Le duc d'Albe © DR

Le duc d’Albe, ce tyran sanguinaire qui a terrifié nos ancêtres

Le Vif

Son nom a fait frémir des générations d’écoliers. Il symbolise la répression sanglante qui s’est abattue sur nos régions au XVIe siècle. Mais les historiens d’aujourd’hui rendent justice au duc d’Albe.

Défenseur de la foi, Charles Quint a fait placarder, dès 1520, des édits très stricts contre l’hérésie, qui se répand aux Pays-Bas. Il y instaure l’Inquisition. Son fils, Philippe II, confronté à l’opposition des nobles et aux violences des iconoclastes protestants, opte pour une répression féroce.

Pourtant, bien plus que Charles Quint – présenté au XXe siècle encore comme un « enfant aimé de la Belgique » et un « vrai roi catholique » – et plus, même, que son fils Philippe II, le duc d’Albe symbolise, aux yeux des Belges, les années sombres de la répression espagnole dans nos régions. Son nom a fait frémir des générations d’écoliers à une époque où les figures de proue de notre passé n’avaient pas encore été escamotées des cours d’histoire.

Figure centrale d’une période troublée, don Fernando Alvarez de Toledo « a été perçu dès le départ comme un tyran sanguinaire, constate l’historienne Aline Goossens, qui a collaboré, en 1995, à l’ouvrage collectif consacré aux Grands Mythes de l’Histoire de Belgique, de Flandre et de Wallonie. Mais une grande confusion règne dans les esprits : la plupart des opinions sont le reflet des peurs et du fanatisme de ses contemporains. Il est soit le héros national espagnol se battant pour la gloire de son roi et de l’Eglise catholique, soit le pire des monstres assoiffés de sang ».

Envoyé chez nous avec les pleins pouvoirs, le duc d’Albe est considéré, depuis le XVIIe siècle, comme l’ « ange exterminateur » qui a instauré le Conseil des troubles, un tribunal d’une telle rigueur qu’il est vite désigné sous le nom de Bloedraad ou Conseil du sang. Face à lui, les comtes d’Egmont et de Hornes, décapités, sont glorifiés en tant que héros défenseurs de la patrie. Les historiens belges ont longtemps décrit le duc comme un « despote austère », un « catholique fanatique », un « guerrier froid et implacable ». Les peintres, eux, l’ont représenté la mine sévère et rude.

L’étude scientifique récente lui rend quelque peu justice, même si le cliché persiste dans l’opinion. Ce grand capitaine et stratège méritant n’a rien d’un soudard. Homme de son temps, il est ambitieux et inaccessible au doute. Loin d’être le concepteur de la politique de répression contre les hérésies, il est l’exécutant docile des instructions de Philippe II, qui réclame des têtes de rebelles et la confiscation de la plus grande quantité de ducats possible. Albe accumule les horreurs « non par cruauté, mais par obéissance à son maître », estimait l’historien Georges-Henri Dumont. Il appelle même, en vain, le roi à la modération : « C’est un peuple si facile, lui écrit-il le 3 octobre 1567, que si la clémence de Votre Majesté accordait un pardon général, les coeurs seraient gagnés. »

Pressé de rétablir l’ordre, le gouverneur général n’obtient pas les moyens financiers dont il a besoin. Pour pouvoir payer ses soldats et ses mercenaires, qui se rendent coupables d’exactions, il tente de rationaliser l’impôt, mais se heurte à l’hostilité des Etats. Ses réformes administratives, qui bousculent abus et privilèges, accentuent encore son impopularité. « Les exécutions ont laissé dans les esprits une terreur si grande qu’on croit ici qu’il s’agit de gouverner à perpétuité dans le sang », reconnaît-il. Dégoûté par la guerre civile qui n’en finit pas, il demande son rappel à plusieurs reprises. Le roi y consent en 1573, sept ans après l’arrivée du duc à Bruxelles.

O.R.

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