte français à qui l'on doit notamment le Mucem de Marseille. © RUDY LAMBORAY

Le Louvre arrive à Liège

Le Vif

Entre Liège et Paris, l’histoire d’amour continue. Elle prend aujourd’hui le visage d’un partenariat prestigieux entre le nouveau centre muséal Boverie, qui ouvrira ses portes au printemps, et le plus renommé des musées français, le Louvre.

C’est le couronnement du redéploiement urbain voulu par Liège : en mai prochain ouvrira le musée Boverie, niché dans un écrin de verdure sur une île formée par la Meuse et la Dérivation. « C’est le parachèvement de l’oeuvre », commente le bourgmestre de Liège, Willy Demeyer (PS). Bien connu des Liégeois qui viennent s’y promener et s’y détendre dès les premiers beaux jours, ce lieu bucolique accueillit, en 1905, le palais principal de l’Exposition universelle.

Ce bâtiment emblématique s’imposera comme le jalon manquant de l’axe Guillemins-Médiacité grâce au travail de rénovation de l’architecte français Rudy Ricciotti, à qui l’on doit notamment le Mucem (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) de Marseille. Un chantier qui a nécessité un investissement de 27 millions d’euros, pris en charge à 40 % par les fonds européens Feder, à 50 % par la Région wallonne et à 10 % par la Ville.

Accessible en quelques minutes depuis la gare de Calatrava par la nouvelle passerelle cyclo-pédestre, le bâtiment accueillera les collections permanentes du Musée des Beaux-Arts de Liège mais aussi, sur un second niveau, un centre d’exposition d’envergure internationale.

Expertise et prestige du Louvre

Le ton est donné par le partenariat structurel conclu entre La Boverie et le Louvre, qui prendra la forme d’une grande exposition annuelle jusque fin 2018. La première de ces trois expositions se tiendra à partir du 5 mai 2016 et aura pour thème En plein air. Elle devrait réunir de nombreuses oeuvres majeures, notamment impressionnistes, issues des collections des deux partenaires ou prêtées par d’autres institutions prestigieuses. « Il est vrai que nous pouvons parfois faciliter l’accès à certaines collections, même si nous n’avons pas tout pouvoir », commente Sophie Kammerer, chef du service Louvre Conseil. Dans le cadre de ce partenariat, le grand musée parisien interviendra par ailleurs dans la scénographie des collections permanentes.

Sans être un « Louvre-Liège » au même titre que le « Louvre-Lens » ou le « Louvre-Abu Dhabi », La Boverie entend donc profiter non seulement de l’expertise hautement qualitative de l’institution mais aussi de son pouvoir d’attractivité sur les visiteurs, qu’ils soient belges ou étrangers. « Depuis quinze ans, nous avons beaucoup misé sur les infrastructures culturelles dans le cadre du développement de la ville. Et nous avons été dès le départ en recherche de partenariats. En 2008, nous avions notamment pensé au musée de l’Ermitage mais cela ne s’est pas fait », rappelle Willy Demeyer. Qu’à cela ne tienne : pour le bourgmestre, « le Louvre, c’est ce dont une ville francophile comme Liège pouvait rêver de mieux ».

Cette collaboration serait d’ailleurs le fruit de relations étroites entre le directeur des musées de la ville de Liège, Jean-Marc Gay, et certains acteurs culturels parisiens. Vincent Pomarède, numéro deux du Louvre et futur commissaire de l’exposition inaugurale du musée Boverie, s’affiche du reste comme un admirateur de longue date des collections liégeoises, tant dans le domaine des arts mosans que de la peinture des XIXe et XXe siècles. « En regard de la ville de province qu’est Liège, la qualité des collections a été assez surprenante pour éveiller l’intérêt d’un partenaire comme le Louvre », commente-t-on à la Ville.

Le Louvre hors les murs

Pour le Louvre, le projet liégeois prend naturellement place dans la politique de décentralisation qu’il mène depuis quelques années et qui possède aujourd’hui sa structure dédiée, le « Louvre Conseil ». « Nous avons vocation à transmettre les savoir-faire du Louvre dans l’ensemble de ses domaines de compétences auprès des partenaires qui nous sollicitent », explique Sophie Kammerer, responsable de ce service. Le musée parisien collabore par exemple avec le musée du Bardo, à Tunis, à travers un « chantier-école » qui lui permet d’accompagner les travaux de restauration des antiquités romaines mais aussi de former de jeunes Tunisiens à ces techniques. « Liège est cependant notre première collaboration avec une collectivité à l’étranger », précise Sophie Kammerer.

Un partenariat qui, outre les affinités électives unissant les deux villes, représente pour l’institution parisienne une occasion de déployer sa sphère d’influence auprès du public belge après son implantation dans la région Nord-Pas-de-Calais. « Le musée Louvre-Lens représente un challenge important pour nous. Or le public belge y est le premier public étranger ! Il est donc important pour nous de tisser des liens avec lui », confie Sophie Kammerer. « Le souhait du Louvre est, par ailleurs, de favoriser les collaborations de moyen terme car cela s’avère plus vertueux et plus gratifiant que de travailler sur une seule exposition comme nous l’avons fait par le passé », poursuit la chef de service du Louvre Conseil. Quant à savoir si ce partenariat pourrait être prolongé au-delà de 2018, ni Liège ni Paris ne s’avancent. La chose, assure-t-on néanmoins d’un côté comme de l’autre, « n’est pas exclue ».

Paris, fief de la culture ?

Le Louvre, dont le public est à 70 % constitué d’étrangers, voit encore dans ce partenariat l’occasion d’étudier les manières d’attirer un public plus local, tandis que La Boverie entend, pour sa part, ouvrir Liège à l’international. « Nous sommes aussi très heureux d’être l’ambassadeur du Louvre dans notre région d’Europe puisque Liège se trouve à ce point de jonction particulier entre les pays latins et les pays germaniques », commente le bourgmestre.

La candidature de Liège 2017 a en effet mis en avant l’atout que représente la localisation stratégique de Liège, avec une zone d’influence englobant des villes comme Londres, Francfort… et bien sûr Paris. « Tous les porteurs de la carte « Amis du Louvre » accéderont aux expos de La Boverie », commente-t-on encore au sein de Louvre Conseil. Quoi de plus simple pour les Parisiens que de sauter dans le Thalys et d’emprunter ensuite la nouvelle passerelle en direction du nouveau centre muséal liégeois ?

Si le chemin semble tout tracé, ce partenariat fait cependant resurgir une question qui n’a cessé de tarauder les artistes belges et autres provinciaux ambitieux : a-t-on, encore et toujours, besoin de Paris, quand il s’agit de porter haut l’étendard de la culture ? « Bien sûr, le Louvre a cette touch particulière, mais nous n’attendons pas qu’il nous dise comment accrocher nos toiles ! Il s’agit d’un véritable échange, d’une collaboration de tous les instants. Et c’est aussi pourquoi nous avons choisi ce modèle de gestion qui laisse la place à d’autres événements que ceux organisés avec le musée français », rassure-t-on à la Ville. Aucun problème d’ego donc ? « Au contraire, les partenaires liégeois sont heureux et flattés de travailler avec le Louvre », certifie le bourgmestre. Car si Liège a beau avoir aujourd’hui tout pour elle, Paris sera toujours Paris !

Par Julie Luong

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