Kris Peeters et Charles Michel © BELGA

Le gouvernement Michel est un cabinet de la discorde, mais court-il aussi au désastre?

Le gouvernement Michel se traîne vers les élections, englué dans une série de chantiers inachevés.

Les années de vaches grasses sont révolues pour le gouvernement Michel. Onze mois avant les élections fédérales, les dossiers difficiles et importants s’accumulent. Ainsi, la semaine dernière, le gouvernement a reporté la décision sur le remplacement des avions de combat F-16 au 14 octobre 2018, le jour des élections communales. Que les offres de l’Américain Lockheed Martin pour le F-35 et du British BAE Systems pour l’Eurofighter ne soient valables que jusqu’à la mi-octobre est un détail agaçant. Plus important encore, le gouvernement – sous la pression du Premier ministre Charles Michel (MR) qui se laisse mettre sous pression par la France – reconsidère le Rafale de Dassault, même si cette compagnie s’est retirée il y a quelques années de l’appel d’offres public. De cette façon, il devient l' »achat fantomatique du siècle ».

Bien qu’au cours de la décennie précédente, plusieurs gouvernements aient déjà décidé à trois reprises de ne pas prolonger la durée de vie du F-16, même cette option-là est réexaminée. Ce n’est pas seulement un blâme pour le ministre de la Défense Steven Vandeput (N-VA), c’est aussi la preuve que ce gouvernement a perdu le nord. Ce vaudeville va-t-il tourner au compromis à la belge? Est-ce qu’on achètera 17 F-35 pour Kleine-Brogel et 17 Rafales pour Florennes, comme le prédisait le professeur Herman Matthijs? En tout cas, cela nous coûterait encore plus d’argent. Et ce serait un premier pas vers la confédéralisation de la défense.

Le gouvernement continue également à reporter la réforme des retraites et la liste des métiers pénibles. Le ministre des Pensions Daniel Bacquelaine (MR) a longtemps traîné, et le mois dernier, il a tout gâché. Personne ne s’attend à des éclaircissements avant les élections fédérales de 2019 sur qui peut prendre sa retraite quand, et comment les indemnités de retraite seront calculées.

« Jobs, jobs, jobs, c’était là le mantra de ce gouvernement. Et tout le monde était invité à travailler plus longtemps, afin de maintenir notre prospérité. Les emplois ont été créés, principalement grâce au bon climat économique international, mais la politique n’a pas suivi. Le gouvernement a « marché et reculé au cours des derniers mois », écrivait récemment professeur en économie du travail Stijn Baert. La discussion pénible entre le ministre fédéral de l’Emploi Kris Peeters (CD&V) et son homologue flamand Philippe Muyters (N-VA) sur le chômage avec complément d’entreprise – l’ancienne pension de retraite anticipée – qui sera appliquée à Carrefour à partir de 56 ans, illustre la politique dans ce domaine: beaucoup de paroles, pas d’actes.

Il n’y a aucun avancement dans le dossier Arco et donc sur l’entrée en bourse de Belfius, deux dossiers que le CD&V relie entre eux. Il y a près de dix ans, 800 000 coopérants Arco ont perdu leur argent lorsque Arco, le bras financier du mouvement ouvrier chrétien, est tombé avec la banque Dexia. Le gouvernement Leterme avait promis aux coopérants que le gouvernement compenserait leur perte: ainsi, l’ACW (aujourd’hui beweging.net) a transmis la facture de son échec au contribuable. Le fait qu’on y lie l’entrée en bourse de Belfius montre à quel point les actifs de l’état sont gérés de manière étourdie: si un gouvernement décide de vendre (partiellement) une banque publique comme Belfius, cela doit se faire dans les meilleures conditions, donc quand le marché boursier se porte bien. Le gouvernement Michel a laissé passer cette chance. Le dossier Arco-Belfius continue à pourrir.

Comme si cela ne suffisait pas, la Banque Nationale a diminué les perspectives de croissance pour cette année de 1,7% à 1,5%, en accord avec KBC et le Bureau du Plan. C’est une mauvaise nouvelle pour nos finances publiques. Le journal économique De Tijd a calculé que le gouvernement Michel doit trouver 3,7 milliards d’euros cet été pour atteindre ses objectifs. Et ils avaient déjà été revus à la baisse. On se demande comment le gouvernement va combler cet écart, moins d’un an avant les élections fédérales et quatre mois avant les élections municipales.

Depuis le début, le gouvernement Michel manque de dynamisme. Au lieu de trancher ces questions dès la première moitié de son mandat, il s’est transformé en cabinet de la discorde. Aujourd’hui, il risque de courir au désastre. Les années de vaches grasses sont révolues, reste à voir s’il y aura encore des vaches tout court d’ici les élections.

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