© Reuters

« Le fonctionnement de l’Europe est anti-démocratique »

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Directeur de recherches en Economie au CNRS et jésuite, Gaël Giraud dénonce la « mise sous tutelle politique » de la Grèce par l’Union européenne. Il en appelle à une réforme structurelle de la zone euro.

En début de semaine, le président de la commission européenne Jean-Claude Juncker a dit croire en un accord définitif entre la Grèce et ses créanciers avant la fin du mois. Pour l’économiste Gaël Giraud, l’arrangement ne règle pas le problème de fond d’une zone euro réunissant des économies aussi divergentes. Extraits de l’interview accordée cette semaine au Vif/L’Express.

Vous êtes de ceux qui se sont publiquement réjouis de l’arrivée de Syriza au pouvoir en Grèce. Quel est votre sentiment après le plan d’austérité imposé à Athènes en échange de nouveaux prêts ?

Gaël Giraud : Le sentiment d’un énorme gâchis, qui était entièrement prévisible et qui témoigne de la faillite structurelle de la zone euro. On a créé une zone monétaire unique pour des pays dont la structure économique et industrielle est fondamentalement différente. La caricature, c’est, d’un côté, l’Allemagne, pays riche et très industriel, et de l’autre, la Grèce, pays pauvre pratiquement sans industrie à part le tourisme et le transport maritime. Les responsables politiques des années 1990 ont pensé que la monnaie unique allait faire converger ces modèles économiques. Au lieu de cela, ils ont divergé. Résultat : une cassure très forte entre les pays du sud de l’Europe, la Grèce, l’Italie, le Portugal, l’Espagne, la France, l’Irlande et tous les autres, Belgique incluse, sauf la Wallonie qui est plutôt du côté sud. Ce qui arrive en Grèce n’est pas une surprise: avec un taux d’intérêt unique dicté par la Banque centrale européenne (BCE) et des différentiels d’inflation, le sud de l’Europe étant structurellement plus inflationniste, il ne pouvait pas en être autrement. Le sud a besoin de capitaux. Or ils partent vers le nord, moins inflationniste, où le taux d’intérêt réel est plus attractif. C’est donc un problème structurel qu’on ne résoudra pas par des réponses conjoncturelles.

En Italie, en Irlande et en Grèce, trois gouvernements démocratiquement élus ont déjà été poussés vers la sortie au profit de technocrates afin de ne pas déplaire aux marchés, rappelez-vous. L’Union européenne a-t-elle cessé d’être démocratique ?

Son fonctionnement actuel est en tout cas anti-démocratique. Dans l’accord imposé à Alexis Tsipras, on l’oblige à faire le contraire de ce que dit le résultat du référendum. On lui impose d’adapter la Constitution à cet accord et en outre, de consulter les autorités européennes avant son propre Parlement pour prendre une décision. Cela s’appelle une mise sous tutelle politique : même le Parlement grec n’a plus d’importance.

Comment qualifieriez-vous le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, politiquement ?

La manière dont Tsipras est décrit ici dans les médias est incroyable. Il n’est pas du tout un radical de gauche, ni un communiste. Son programme politique est un bon programme social-démocrate de base. Mais il est souvent présenté comme un Mélenchon en pire. La preuve, lance-t-on : il ne porte pas de cravate, ce qui est quand même un argument très, très fort ! On dit qu’il n’a jamais négocié ? C’est l’un des meilleurs négociateurs que l’on ait en Europe. Il n’a pas d’expérience politique ? C’est vrai, mais il est bien meilleur politique que certains technocrates de la Commission européenne, à Bruxelles. On en est là dans la propagande pour discréditer un homme politique en Europe. C’est effrayant.

Lire l’intégralité de l’interview de Gaël Giraud dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire