© Belga

Le gouvernement Di Rupo, deux années la tête dans le guidon, à réformer et assainir

Le Vif

Atypique, le gouvernement Di Rupo a vu le jour en décembre 2011 à l’issue d’une crise institutionnelle sans précédent dans l’histoire de la Belgique – 541 jours – au terme de laquelle les trois grandes familles, socialiste, libérale et démocrate-chrétienne ont mis en place un gouvernement de réforme pour deux ans. Avec l’aide de la famille écologiste, il accoucha d’une refonte du paysage institutionnel censée « stabiliser » le pays en proie aux menaces autonomistes de la N-VA.

D’abord avec les Verts sur le plan institutionnel puis sans eux au sein du gouvernement, la majorité a eu pour objectif de réduire à néant les velléités nationalistes du plus grand parti du pays resté au bord du chemin alors qu’une profonde crise économique secouait le continent européen.

Le 25 mai, sonnera l’heure du bilan du gouvernement à majorité francophone. Où en sera la N-VA, qui mois après mois, a fait évoluer son discours institutionnel pour le mettre au service d’un véritable projet économique ultra-libéral? Les sondages continuent à la donner gagnante. L’électeur s’exprimera.

Cette évolution de la N-VA s’est marquée dès la discussion sur la scission de l’arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde, vieille revendication du mouvement flamand, dont la réalisation est pourtant passée inaperçue ou presque au parlement.

Associé aux Verts, le gouvernement s’enorgueillit d’avoir pu franchir cet écueil historique en plus d’avoir réalisé une réforme de l’Etat à hauteur de 17 milliards d’euros et une autonomie fiscale de quelque 10 milliards d’euros, moyennant le vote d’une nouvelle loi de financement des entités du pays.

Dans ce contexte, aussitôt mise en place, l’équipe Di Rupo s’est attelée à un autre chantier, non moins impressionnant, l’assainissement des pouvoirs publics pour un montant de 22 milliards d’euros, qu’il assure avoir été indolore pour la population, là où l’opposition écologiste et les syndicats évoquent des reculs graves en matière sociale. L’objectif du gouvernement: rencontrer les obligations européennes qui contraignent la Belgique à un retour à l’équilibre structurel en 2015.

Parmi les réformes structurelles entreprises, c’est la réforme du chômage – accroissement de la dégressivité et limitation à 3 ans des allocations d’insertion – justifiée par la nécessité d’augmenter la participation des demandeurs d’emploi au marché du travail qui aura le plus cristallisé l’opposition gauche-droite, y compris au sein du gouvernement.

Rapidement expédiée, la réforme des pensions visant à conserver plus longtemps les travailleurs âgés sur le marché de l’emploi fut moins contestée. Le débat sur la compétitivité des entreprises, souvent âpre entre partenaires, déboucha sur la conclusion d’un pacte de relance associant des baisses de charges pour les entreprises et des mesures de soutien au pouvoir d’achat, pour les travailleurs et les allocataires sociaux. Au final, on préserva l’indexation des salaires et l’essentiel de la Sécurité sociale, par ailleurs renforcée au profit des indépendants.

La maîtrise des coûts de l’énergie, parmi les plus importants d’Europe a contribué à renforcer le pouvoir d’achat, le gouvernement décidant dans la dernière ligne droite de diminuer à 6% la TVA sur l’électricité pour les particuliers. Prolongeant la durée de vie des centrales nucléaires, il fait aujourd’hui face aux problèmes techniques de certains réacteurs, l’opposition s’interrogeant sur la sécurité d’approvisionnement du pays. Le gouvernement assure que la diversification de l’offre y subviendra. On devrait en reparler durant la campagne et après les élections.

En vue de protéger le consommateur, le gouvernement papillon s’est également attaqué à ce qui constitua le noeud de la crise économique, la faillite du système bancaire. C’est à cette fin, qu’il a réformé la supervision bancaire et revu le modèle bancaire, en renforçant la protection de l’épargne vis-à-vis de la spéculation. Il n’y aura pas, cependant, de véritable séparation des métiers bancaires, un regret exprimé là aussi par l’opposition écologiste.

Autre réforme importante mise en oeuvre durant cette courte législature, celle de la Justice a abouti à une diminution du nombre d’arrondissements judiciaires et une plus grande mobilité des magistrats qui disposent dorénavant de moyens pour une gestion autonome. Destinée à une amélioration de la situation du justiciable (notamment la lutte contre l’arriéré judiciaire), la réforme n’est pas toujours bien passée auprès de la magistrature qui a dénoncé les enveloppes fermées dans le cadre desquelles elle est censée travailler ainsi que la précipitation avec laquelle le projet a été mis en oeuvre. A côté de cela, le gouvernement a également lancé un vaste chantier de construction de nouvelles prisons, supposé, aux côtés d’autres mesures (bracelet électronique…), réduire la surpopulation carcérale.

En pleine crise économique, la gouvernance a également figuré au centre des préoccupations de l’équipe en place et cela s’est notamment traduit par une restriction des salaires des patrons d’entreprises publiques. De nouveaux administrateurs délégués ont été nommés, non sans mal, à Belgacom, bpost et au chemins de fer, alors que le rail, en crise de mutation, a été réorganisé, en deux pôles, infrastructures et SNCB, en tenant compte des impératifs européens.

En matière d’immigration, le gouvernement a mené une politique d’asile plus resserrée (procédure accélérée, liste de pays sûrs…) alors que l’accès à la nationalité a été réduit à portion congrue. Dans le chaos qui a précédé la formation du gouvernement, un certain nombre de réformes sont passées à l’initiative des partis de droite, notamment le corsetage du regroupement familial.

Au final, deux ans de réformes ont animé l’action du gouvernement, qui, assurément, laisseront des traces. Ces réformes auront même dépassé le cadre du gouvernement, avec l’adoption au parlement, moyennant le recours à une majorité laïque, d’une extension aux mineurs de la loi autorisant l’euthanasie. En fin de législature, le recours à cette majorité eut également pour effet de casser la dynamique au sein de la majorité de circonstance qui avait fini par émerger à la St-Nicolas 2011. Il était temps de retourner aux urnes.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire